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HistoireLa colonisation française (1830 à 1962)

Article de Jean Jaurès paru dans L’Humanité du 4 mai 1911, au sujet du colonialisme…

kournalNi diversion ni équivoque!

Jaurès, qui fut colonialiste quand il était jeune, prit peu à peu conscience des violences du colonialisme, des barbaries qu’il provoquait, des catastrophes qu’il préparait. Son anticolonialisme devint alors inséparable de son socialisme et de son pacifisme et s’inscrivit dans sa conception de l’Internationale : une Internationale de nations indépendantes et libres.

 

[…] Oui, il faut que la lumière soit faite sur toutes les manœuvres dont les indigènes de Tunisie ont été victimes. S’il est des parlementaires qui ont abusé de leurs fonctions, pour obtenir de vastes concessions de terre à des conditions de privilège, si même ils ont accepté de profiter, avec d’autres spéculateurs d’un régime inique que leur participation protégeait et consolidait, s’ils ont été, en quelque façon que ce soit, les bénéficiaires d’une politique de spoliation, il est nécessaire et urgent que leurs opérations soient mises en pleine clarté et qu’elles soient dénoncées au pays avec précision.

Et toutes les entreprises du même ordre, qu’elles soient menées par des parlementaires ou par d’autres, doivent être signalées et flétries. Il est temps que partout les
indigènes soient protégés. En Tunisie, comme en Algérie, comme au Congo, comme au Maroc, c’est en les pillant que des milliers d’aventuriers s’enrichissent. Monopoles et emprunts marocains, expropriation brutale des Kabyles d’Algérie, grandes concessions congolaises, immenses domaines tunisiens : autant de griffes que le colonialisme rapace a enfoncées dans la chair des vaincus.

Et le débat serait bien misérable […] s’il se bornait à une recherche de scandale ou à de vaines formules d’indignation vertueuse et stérile.
Il faut qu’au profit des indigènes spoliés et violentés soient adoptées d’énergiques mesures de réparation. Il faut que des institutions soient fondées qui leur donnent les garanties nécessaires.
Et qu’aucun de ceux qui ont opéré là-bas ne s’imagine qu’il lui suffira, pour se sauver, d’y dénoncer les autres.
[…] Nous n’avons à ménager ni les uns ni les autres. Nous n’avons pas à faire des uns la rançon des autres. Nous demandons sur tous et pour tous lumière et justice. Que M. Couitéas n’ait pas été le seul à exproprier les indigènes, nous en sommes convaincus mais cela n’allège point sa responsabilité à lui. Il ne s’agit pas de lui seul, mais il s’agit aussi de lui. Nous ne nous prêterons à aucune restriction du débat mais nous ne nous prêterons à aucune diversion.

C’est sur les indigènes que se sont accumulés tous les fardeaux d’iniquité et une plaie ne guérit pas l’autre. Il serait trop commode vraiment qu’un scandale réussît à se perdre dans la multiplicité des scandales soulevés autour de lui. Il y a un proverbe oriental qui dit : « Le chameau se cacherait-il dans la poussière de la caravane ? »

 

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