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Histoire d'Algérie La colonisation française (1830 à 1962)

Arrivée de l’armée française à Sidi Fredj et Staoueli – Partie 2 – le débarquement

Suite du témoignage de Hamdan Ben Othman-Khoja, extrait de son livre : « Le miroir », sur les préparatifs de défense et les nombreux cafouillages qui ont sans aucun doute conduit à la perte d’Alger :

Débarquement de l’armée française à Sidi Fredj, illustration d’époque – 1885

Le jour du débarquement du maréchal Bourmont avec son armée, l’agha Ibrahim n’avait à sa disposition que 500 cavaliers, le bey de Constantine n’avait avec lui qu’un très petit nombre de troupes, ne s’attendant pas à livrer un combat ; et le bey de Titery se trouvait à Mediah, d’où il n’arriva que quelques jours après. J’ai oui dire que le débarquement du maréchal Bourmont était dû au hasard et qu’il s’était exposé à de grands dangers, parce qu’il avait mis les hommes à terre avant d’y mettre les vivre et l’artilleries. Cet état de chose ayant duré trois jours à cause du vent contraire qui éloignait les vaisseaux de transport, l’armée française aurait infailliblement éprouvé un échec, si l’on avait fait quelques préparatifs pour le moment du débarquement ; d’ailleurs l’armée d’Oran n’était pas loin de ce lieu, sous le commandement du lieutenant du bey de cette province, et le bey de Titery avait fait part au pacha qu’il avait à sa disposition 20 mille cavaliers dont 10 mille avec des lances (voilà pourquoi on appelle ce bey Abou Mezrag, mot qui signifie lance).

Ce bey de Titery est un homme de peu d’aplomb, d’une bravoure reconnue, mais incapable de diriger une armée. Lorsqu’il arriva, au lieu des 20 mille cavaliers qu’il avait annoncé, il n’en avait plus que mille. Tous ces guerriers s’étaient campés à Staoueli ; l’agha avec sa fameuse troupe de Mitidja dont je viens de parler et un détachement de kabails s’étaient aussi présentés, mais faute de vivre et de munitions ils se retirèrent dans la Maison Carré, et chaque matin ces soldats retournaient ) leurs champs.

Le bey de Constantine fit observer à l’agha que cette organisation de l’armée ne laissait espérer aucune chance de succès ; que, dans le cas où l’armée française dirigerait sa marche sur Alger, notre retraite servirait pour la guider, et que, dans son opinion, nous ne pouvions résister et lui tenir tête. Il lui fit aussi remarquer qu’il était impolitique de concentrer toutes nos forces sur un seul point, qu’il fallait les diviser et en porter une partie vers l’ouest de Sidi Fredj, de manière que si les français s’attachaient à nous suivre, ils s’éloigneraient de leur but qui est Alger, et ce qui serait pour nous plus avantageux : nous pourrions alors les attaquer les premiers, que dans ce cas ils iraient à Alger sans nous attaquer, et alors nous serions plus forts et plus en état de nous défendre et de les dérouter. Il proposa aussi que chacun des chefs prit à sa charge une portion de la troupe pour l’entretenir.

Mais le quartier général que nous choisîmes fut la Maison-Carré, de laquelle on met quatre heures de marche pour se rendre à Staoueli. A toutes ces observations, la réponse de l’agha fut :  » Vous ne connaissez pas la tactique européenne, elle est tout a fait opposée à celle des Arabes. » Le bey de Constantine se trouvant offensé de cette stupide réponse, crut alors devoir garder le silence et ne se permit plus aucune observation.

14 juin 1830 le camp de l’agha Ibrahim de Jean Antoine Théodore Gudin

La veille de la prise de Staoueli, j’étais moi-même chez l’agha pour connaitre la situation des affaires. Je dinai avec lui, ainsi qu’avec le bey de Constantine, le bey de Titery, le lieutenant du bey d’Oran et le khodjat el khail : ce jour là, l’agha s’étant approché de moi, me confia l’importante nouvelle que tels et tels (en me nommant les individus) s’étaient présentés dans le camp des français comme partisans de leur cause, mais qu’ils devaient leur faire de faux rapports sur l’état du pays et les engager à envoyer par mer une partie de leur troupes sur tel ou tel autre point, avec la promesse de se joindre à ce débarquement pour en diriger la marche ver le fort de l’Empereur, et tromper ainsi la vigilence des Algériens. L’agha ajouta : Je crois que demain le plan sera exécuté, et pendant qu’ils entraineront la marche de l’armée française dans un chemin aride et difficile, c’est alors que les arabes les attaqueront de leur côté et moi de l’autre ; c’est dans cette attente que je viens de faire distribuer dix cartouches à chaque soldats de l’armée.

En voyant cet agha déraisonner de cette manière, je ne savais plus que lui dire. Cependant lui ayant demandé ce que feraient les soldats quand ils auraient consommé ces dix cartouches, il me répondit que cette quantité suffisait pour tuer la moitié de l’armée française, et qu’il n’aurait plus besoin de distribuer de la poudre. Lui ayant ensuite fait observer qu’il aurait dû faire établir des tranchées pour garantir et défendre son armée, il me répondit avec la même assurance : Nous sommes, nous, les véritables tranchées, et ce sera malheureux si nous ne pouvons les défendre _ Mais répliquai-je, que ce soit au moins pour la manœuvre de l’artillerie ; elle est en face de celle de l’armée et vous devez la garantir ?. Sur cette dernière observations, il donna l’ordre sur le champs de faire publier dans l’armée que tout arabe qui n’avait pas d’armes eût à se présenter chez l’agha pour être équipé. Par suite de cet ordre, un grand nombre de soldats s’étant réunis chez lui, au lieu de donner des armes il délivra des pioches à chacun d’eux pour construire une tranchée.

Pendant la nuit on fit en effet cette tranchée qui fut tout à fait inutile… A SUIVRE

Extrait de « Le Miroir » de Hamdane Ben Othman-Khoja

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