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Histoire d'Algérie Période ottomane (1515 à 1830)

Les débuts de l’intervention militaire Ottomane en Algérie

Alger à l’époque de la Régence

Le grand historien Algérien Ahmed Toufik El-Madani, nous raconte que l’Algérie au début du 16ème siècle est un pays divisé et instable politiquement. L’état Hammadite n’existe plus depuis longtemps. Les Hafsides de Tunisie et les Mérinides du Maroc font souvent des incursions dans le pays pour annexer des terres à leurs royaumes. Les villes côtières étaient gouvernées par des émirs locaux qui n’avaient ni armée véritable, ni canons, ni marine de guerre. C’est ce qui a permis au Royaume d’Espagne, dans le cadre de sa politique d’expansion impérialiste, de mener ses attaques contre les côtes nord-africaines. Presque toutes nos villes côtières se sont retrouvées occupées par les troupes espagnoles, entre 1505 et 1511, qui ont d’ailleurs opprimé la population locale et ont commis des pillages et exactions contre les civils. A Alger, la population était souvent victime des bombardements espagnols à partir de leur forteresse du Penon qui faisait face à la ville. Plusieurs minarets des Mosquées Algéroises furent détruits et des muezzins et des habitants tués par les coups de canon espagnols.

L’intervention militaire ottomane et la première libération de Béjaia :

Première tentative pour libérer la Ville 

Les Oulémas et les notables de Béjaïa ont envoyé en 1512 des émissaires aux frères Barberousse pour venir les aider à libérer la ville de l’occupation espagnole. Mais pourquoi justement faire appel aux frères Barberousse ? Parce qu’ils étaient devenus les champions des musulmans en méditerranée, après avoir aidé les andalous d’Espagne, persécutés par l’inquisition et la couronne catholique espagnoles, à s’installer sur les côtes du Maghreb, principalement en Algérie et en Tunisie. Voici comment Kheïreddine Pacha raconte comment lui et son frère Aroudj ont libéré une partie de Bejaia de l’occupation espagnole :

« Nous sommes arrivés au port de Béjaia. Nous étions 2033 marins, à bord de dix navires de type kadirga, 150 canons et milles prisonniers. 

La forteresse de Bejaia était aux mains des infidèles espagnols. Nous nous sommes battus contre eux dans une bataille qui a duré trois heures et demie. La majorité des infidèles ont été tués lors de la bataille. Quand les habitants des campagnes ont eu vent de notre victoire, nous avons été rejoints par vingt mille campagnards venus nous aider, sauf qu’ils ne connaissaient pas bien l’art de la guerre. Une petite troupe d’infidèles s’est retranchée dans la forteresse et a continué à nous résister pendant vingt-neuf jours. Nous étions sur le point de prendre le fort mais nous n’avons pas pu ouvrir une brèche dans la forteresse parce que nous n’avions pas les canons adaptés pour bombarder les forts. »

Deuxième tentative :

Deux ans après cette première tentative infructueuse, les notables de Béjaïa font de nouveau appel à Aroudj et Kheïreddine-qui s’étaient entretemps établis à Jijel après l’avoir libéré de l’occupation des Génois en 1514. Les frères Barberousse repartent donc à l’assaut de Béjaïa occupée par les espagnols, cette fois-ci avec 10 navires de guerres et cinq cents marins turcs. Les ottomans réussissent à s’emparer de la forteresse, en utilisant la technique militaire du cheval de Troie. Kheïreddine Pacha raconte cette victoire : « après notre prise du fort tous les Cheïkhs et Kaïds des régions environnantes de Béjaïa sont venus me prêter allégeance. A partir de là, mon frère et moi sommes devenus maîtres de cette région. » Mais quand Kheïreddine Pacha emploie l’expression « maîtres de cette région », il faut comprendre maîtres des environs de Béjaïa, pas de la ville elle-même, car Béjaïa-ville ne sera libérée totalement qu’en 1555, quand l’armée algérienne, commandée par Salah Raïs et aidée par des troupes venues de la principauté de Koukou*, a vaincu la dernière troupe espagnole retranchée dans la ville.

La libération d’Alger :

Le Peñón de Argel, forteresse espagnole prise par les janissaires de Barberousse en 1529

En 1516, les notables d’Alger et son émir Salim Toumi, envoient une délégation à Jijel pour demander aux frères Barberousse de les aider à libérer la ville du danger militaire espagnol. Aroudj et Kheïreddine répondent favorablement à l’appel des notables algérois. Ils font une entrée triomphale à Alger, à la tête de 800 soldats turcs et de 3000 soldats algériens issus de la kabylie. Les habitants d’Alger les accueille en héros. A partir d’Alger, Aroudj s’est dirigé avec une troupe vers Cherchell et l’a libérée de l’occupation espagnol. Puis il est revenu à Alger. Les notables le nomment aussitôt « émir du djihad » et lui confient le pouvoir politique. Aroudj ordonne alors de construire un fort qui fait directement face au fort espagnol du Penon. Cela n’a pas été du goût de Salim El Toumi et de son clan des Beni Salem, seigneurs féodaux, qui ont eu peur pour leur trône et ils ont donc commencé à manigancer avec les espagnols pour chasser les frères Barberousse d’Alger. Aroudj a ordonné l’assassinat de Salim El Toumi pour cause d’intelligence avec l’ennemi. C’est ce que rapporte l’historien algérien Ahmed Toufik El Madani dans son livre « La guerre de 300 ans entre l’Algérie et l’Espagne ».

Dès que les espagnols entendent parler de l’installation des frères Barberousse, ils envoient une grande armée en septembre 1516. Ils débarquent à Alger et affrontent une armée algérienne composée essentiellement d’algérois et de réfugiés andalous, soutenue par les 800 soldats turcs. Les Algériens écrasent l’armée espagnole dans une bataille historique : la bataille de Bab El Oued.

La destruction du fort espagnol en face d’Alger :

Kheïreddine Pacha raconte dans ses mémoires : « j’ai proposé au gouverneur du fort espagnol de se rendre lui et ses hommes. Il a refusé. J’ai donc fait bombarder le fort pendant 20 jours, nuit et jours. Après quoi, nous avons pu pénétrer dans son enceinte et une grande bataille s’est engagée. Le combat s’est soldé par la reddition du gouverneur Don Martin en compagnie de 700 de ses hommes. » les Algérois exultent de joie. C’est la fin du péril militaire espagnol.

Barberousse raconte dans ses mémoires qu’il a ordonné de mettre le commandant de la batterie espagnole dans la bouche d’un canon et l’a fait tirer dans la mer. Puis 10 artilleurs espagnols ont été décapités sous l’ordre du Pacha Barberousse.

Voici comment Balkacem Babaci raconte la mise à mort de Don Martin De Vargas, commandant de la forteresse du Peñón : « Khayr ad-Din Barberousse, pour rendre hommage à la vaillance des Espagnols, propose au marquis de Vargas de se convertir à l’islam pour lui rendre les honneurs militaires. Ce dernier refuse avec hauteur. Khayr ad-Din Barberousse ordonne alors sa mise à mort qui aura lieu par bastonnade, un an plus tard.

Quelques jours seulement après la prise du Peñon, 11 navires espagnols bien armés, pourvus de troupes et de vivres arrivent en vue d’Alger. Mais ne pouvant que constater la chute du Peñon, ils rebroussent chemin. Cette victoire permet à Khayr ad-Din Barberousse de relier les îlots, dont le Peñon, par une jetée et de constituer une rade dans un mouillage médiocre qui était jusque-là parsemé de récifs. Le port ainsi aménagé devient une base efficace pour les Turcs et les pirates barbaresques. »

C’était en mai 1529.

Mohamed Walid Grine

Note de l’auteur :

*Koukou : commune aujourd’hui dans la wilaya de Béjaïa

Sources :

  1.  Kaptan-ı Derya Barbaros Hayrettin Paşa’nın Hatıraları, Ertuğrul Düzdağ, Kaynak Yayinlari, Istanbul, 2004.
  2. مذكرات خير الدين بربروس، ترجمة وتقديم: محمد دراج، الأصالة للنشر والتوزيع، الجزائر، 2010  (mémoires de Kheïreddine Barberousse, traduction et présentation : Mohamed Derradj, éditions El Assalah, Alger, 2010)
  3.  أحمد توفيق المدني، الثلاثمائة سنة بين الجزائر واسبانيا، 1492-1792 (Ahmed Tewfik El-Madani, la guerre Algéro-Espagnole de 300 ans, 1492-1792), SNED, Alger, 1968. 
  4. Belkacem Babaci, « l’épopée de Baba Merzoug », éditions Colorset, Alger, 2010.

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