Hamdane Ben Othman Khodja demeure une figure singulière dans l’histoire de l’Algérie du XIXe siècle. Issu d’une lignée prestigieuse d’administrateurs et de lettrés, son parcours évoque la fusion entre la tradition érudite et l’engagement citoyen.
Né en 1773 à Alger, au sein d’une famille d’origine turque qui jouait un rôle éminent dans l’administration de la Régence, Hamdane Khodja hérita dès son jeune âge d’un héritage intellectuel et d’une ouverture au monde qui façonnera son destin. Son père, Othman, notaire et érudit respecté, lui transmit les bases de l’éducation traditionnelle, tandis que son oncle Mohammed Hadj l’initia aux rouages du commerce et des affaires.
Son parcours éducatif fut marqué par une soif insatiable de connaissances. Après avoir accompagné son oncle à Constantinople, il se plongea dans l’étude de disciplines aussi variées que la philosophie, la théologie et la médecine. Cette polyvalence intellectuelle se refléta dans son œuvre, notamment dans son traité sur la prévention des épidémies, témoignant de sa préoccupation pour le bien-être de la société.
Le destin de Khodja prit une tournure décisive avec la disparition de son père. Élevé au rang d’enseignant en théologie, il fut ensuite entraîné dans les affaires commerciales de son oncle, voyageant à travers l’Europe et l’Empire ottoman. Sa réussite dans le commerce en fit l’un des marchands les plus prospères d’Alger, lui conférant une influence considérable au sein de la société algérienne.
Cependant, l’ombre portée par la conquête française a profondément marqué le parcours de Hamdane. Témoin direct des violences infligées par l’armée française lors de l’occupation de 1830, il se sentit investi d’un devoir moral : celui de dénoncer ces injustices. Ainsi, dans un geste d’une rare bravoure intellectuelle, il rédigea « Le Miroir d’Alger », un ouvrage cinglant qui expose les exactions commises par les soldats français. En devenant le premier essayiste à témoigner publiquement de ces événements tragiques, il éclaire d’une lumière crue cette période sombre de l’histoire algérienne.
L’impact de son travail ne se limita pas à sa publication initiale. En 1834, une « Réfutation de l’ouvrage de Sidi Hamdan » vit le jour dans l’Observateur des Tribunaux, vraisemblablement l’œuvre du maréchal Clauzel. Face à cette tentative de discréditer son témoignage, Khodja riposta avec fermeté dans la même revue, en rédigeant une « Réponse au maréchal Clauzel ». Cette joute intellectuelle illustre la détermination de Khodja à défendre la vérité et à résister aux tentatives d’étouffement de sa voix.
Son engagement ne se limita pas à la dénonciation des injustices. Membre du conseil municipal d’Alger, il participa activement à la commission française chargée d’indemniser les victimes des démolitions effectuées au nom de l' »utilité publique ». Par la suite, il œuvra en tant qu’intermédiaire entre les autorités françaises et le bey de Constantine, cherchant à atténuer les souffrances de ses concitoyens face à l’occupation étrangère.
Pourtant, malgré ses efforts incessants pour défendre les intérêts de son peuple, les autorités françaises restèrent sourdes à ses appels à la justice. En 1836, Hamdane décida de quitter Paris pour s’installer à Constantinople, où il continua à plaider la cause de l’Algérie auprès du Sultan ottoman jusqu’à sa mort entre 1840 et 1845.
La vie de Hamdane Ben Othman Khodja incarne la résilience et la lutte infatigable pour la dignité et la justice. Son héritage intellectuel et son engagement font de lui un symbole de la préservation de l’identité et des valeurs de l’Algérie contre l’oppression étrangère. Ainsi, Hamdane Khodja reste une figure incontournable, reconnue à juste titre comme un pionnier du nationalisme en Algérie.
Maiz Rym
Sources :
Le Miroir, Hamdan Khodja, 1833.
Procès-verbaux et rapports, de la commission d’Afrique, 1833.
Causes célèbres de tous les peuples (1858-1874), A. Fouquier.
Mohamed Nazim Aziri, « Le parcours de Hamdane Ben Othman Khodja »