Son origine semble se confondre avec celle de l’université dont a été célébré en 2009 le centenaire. Ce lieu plein d’histoire renferme des collections de géologie, dont les plus anciennes ont été récoltées à la fin du 19ème siècle, qui n’ont cessé par la suite d’être enrichies par les travaux des paléontologues de la période coloniale et continuent à recevoir des ajouts grâce aux travaux de chercheurs algériens et coopérants, ainsi que de quelques étudiants en post-graduation.
Ce « musée » renferme essentiellement, des fossiles qui remontent aux diverses ères géologiques, représentant des collections de référence, des collections préhistoriques comprenant ossements et outillages, des roches également. La salle la plus imposante, par ses proportions (192m2) et son volume, présente un système d’exposition des pièces et de rangement tout à fait performant. Les murs sont tapissés jusqu’au plafond de vastes étagères en bois fixées, dont les vitrines dévoilent un contenu strictement rangé. Un système de degrés, sur lesquels les objets reposent en toute stabilité, élimine les pertes d’espace et permettent à toutes les pièces d’être facilement repérables. Sur la partie basse, des tiroirs, en bois eux aussi, renferment les pièces de plus petites dimensions. Dans la partie centrale de la salle, des alignements de tables vitrine, de bois toujours, déterminent des allées, par lesquelles, on peut accéder à la collection désirée. Sous les tables vitrines, l’espace est là aussi exploité sous la forme de tiroirs en bois bien remplis. En dehors de cette salle, la mieux tenue, existent d’autres espaces consacrés à la minéralogie, la pétrographie, une salle supplémentaire de paléontologie.
D’autres locaux sont attenants, laboratoire de géochimie, de traitement des roches ainsi que des bureaux et une bibliothèque. Au-delà du carré de jardin, qui ajoute au charme des lieux, il y a le département de biologie et là existent encore une ancienne bibliothèque très riche, un herbier important et le labo d’écologie qui fut, un temps, très dynamique. Plusieurs bureaux voisins sont inoccupés.
Depuis 1978, date du départ du département Géologie vers l’USTHB, le musée souffre d’un statut bâtard. Si les collections restent rattachées à la Géologie- dans sa nouvelle adresse, les murs relèvent désormais de l’Université d’Alger1. Ainsi trop éloignées de la tutelle, les collections deviennent encombrantes. Après plusieurs tentatives pour les déménager, elles restent sur place ne bénéficiant d’aucun moyen pour leur entretien et leur surveillance. Et cette situation perdure depuis, puisque les collections sont tantôt en instance de déménagement, vers de nouveaux locaux à Bab-Ezzouar ou ailleurs, tantôt dans une option de maintien in-situ, entraînant une précarité inconfortable pour les quelques chercheurs qui s’y intéressent encore, et extrêmement périlleuse pour la conservation des objets.
Mme F. Chikhi, maître de conférence en paléontologie à l’université de Bab-Ezzouar, maintenant à la retraite, qui avait, maintes fois, tenté d’attirer l’attention sur la valeur de ces collections, et la nécessité de les préserver, avait pris l’heureuse initiative, depuis quelques années, d’entreprendre l’inventaire des collections paléontologiques sous la forme de travaux de magistère qu’elle encadre et l’a poursuivi dans le cadre d’un projet Unesco. Un inventaire informatisé commencé dans les années 2000 est encore en cours aujourd’hui dans le cas d’un projet de recherche coordonné par Y. Chaid-Saoudi.
La réalisation d’une base de données et la préparation d’un site web permettront bientôt d’accéder aux dizaines de milliers de fossiles inventoriés. Ce travail est rendu plus ardu par l’absence d’archives qui, malgré des recherches actives, semblent avoir partiellement disparu et prive d’informations à la fois élémentaires et indispensables. Le recouvrement de l’histoire de chacune des pièces ou des collectionsconstitue ainsi un véritable travail et de fourmi et de titan. Un petit fascicule a été publié (1) sur leur histoire et sur l’importance de ce site et des projets intégrant d’autres collections (herbier, musée d’anatomie) et bibliothèques pour proposer de faire de ces richesses, le noyau d’une institution muséale plus vaste de type Muséum des Sciences de la Nature. Pour le moment d’anxieuses interrogations se posent donc quant à l’avenir de ce « musée ».
Il faut savoir qu’Alger, toute capitale qu’elle soit, ne dispose d’aucune institution consacrée à des expositions en rapport avec les sciences de la Terre, les animaux ou les plantes. Il serait donc plus que déplorable de sacrifier des lieux, à la fois emblématiques de la naissance et du développement de ces disciplines en Algérie, idéalement placés, et dont les aménagements sont déjà en adéquation, du moins en grande partie, avec la fonction ! Bien sûr, il faut envisager des études et des fonds pour une réhabilitation des espaces de recherche, laboratoires, bibliothèques, bureaux, et une exploitation plus moderne, tournée en partie vers le public.
L’ouverture de quelques salles à la visite serait des plus instructives pour nos écoliers, nos étudiants, et pas uniquement ceux de géologie, cette discipline se trouvant à la croisée d’autres sciences, préhistoire, paléo-environnement, paléontologie, écologie, etc. Une vision dépassant les clivages premiers, sciences humaines ou sciences naturelles, Université d’Alger ou USTHB, serait à promouvoir, dans l’intérêt de tous, universitaires et néophytes, et pour le plus grand bien de la recherche scientifique. Seraient ainsi favorisés le décloisonnement des disciplines liées aux sciences de la terre et leur rayonnement.N’entre-t-il pas dans la vocation de l’université d’oeuvrer aussi dans ce sens ?
(1) CHIKHI-AOUIMEUR F. 2011 – Les collections de fossiles de l’Université d’Alger. Doc. du CNRPAH, n.s. n°5.
Par Nagète Aïn-Séba, présidente de l’Association Algérienne de la Sauvegarde et de la Promotion du Patrimoine archéologique (association_athar@yahoo.fr ou facebook Association Athar) et professeur à l’institut d’Archéologie (Alger 2).
- Article paru dans le bulletin Athar de l’AASPPA en 2009, réadapté en fonction de l’actualité et des menaces de plus en plus précises et directes qui pèsent sur le devenir de ces collections et de ces lieux.