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Histoire d'Algérie La colonisation française (1830 à 1962)

Témoignage poignant de Lekhdari Khelifa : « J’ai connu Le Pen! »

JMLPLe lieutenant Le Pen, engagé volontaire dans le 1er régiment étranger parachutiste pour six mois, en Algérie en 1957, a-t-il commis des actes de torture ? Sans aucun doute, affirment quatre des témoins algériens rencontrés par José Bourgarel, l’auteur du film diffusé à la télévision le 21 novembre 2007.

Une des témoignages, repris du livre « Quand la France torturait en Algérie », par Hamid Bousselmah, est celui de Lakhdari Khalifa qui raconte :

« J’ai connu Le Pen un soir du mois de février 1957. Je sortait de mon travail, je suis passé rue Montaigne pour voir un ami, Mr Sassi, tailleur; je suis rentré, j’ai dit : »Bonsoir Monsieur Sassi. », et un bonhomme m’a mis un revolver dans le dos. C’était un get-apens, voilà. Ils m’ont fait monter, et j’ai trouvé, en haut, dans la soupente, deux personnes arrêtées avant moi. On était trois. J’avais trouvé le rideau ouvert, je ne savais pas que Sassi était en état d’arrestation. Quand il n’y a plus eu de gibier, il faisait nuit, ils ont fermé le rideau, ils sont montés, un lieutenant et un capitaine que je ne connaissais pas.

Ils nous ont demandé les papiers. J’avais une carte de recensement. Alors, ils ont commencé à interroger le premier. « Qu’est ce que tu es venu faire ici? » Il a dit : »Moi, j’avais une facture pour monsieur Sassi. » Ils l’ont mis de côté. Le deuxième leur a dit qu’il venait faire un deuxième essayage. ils ont vu le calepin de Monsieur Sassi, et ils ont trouvé son nom. Ils l’ont mis de côté. Ils sont arrivés à moi. J’ai dit : »Moi, je suis venu faire un pantalon, parce que Monsieur Sassi est renommé dans la gabardine. » Ils se sont regardés entre eux. Alors, le capitaine et le lieutenant m’ont fait descendre par un petit escalier, et je leur ai demandé : »Pourquoi vous m’arrêtez? Qu’est ce que j’ai fait? ». Le lieutenant Le Pan m’a donné un coup au ventre. Après, ils m’ont attaché les mains, m’ont mis dans une voiture et m’ont bandé les yeux. On a roulé. Quand ils m’ont enlevé le bandeau des yeux, j’étais assis dans un champs. Il était peut être 22 ou 23 heures. Ils m’ont laissé dans ce champs, trois ou quatre heures. Je ne sais pas combien de temps. Je voyais des camions arriver, pleins de suspects. En fait, le champs dans la nuit, je ne pouvais pas voir, mais c’était le jardin d’une villa. Il y avait le rez-de-chaussée, des escaliers, et au bout de ces escaliers, une petite pièce. c’est à qu’ils faisaient les tortures, tout à fait en haut. Alors, ils ont commencé les interrogatoires.Moi, je suis monté et j’ai vu la scène. Ils étaient quatre dans la pièce, et Le Pen lui-même, a dit : »C’est pas celui-là. » Ils m’ont fait descendre, ils ont amené un autre à ma place. Et je n’ai pas vu ce qu’ils lui ont fait. On a entendu des cris, mais on ne savait pas qui le torturait. Après, ils m’ont remonté et m’ont interrogé. Ils m’ont demandé si je connaissais Ali Moulaï. J’ai dit non. « Et qu’est-ce que tu es venu faire chez Sassi? », « Je suis venu faire un pantalon. », « Qu’est ce que tu fais toi? », « Je travaille à la société Job, je suis syndicaliste. », « Tu ne travailles pas avec le FLN? », « Non, je ne travaille pas avec lui. Je suis syndicaliste, oui! »

Ils m’ont mis sur un sommier électrifié, et un chiffon dans la bouche. Quand je voulais parler, je devais faire signe. Ils m’ont torturé pendant dix minutes.

C’était Le Pen qui m’interrogeait. Et puis, ils m’ont fait descendre, parce qu’il y avait beaucoup de monde qui attendait en bas. Toute la nuit, on a entendu des gens crier, toute la nuit. Vous ne pouvez pas vous imaginer… Vous entendez des gens qui crient et vous, vous êtes là…

Le lendemain, nous, les gens suspects, avions été placé en bas, dans un hangar, il y en avait qu’un seul qui avait un lit de camp. C’était un type paralysé, Aïssa Cheikh La¨¨id Boubekeur Ils l’avaient arrêté avec son fil Ils torturaient le fils devant le père et le père devant le fils Le fils, on ne l’a jamais revu Un soir, j’étais dans le garage, ils ont attaché ensemble Aissi et Zouaoui Mokhtar et ils les ont mis comme ça, dans une fosse ils restaient jour et nuit là-dedans Un après-midi, LE Pen a crié au gardien : »Vas détacher Aïssi et Zouaoui Mokhtar! » Il les a détaché et leur a dit : »Allez vous débarbouiller » Il y avait une fontaine dans le jardin Ils y ont été, ils se sont débarbouillés Je me rappelle d’Aïssi, c’était un beau garçon, il avait une jaquette marron Je m’en rappellerai toute ma vie Ils se sont habillés, ils les ont mis dans une voiture, et depuis ce jour là, on ne les a plus revus.

Un autre soir, on sortait du hangar pour prendre un peu d’air dans le champ. Il y avait des sentinelles qui nous avaient fait une fosse pour faire nos besoins. Le Le frère qui a été abattu, Hadj Ali Mouloud, Je ne peux pas confirmer qu’il ait voulu se sauver, amis je suis sûr qu’il était parti pour faire ses besoins, parce qu’il n’allait pas vite.
Moi, je n’ai pas vu Le Pen, parce qu’il était en bas. Mais je l’ai entendu crier, et le militaire qui était en bas, a mitraillé Mouloud. C’est là que Le Pen est descendu et nous a dit : »Voilà ce que mérite celui qui veut se sauver. » Le Pen , c’était un parleur, il faisait de la psychologie : »Pourquoi vous faites la guerre? Qu’est ce qu’il vous manque en Algérie? Moi, je suis un député, je suis venu ici pour la pacification. ».

Je me souviens quand le frère Rouchaï a voulu se suicider, je l’ai vu, égorgé comme un mouton. Ils l’ont pris dans une Jeep et tout de suite, ils l’on emmené à l’hôpital. Et quand Le Pen est revenu, il nous a dit : » C’est moi le bon Dieu, quand je veux que quelqu’un crève, il crève! Quand je veux sauver quelqu’un parce qu’on a besoin de lui, on le sauve. »

Voilà, je suis resté 17 ou 18 jours chez Le Pen. Et j’ai été libéré. Le premier que j’ai été voir, c’était Ali Moulaï. Je lui ai dit : »Il faut faire très attention, ils sont entrain de te chercher. » Et on a continué nos activités, jusqu’en août 1957. Là, j’ai été arrêté à nouveau par les bérets verts, mais pas par Le Pen. »

A cela, Jean-Marie Le Pen a répondu , selon le journal officiel français du 12 juin 1957, le député parachutiste Le Pen déclarait également

« J’étais à Alger officier de renseignement (…), comme tel je dois être aux yeux d’un certain nombre de mes collègues ce qui pourrait être le mélange d’un officier SS et d’un agent de la Gestapo. Ce métier, je l’ai fait… ».

 

Mounira Amine-Seka.

Sources : 

  • Quand la France torturait en Algérie, par Hamid Bousselham. Ed. ANEP- 2001.
  • luttonscontrelefn.wordpress.com.

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