Le Cercle Taleb Abderrahmane, inauguré à la fin du mois de décembre 1962, au 2c, rue Didouche Mourad, ex Meissonnier, aurait eu cinquante-quatre ans s’il n’avait pas disparu – pour ne pas dire s’il n’était pas mort d’inanition – dans les années 1990. Il aurait constitué un centre de gravité des festivités du cinquantième anniversaire de l’indépendance pour laquelle est mort celui dont il portait fièrement le nom, Taleb Abderrahmane, étudiant à la Faculté des Sciences (Ecole de chimie) de l’Université d’Alger, décapité à la prison de Serkadji, dans la Haute Casbah, le 24 avril 1958.
Un ancien responsable de la Fédération du FLN du Grand Alger – lui-même ancien étudiant de l’Université d’Alger – se souvient du jour où les membres du bureau de la section de l’UGEMA (Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens) étaient allés le voir pour lui demander si le FLN les autorisait à donner le nom du chahid Taleb Abderrahmane à leur Cercle.
Dans l’Algérie française, le Cercle s’appelait « l’Otomatic ». Il fut ouvert en 1930, en plein triomphalisme du Centenaire. Les étudiants européens, partisans du maintien de l’Algérie dans la France impériale, en avaient fait leur siège. Il devint dans les années 1950 le fief des sbires du sanguinaire Pierre Lagaillarde, président de l’AGEA (Association Générale des Etudiants d’Alger).
Le 26 janvier 1957, la veille de « la Grève des Huit jours », le Cercle fut attaqué à la bombe par la Zone Autonome d’Alger, en riposte au massacre perpétré, à la rue de Thèbes, au cœur de la Casbah, le 10 août 1956, par les agents des services secrets de l’armée française, encouragés par le ministre-résident Robert Lacoste. L’engin conçu par Taleb Abderrahmane fut placé par les militantes du FLN dans cet établissement chic du centre d’Alger où s’égaillaient les étudiants ultras.
A l’indépendance, le Cercle fut repris par la section d’Alger de l’UGEMA dont les membres sont aujourd’hui professeurs de médecine, avocats, enseignants. Les étudiants de l’Algérie libérée en avaient fait un lieu de convivialité et d’échanges. Ils avaient même installé au sous-sol une salle de lecture de la presse, appliquant la devise « pas de formation sans information ».
Les étudiants d’aujourd’hui, nés dans l’Algérie libre pour laquelle Taleb Abderrahmane a donné sa vie – mort à l’âge de 28 ans – sont privés, depuis plusieurs années, de ce lieu de rencontre dont jouissaient leurs aînés.
« A l’occasion de la publication du livre « Taleb Abderrahmane guillotiné le 24 avril 1958 », que j’ai écrit pour rendre ce héros à la mémoire de la jeunesse universitaire de l’Algérie indépendante, plusieurs voix m’ont demandé de prolonger ce travail d’histoire en appelant tous les concernés à restituer à Taleb Abderrahmane le Cercle de la rue Didouche Mourad. »
(juillet 2014)
Mohamed Rebah
Auteur du livre
« Taleb Abderrahmane
guillotiné le 24 avril 1958 »
Rénové, le cercle a rouvert ses portes le jeudi 12 novembre 2015. Sa gestion est assurée par les services sociaux et culturels de la wilaya d’Alger.
2 commentaires
Petite correction, Rue Didouche Mourad, « Ex. Rue Michelet » et non Meissonnier. On y respirait le bon vivre, Kaïd Ahmed Allah Yarahmou (commandan Sliman) s’y arrêté facilement pour prendre un express avec les étudiant et demander la dernière blague.
La rue Didouche Mourad ex Michelet…