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L’olivier d’Afrique du nord, depuis l’antiquité à l’époque contemporaine

champsL’huile d’olive vient du fruit de l’olivier qui est broyé dans un moulin puis pressé pour en extraire l’huile. Dans plusieurs régions berbérophones, le nom de l’huile est le mot arabe “zit” ou ses dérivés : au M’zab, ezzit, azayyat, zzit à Ouargla, tous très proches des termes kabyles laqirr/zzit qui désigne l’huile qui suinte, azeyyat le marchand d’huile et zeyyet qui signifie faire commerce d’huile.

Dans l’Aurès, le nom chaouïa de l’huile est azzaketh et celui de l’huile pure timzallat ; en Ahaggar, on trouve les termes ahâtim, ihoûtâm.

L’olivier durant l’antiquité

Les ruines trouvées dans la campagne et les villes antiques ont permis de dresser la carte des régions oléicoles les plus importantes de l’Afrique romaine. L’Africa proconsulaire reste la région de plus grande culture de l’olivier qui se restreint de plus en plus en surface et en densité vers l’Ouest ; cela correspond à la pénétration plus profonde de Rome dans la partie orientale de l’Afrique du Nord. Mais autour de la ville de Caesarea et sur une superficie de 300 km2, 54 exploitations oléicoles ont été reconnues parmi les 241 sites repérés. La seule ville de Volubilis au Maroc comptait, à elle seule, plus de 50 huileries. De même dans la vallée de l’oued Hallail, entre Djeurf et Aïn Mdila sur le versant sud des Nemenchas, de nombreuses huileries situées dans la vallée se rattachent à la grande zone oléicole de Numidie méridionale. Dans la région d’Azeffoun-Tigzirt, en Grande Kabylie, à côté de 50 pressoirs classiques, une centaine d’exploitations creusées dans le roc ont été relevées.

Il faut noter que dès l’époque romaine, les moulins sont toujours en nombre inférieur à celui des pressoirs proprement dits.

L’olivier durant le moyen-âge

Entre le ve et le xe siècle, il dut y avoir très peu de plantations d’oliviers, et sans doute encore moins à partir du xie siècle.  Au viie siècle, au moment de la conquête musulmane, les descriptions enthousiastes des auteurs arabes pourraient faire songer, à tort, qu’ils trouvèrent une mer d’oliviers. Les dominations vandale puis byzantine en effet avaient troublé les campagnes : il faut donc prendre garde aux généralisations littéraires des chroniqueurs orientaux qui écrivent plusieurs siècles après les événements : l’exagération des descriptions est due sans doute à l’impression d’opulence donnée par des campagnes cultivées après la traversée du désert libyque.

Au ixe siècle, sous le gouvernement des derniers Aghlabites, nous savons par le géographe El-Ya’qoûbi que dans le pays sfaxien règne déjà l’olivier ; les villages y sont nombreux à se toucher et chacun possède son pressoir à huile.

Au xie siècle, selon El-Bekri, sur la route de Tunis à Kairouan, quand les olives arrivent à maturité, des bandes d’étourneaux se dirigent du littoral vers Modjeffa ; chacun de ces oiseaux y arrive portant deux olives dans ses pattes, et les laisse tomber en ce lieu. Aussi la récolte qui se fait à Modjeffa est immense et peut être évaluée à 70 000 dirhems (environ 300 000 francs de 1965). Ed-Douamis possède beaucoup d’oliviers. Le casr ez Zeit “château de l’huile” est situé entre Bachou et Ed-Douamis. Biskra possède beaucoup de dattiers, d’oliviers et d’arbres fruitiers de diverses espèces.

Durant la crise fatimite, l’olivier se maintient, mais le géographe El-Bekri qui insiste sur la forêt d’oliviers du Sahel de Sfax ajoute même qu’à Kairouan, “on n’a pas d’autre bois à brûler que celui qu’on coupe aux oliviers des environs et, chose curieuse, les arbres ne souffrent en aucune façon de ce rude traitement”. Edrisi signale aussi l’abondance des oliviers dans la région de Beni Atouch, entre Tunis et Hammamet, autour de Sfax où l’on gagne une quantité d’huile comme nulle part ailleurs. Dans les environs de Zawila, très proche de Mahdia, une quantité d’huile de qualité supérieure employée dans toute l’Ifrikîya.

L’invasion hilalienne qui, au xie siècle, déferle sur l’Afrique du Nord, va instaurer une longue période d’anarchie qui progressivement s’installera partout. Selon El-Bekri, l’huile qu’on fabriquait à Sfax au xiie siècle était meilleure que toute autre. Ibn Khaldoûn qui au xive siècle dénonce le fléau arabe garde, 350 ans après, l’image du vol dévastateur de sauterelles et rend compte des méfaits enregistrés dans toutes les campagnes traversées. La reconquête progressive par les nomades des territoires si laborieusement ramenés à la paix par la sédentarisation, durant l’époque romaine, allait porter un coup fatal à la culture de l’olivier.

L’olivier dans le monde berbère

L’olivier est l’un des six arbres bénis et la tradition veut que le nom de Dieu ou ceux des Saints soient écrits sur chacune de ses feuilles. En Kabylie, certains oliviers millénaires passent pour donner asile à des esprits bienfaisants, les jnoun*, à la fois gardiens et protecteurs du foyer. Nombre d’entre eux sont de vrais sanctuaires et reçoivent les hommages des fidèles : on les appelle simplement agurram, sijed, amrabet et parfois aussi Sidi Bou Zitoune, Sidd Bou Zenboudjja, “Monseigneur l’olivier”.

L’olivier durant l’époque moderne et contemporaine

Même durant l’époque turque ou la colonisation française qui, après les enquêtes de P. Bourde, allait replanter des oliviers dans certaines régions comme le Sahel tunisien, les hautes plaines furent vouées aux céréales et les régions occidentales aux plantations de vigne.

Le maximum de l’extension de la culture de l’olivier est donc bien la période romaine.

 

Sources :

  1. Ben Baaziz S., “Les huileries de la haute vallée de l’oued El-Htab”, Africa,
  2. Ben Baaziz S., “L’occupation humaine dans la plaine de Rohia et le Sraa Ouertane dans l’Antiquité”, IIIe colloque international sur l’histoire et l’archéologie de l’Afrique du Nord, CTHS,
  3. Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères. Trad. de Slane, Alger, 1852.
  4. Encyclopédie berbère
  5. Illustration : Champs d’oliviers dans la région de Tlemcen, Algérie, Yann Arthus Bertrand

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