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Le conte kabyle d’Avava Inouva (2e partie)

bergerAprès plusieurs tentatives sans succès l’ogre décide de prendre conseil chez “Amghar Azemni” (le vieux sage). Il va le voir et lui dit

“Helk’agh thiyarsi inou Youthayi Ouadhou, Dhelvagh d’g’ek’ H’elou” (J’ai des maux de gorge, ma voix est enrouée, je veux qu’elle devienne aussi fluette que celle d’une jeune fille. Guéris-moi, je t’en prie !)

 -Ta voix est rauque, mon cher, pour la rendre fluette, il n’y a qu’une solution.

-Laquelle ?

-Il faut que tu t’enduises les cordes vocales d’une épaisse couche de graisse de mouton et que tu ailles à côté d’une fourmilière, que tu ouvres la bouche et que tu laisses les fourmis rentrer dedans. Elle mangeront la graisse et lubrifieront ton gosier. A la fin de cette opération, tu retrouveras une voix de jeune enfant. Foi de “Amghar Azemni” (vieux sage). A propos des bracelets dont tu m’as parlés, la solution est trop simple aussi, tu n’as qu’às aller à la rivière et ramasser des coquilles d’escargots vides et te faire un collier que tu mettras autour du cou et que tu feras tinter pour amuser les petits. C’est une bonne initiative, tout le monde va apprécier !”

L’ogre qui avant pris une apparence humaine, remercie “Amghar Azemni” et quitte les lieux, pour se rendre dare-dare dans une fourmilière. Il s’y installe. Le gosier enduit de graisse, il voit défiler durant des heures des milliers de fourmis.

En fin de journée, quand il ouvre la bouche pour lancer un cri, il est étonné, sa voix était aussi fluette que celle d’une petite fille. Secouant son collier, il produit le même bruit que les bracelets de Rova.

Très content du résultat, dès le soir venu, il se rend à la hutte, tape à la porte et dit à l’homme “emprisonné” :

“Etskhilk Eldi Thabbourth A vava Inouva !” (Papa Inouva, ouvre-moi la porte, c’est moi ta fille Rova !)”

Pour éviter toute mauvaise surprise, le père lui dit :

“Tchène-tchène thizevgathin im A illi Rova !” (Fait tinter tes bracelets, Rova ma fille !)

La première épreuve passée avec succès, l’ogre fait tinter son collier, dont le tintement ressemble à s’y méprendre à celui de Rova.

Abusé, il enlève la cale de la porte pour faire rentrer sa fille, mais en guise de fille,c’est un ogre velu avec des grands crocs qui lui saute dessus,et qui lui dit :

-“Dounith Fella-k’ thekfa Ak Tchagh Assa A vava-s n Rova !” (Tu vas mourir aujourd’hui, je vais te dévorer, père de petite fille !)

Par où veux-tu que je commence à te déguster, par la tête ou par les pieds ?

-Commence par les pieds qui ne peuvent bouger”. L’ogre commence à le dévorer, dès qu’il arrive au tronc, Rova arrive.

En trouvant la porte ouverte, elle laisse tomber le plat et lance un cri d’effroi. Malgré sa peur, elle jette un coup d’œil dedans et aperçoit la bête immonde, qui dévore son papa.

Ne pouvant rien faire pour lui, elle prend ses jambes à son cou pour avertir les villageois. Mais après avoir fait seulement quelques enjambées, elle est rattrapée.

Il l’attache à l’aide de ses longs poils et continue son horrible repas. Il l’emmène ensuite dans sa tanière, pour s’en servir de repas, une fois qu’il aura faim.

Sachant le sort qui l’attend, Rova se met à crier à gorge déployée comme une écorchée vive à laquelle on enlève la peau.

Ses cris arrivent aux oreilles de son troisième frère, celui qui a l’ouïe fine et capable d’entendre la rosée tomber.

À suivre…

Auteur : Benrejdal Lounes

Illustration : peinture Bergers et famille kabyle, par Marius de Buzon, 1923

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