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Contes et Légendes – Halilifa, la jument qui sauva Constantine

L’historien tunisien Abd El Aziz a fait le récit des événements du siège de Constantine par Mourad Bey de Tunis en 1710.. Ce compte rendu officiel comporte toutefois quelques détails frisant le merveilleux poétique des contes des « Mille et une nuits ». Ces éléments ont pourtant assez fortement impressionné les esprits pour que le folklore régional en ait conservé le fidèle souvenir.

Le héros de cette belle aventure épique est Ben Zekri, chef des courriers et de la cavalerie beylicale, ainsi que sa prestigieuse jument noire Halilifa, soeur presque jumelle du fameux cheval magique en bois d’ébène des contes orientaux. Et, ce qui nous intéresse plus particulièrement, les gorges du Rhumel vont encore jouer un rôle non négligeable dans la suite dramatique de ces événements. (La Dépêche de Constantine en a publié un compte rendu très détaillé dans « Dimanche Matin » du 6 juillet 1952).

En 1710 donc, les Tunisiens sous Mourad Bey, après avoir battu le bey constantinois Ali Khodja près du Khroubs, viennent assiéger la ville. Bientôt c’est la famine et surtout la soif, car l’été est particulièrement torride, et les citernes se vident rapidement. On parle de capitulation. Seul le Bach Seiar Ben Zekri opine contre la reddition. Il se déclare prêt à sortir de la ville et, sur sa jument noire Halilifa dont la rapidité et l’endurance tiennent du prodige, d’aller demander du secours à Alger.

Mais comment sortir de la ville dont les Tunisiens bloquent toutes les issues ? Selon les indications de Ben Zekri, l’on confectionne de longues et solides cordes ainsi qu’un filet pour Halilifa et, une nuit sans lune, cavalier et monture se font descendre dans les gorges près de la grande cascade, seul endroit laissé sans surveillance vu la hauteur de la falaise jugée impraticable par les Tunisiens. L’exploit scabreux réussit. Halilifa, comme toutes les bêtes de grande race, a son mot secret (« tir » = vole !) qui, dit dans son oreille, lui fait rendre l’effort maximum.

Les secours tardèrent quelque peu parce que, à la même époque, les janissaires d’Alger avaient tenté une de leurs fréquentes révoltes locales contre le Dey. Mais les Algérois arrivèrent tout de même à temps pour sauver la ville assiégée où Ben zekri, toujours grâce à la vaillante Halilifa, avait apporté la bonne nouvelle assez vite pour que les assiégés, malgré leur extrême détresse, ne faiblissent point.

0n imagine sans peine l’accueil triomphal du héros : Youyous des femmes, sanglots de tendresse admirative et reconnaissante, cavaliers et montures couverts de baisers, de caresses, de fleurs et de rubans multicolores. L’aventure fut assez sensationnelle pour que le folklore régional la célébrât en un beau poème que Charles Féraud, officier interprète de l’armée française, put recueillir encore 160 ans plus tard :

« Chut ! Voici l’armée d’Alger ! C’est Ben Zekri qui l’amène »

« Ben Zekri, l’intrépide cavalier, »

« monté sur Halilifa, la mignonne, la soyeuse ».

« Halilifa va paître avec les gazelles et revient avec les vaches »

« Elle se lève le matin et dîne avec le Sultan.»

« Sa litière est drapée de soie.»

« On emmaillote son corps avec de la mousseline,»

« Ben Zekri la parfume à l’eau de rose,»

« elle boit du lait et son orge est arrosée de miel et de lait d’amande.»

« Quand Ben Zekri entrera au paradis d’Allah,»

« Halilifa suivra son maître et sera joyeuse parmi les houris ».

Mais la reconnaissance des Constantinois alla plus loin : Le coursier noir qui bondit au dessus des armoiries de la cité n’est autre, selon la tradition locale, que Halilifa, l’héroïne de ce mémorable siège de 1710.

Mustapha Amrani

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