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Extrait revue 6 – Teqtar : la distillation de la rose et de la fleur du bigaradier

Constantine

Le teqtar était un véritable rituel de l’ancienne médina de Constantine, incontournable de la tradition populaire, il marquait l’arrivée du printemps, quand toutes les femmes de la famille élargie se réunissaient dans wast eddar (patio central), pour cette délicate et laborieuse opération. Les différentes fleurs utilisées provenaient essentiellement des jardins du Hamma, à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de la ville, où elles étaient cueillies de la fin avril à la mi-mai (où elles sont encore cueillies aujourd’hui).

Technique traditionnelle

La distillation à la vapeur se fait par petites quantités et demande beaucoup de patience et de temps. Les artisans algériens utilisent un qettar (alambic) composé d’une partie inférieure que l’on appelle tandjra (un grand récipient en cuivre à fond bombé et col étroit, encore fabriqué chez de rares dinandiers, mais assez cher) dans laquelle est mise une kouba (boule) de roses et remplie d’une eau portée à ébullition sur une tabouna (réchaud à gaz), et d’une partie supérieure nommée keskas (sorte de passoire à cuisson), remplie d’eau froide.

En s’élevant, la vapeur dégagée s’imprègne au passage des principes odorants des roses, et le froid permet sa condensation et sa sortie sous forme de liquide. La première eau de fleurs récupérée s’appeler assel-qettar ; elle est collectée dans une mghalfa (une sorte de fiole recouverte de rotin). Cette première mghalfa est un élixir très concentré, et c’est la bouteille qui se vend le plus cher. Puis on distille une deuxième et troisième bouteille selon les fleurs. Pour l’eau de rose, à partir d’une kouba de roses on ne peut distiller qu’un élixir suivi d’une deuxième bouteille. Contrairement à la fleur d’oranger qui peut remplir trois fioles. L’eau utilisée pour la distillation était conservée et utilisée par les femmes pour laver le linge, les couvertures, les tapis et les sols, et ainsi les maisons traditionnelles embaumaient longtemps la rose et la fleur d’oranger. 

Ces eaux de fleurs sont encore très présentes dans l’art culinaire citadin, et particulièrement à Constantine où ma zhar (bigaradier) et ma ward (roses) parfument beaucoup de gâteaux comme les baqlawa, samsa, tamina blanche, sh’bah essafra, r’fiss, t’charek, maqrout, q’tayef…On les retrouve aussi dans les pains comme khobz eddar, les brioches constantinoises ch’rik, dans des plats raffinés sucrés-salés comme le t’bikh, dans la crème de riz traditionnelle m’halbi et même pour aromatiser le café …

Kahina Oussaid – Chihani

Références 

-http://www.aps.dz/societe/73117-constantine-fete-annuelle-de-la-distillation-de-l-eau-de-rose-et-de-la-fleur-d-oranger

-http://www.pci-algerie.dz/fr/dossiers/le-teqtar-distillation-de-leau-de-rose-et-de-leau-de-fleur-de-bigaradier

– Robert J. Forbes – A Short History of the Art of Distillation: From the Beginnings Up to the Death of Cellier Blumenthal, Brill, 1970.

– Ibn Al-Awam, KitabbAl-fallaha, tome 2, article IV, manière de distiller l’eau de rose p.380 (traduit en français par J.-J. Clément- Mullet en 1866).

-Gil Marks, Encyclopedia of Jewish Food, HMH, 17 nov.2010, pp. 473-474.

– Annick Le Guérer, Parfum (Le): Des origines à nos jours.

-DjelloulYelles et El-Hafnaoui Amokrane, El-Mouwachatswa El-Azjals, tome 1.

Image : Carte postale, mars 1963, Blida, triage des fleurs d’orangers

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