C’était en mars 1957. La machine de l’ostracisme se mettait en marche dans la wilaya 4. Elle touchera les anciens cadres du PCA qui s’y trouvaient, tels Bouali Taleb, Abdelhamid Boudiaf ou Mustapha Saadoun. Dans un recueil publié par l’historien Mohamed Harbi, Les Archives de la Révolution, Abdelhamid Boudiaf, un des premiers commissaires politiques de l’Orléansvillois (Chlef), décrit cette pratique sectaire qui s’est traduite, dans le cas de Nour Eddine Rebah, par une forte pression pour le faire fléchir et l’amener à renier les idées politiques généreuses, qu’il portait depuis son jeune âge, sur l’avenir social de l’Algérie une fois indépendante. Nour Eddine Rebah, qui refusa de céder à ce diktat idéologique, traversa alors un moment très dur. Une phase dite « de transit », consistant à le faire passer d’un groupe à l’autre, sans arme; en fait, une mise à l’écart.
A la fin du mois d’août 1957, après avoir décliné l’offre d’une formation à l’Ecole militaire de Baghdad, il rejoignit, à sa demande, le commando de la zone 2 de la wilaya 4, en qualité de voltigeur et fut doté d’un fusil MAS 49. Cette unité d’élite s’était distinguée, quelques jours plus tôt, le 3 septembre 1957, dans un accrochage avec un commando de parachutistes, dans le secteur d’Ouled Benaissa, au sud-ouest de Médéa, où, de l’aveu-même de la presse coloniale, l’armée d’occupation subit de lourdes pertes.
L’instant fatal arriva le vendredi 13 septembre 1957, dans le djebel Beni Salah, au sud-ouest de Chréa. Arrivé la veille dans la cuvette d’oued Merdja, avec ses compagnons des commandos des zones 1 et 2, majoritairement étudiants et lycéens, il fut encerclé par l’ennemi. Au petit matin, l’alerte fut donnée quand l’armée française actionna son dispositif infernal : les bombes au napalm larguées par les B-26 enflammaient le lit de l’oued pendant que les obus de l’artillerie s’écrasaient sur Bouhandès. Son fusil MAS 49 à la main, Nour Eddine Rebah tenta une percée du côté de l’Ancienne Redoute, dans le massif Guerroumène dont la crête était tenue par les parachutistes du général Massu. Les premières balles ennemies furent pour lui. Grièvement blessé, il rendit l’âme dans des circonstances encore inconnues. Il avait 25 ans.
Mort sans sépulture, mais d’une mort tranquille. Sans reniement de ses idées et principes, malgré le spectre hideux de la « fosse » (ech châaba, allusion à la liquidation physique) constamment agité, au maquis, par des « frères d’armes » à l’esprit malheureusement étroit.
Après sa mort, son nom continua à être cité au Tribunal permanent des forces armées d’Alger, dans des procès intentés à ses amis Georges Acampora, Yahia Briki et Abderrahmane Taleb. Nour Eddine Rebah fut même condamné à mort par contumace, en mars 1958, alors qu’il n’était déjà plus de ce monde.
Sur les lieux de son dernier combat, dans la vallée d’oued El Merdja, à Bouhandès, où, quelque part dans le ravin, se trouvent ses restes blanchis, une modeste stèle, érigée en 1987 par ses anciens camarades de la wilaya 4, rappelle son souvenir et celui de ses jeunes compagnons d’armes tombés au champ d’honneur, en ce vendredi 13 septembre 1957, à l’exemple du lycéen Mokhtar Chebout, d’Hussein Dey, que l’on appelait le « poète », et du collégien Sellami dit Didouche, de Médéa, qui était un sportif connu.
Mohamed Rebah
Chercheur en histoire, auteur de :
- « Des Chemins et des Hommes », paru à Alger en novembre 2009
- « Taleb Abderrahmane guillotiné » le 24 avril 1958, paru à Alger en avril 2013