Issu de la faction des Ait Smaïl de la tribu berbère des Iguejtoulen, dans la région de Boghni en Kabylie, où il naît, selon certaines sources, vers 1720, M’hamed Ben Abderrahmane* est issu d’une famille de marabout. Très jeune, il étudie dans une zaouïa du Djurdjura, surnommée Djebel Ennour (La montagne de la lumière). Il y apprend le saint Coran et les fondements de l’Islam avec pour maître le cheikh Sidi Hussein Ibn Arab des Ait Iraten qui a fondé sa zaouïa après son retour d’Egypte.
Vers l’âge de vingt ans, il part poursuivre ses études et parfaire ses connaissances à l’université al-Azhar, en Égypte, comme c’est souvent la coutume à l’époque. Il réside dans le riouak (galerie) des maghrébins et se lie d’amitié avec différents étudiants et cheikh, notamment ceux de la Khalwatiya. C’est ainsi qu’il sera initié par cheikh El Hafnaoui à cette tariqa avant d’entrer en khalwa (retraite).
Partant de l’idée que la retraite spirituelle du pratiquant en est le principe fondamental, cette tariqa se réfère à la retraite de Mohamed dans la grotte de Hira, et à celle du prophète Moïse sur le mont Sinaï. Le Khalwati, ou Khalwi doit se retirer dans une grotte ou dans une pièce fermée, pour pratiquer la prière, la méditation, le wird, c’est-à-dire la récitation du Coran et le dhikr (l’invocation des noms de dieu). Cette retraite avec très peu de nourriture, est d’une durée illimitée avec un minimum de trois jours.
Après quelques temps, le cheikh envoi M’hamed Ben Abderrahmane pour une syaha (un voyage spirituel). Son périple qui durera six années, le mènera entre autre en Inde et au Soudan. Il y initiera de nombreuses personnes à la Khalwatiya, dont le sultan du Darfour. A son retour en Egypte, El Hafnaoui l’autorise à rentrer dans son pays, après une absence de trente années.
De retour parmi les siens, chez les Ait Smaïl, il fonde la première zaouïa Khalwatiya d’Afrique du Nord, vers 1769. Il initie de nombreux disciples, dont Sidi Errahmouni auteur d’ouvrages de grammaires et de jurisprudence dans le rite malékite.
Après quelques années, il décide de s’installer à Alger, dans le quartier qui portera plus tard le nom d’El Hamma, où il fonde une autre zaouïa. Cette dernière rayonne sur tout le pays, accueillant les pauvres, les orphelins et les étrangers. Tout en étant un lieu d’études pour de nombreuses sciences, de nombreux disciples viendront y demander l’initiation et faire leur retraite spirituelle.
Parmi les disciples du Cheikh M’hamed, Sidi Abderrahmane Bacha tarzi El Qosantini qui propagera la tariqa dans le Constantinois et dans tout l’est du pays, Sidi Ibn Azzouz El Bordji, Sidi Ameziane El Haddad, chef spirituel de la révolte des Mokrani, Sidi Ahmed Tidjani fondateur de la tariqa Tidjaniya et bien d’autres. Sa Tariqa Khalwatiya deviendra la Rahmaniya, en référence à son père Abderrahmane.
Sidi M’Hamed enseignera ses préceptes pendant plus de 25 ans. Jusqu’au jour où, sa santé déclinant et sentant sa fin arriver, il retourne dans son village natal. Il y décédera en 1793, à l’âge de 73 ans.
Les Ait Smaïl l’enterrent et lui construisent un mausolée. Mais ses adeptes d’Alger, estimant avoir plus de droit sur sa personne, déterrent sa dépouille de nuit et l’ensevelissent dans sa zaouïa algéroise. Les Ait Smaïl indignés, expriment violemment leur mécontentement, l’affaire est sur le point de tourner au drame. Mobilisés pour faire route vers Alger afin de récupérer le cadavre du saint homme, l’un d’entre eux a l’idée de vérifier sa tombe pour confirmer le vol, mais la dépouille s’y trouve encore. Pour la population, il s’agit d’un véritable miracle, Sidi M’hamed étant un saint homme. La colère des villageois retombe et il est unanimement surnommé Bou Qabrin.
Quand à sa tariqa, elle continuera à prospérer dans tous le pays. Des zaouïas sont fondées un peu partout et la Rahmanya devient l’une des plus importantes par le nombre de ses adeptes.
Khadija T.
*Sidi M’hamed Ibn Abderrahmane dit Ibn Youssouf Al-Idrissi Al-Hassani Ezzouaoui Al-Azhari ou M’hamed Ben Abderrahmane Ben Ahmed El-Guejtouli El-Djerdjeri El-Azhari, appartenait à la tribu des Guejtoula d’où le surnom d’El-Guejtouli, El-Djerdjeri pour le Djurdjura d’où il venait et El-Azhari pour l’université al-Azhar où il va étudier vers l’âge de vingt ans.
Sources :
- « Alger, un lieu, une histoire. Le saint aux deux tombes », par Sabrinal, paru In Le Soir d’Algérie du 10/07/2010
- Histoire : Sidi M’hamed Bou Qobrine le saint aux deux tombeaux
- Djaffar Mohamed-Sahnoun, « La perception mystique en islam : essai sur les origines et le développement du soufisme », Editions Publibook, 1 janv. 2009
- Camille Lacoste-Dujardin, « Dictionnaire de la culture berbère en Kabylie », La Découverte, Paris, 2005