Le mois de juillet rappelle sa naissance autant que sa disparition. Cheikh El Hasnaoui, le maître de la chanson kabyle exilé, était le symbole d’une Algérie (ré)conciliée avec ses identités, puisqu’il savait alterner, dans ses composition, le kabyle et l’arabe algérien.
Inscrit à l’état civil sous le nom de Mohammed Khelouat, El Hasnaoui est né le 23 juillet au hameau de Taâzibt, un petit village de la région d’Ihesnawen, d’où il empruntera son nom d’artiste des années plus tard, passant de « Ben Ammar Hasnaoui », puis « Cheikh Amar El-Hasnaoui », avant de devenir « Cheikh El-Hasnaoui »
Orphelin de mère à deux ans, Mohamed est élevé par sa famille, d’autant que son père est absent, enrôlé par l’Armée française durant la Première Guerre Mondiale. L’enfant grandit dans le climat de la culture des zaouias jusqu’au retour de son père. Ce dernier l’inscrit dans une école coranique. Mais après quelques années, à l’âge de 12 ans, le jeune Mohamed quitte les bancs de l’école.
En 1930, il quitte son village pour la capitale où il est embauché dans un travail de nuit sur les quais. Il habite rue Mogador à la Casbah et côtoie de grands maîtres de la musique « chaâbi » comme El-Anka et Cheikh Nador. C’est en assistant à leurs représentations qu’il assimile la finesse de ce genre musical, avant de se lancer dans la grande aventure artistique. D’abord en faisant partie de l’orchestre de Hadj M’hamed El Anka, puis en volant de ses propres ailes.
En 1936, il compose sa première chanson, « A yema yema », une complainte de déracinés. Cette même année, il retourne à son village natal. Après quelques allers-retours, son déracinement prend plus de profondeur. Cette fois-ci, il part pour la France et s’installe dans le 15ème arrondissement de Paris, deux années avant le début de la Seconde Guerre mondiale.
Sa carrière connaît une parenthèse, durant la Seconde Guerre Mondiale, le temps d’accomplir en Allemagne, le Service du Travail Obligatoire. C’est pendant cette période qu’il fera connaissance de celle qui deviendra plus tard sa femme, Denise Marguerite Denis qu’il épousera le 14 août 1948.
Cependant, jusqu’au début des années 1950, Cheikh El Hasnaoui produit l’essentiel de son répertoire composé de 29 chansons Kabyles et de 17 en arabe algérien. Durant cette période, El Hasnaoui s’impose comme un « maître » et domine la vie artistique du moment qui reste confinée aux seuls cafés, véritables microcosmes de la société kabyle en exil.
De tempérament solitaire, il fréquente très peu de gens, mais se lie d’amitié avec Fatma-Zohra, son mari Mouh-akli et Mohamed Iguerbouchene avec lequel il collabore dans des émissions radiophoniques.
En 1968, il enregistre ses dernières chansons: « Cheïkh Amokrane », « Haïla hop », « Merhva », « Ya noudjoum ellil », « rod balek » et quitte définitivement la scène artistique. Il offrira son mandole au maître Akli Yahyatène.
A la recherche de calme, El Hasnaoui quitte aussi la capitale française et la maison qu’il construite de ses mains pour s’installer à Nice. En 1985 il quittera encore sa seconde demeure pour un voyage qui le mènera dans les Antilles. Il y séjourne, seul, plusieurs mois avant de revenir à Nice, auprès de sa femme.
Et en 1988, l’envie de partir le reprend. Cette fois-ci, il s’installe avec son épouse à l’île de la Réunion pour le restant de sa vie.
Après de longues années en exil et alors qu’il est à la fin de sa vie, El Hasnaoui recevra la visite de quelques algériens à la recherche du Maître, dont le musicologue Mehenna Mahfoufi et l’interprète de musique andalouse Behdja Rahal.
Le 6 juillet 2002, Cheikh El Hasnaoui s’éteint à l’âge de 92 ans. Il sera inhumé, tel qu’il le souhaitait, à Saint-Pierre de la Réunion où un jardin public porte aujourd’hui son nom. Sur une plaque de marbre on peut lire : «Cheikh El Hasnaoui, Maître de la chanson Kabyle : Taâzibt 1910 – Saint-Pierre 2002 ».
Il avait crée son propre style avec sa cascade de voix grave, les sonorités lancinantes du banjo et ses textes forts de la douleur de l’exil ; un thème qui était devenu le leitmotiv de la majeur partie de son œuvre.
Synthèse K.T.
Sources :