De son vrai nom Banali Boudghène, le colonel Lotfi, connu comme étant un homme intègre et dévoué, est né le 5 mai 1934, à Tlemcen.
Fils aîné d’une modeste famille de 7 enfants, Banali Boudghène accède à l’école primaire à un âge précoce et obtient son certificat d’études en 1948. Il poursuit alors ses études avec une assiduité remarquable dans un collège à Oujda (Maroc) pour obtenir un autre certificat. Cette école, bien que sous le contrôle de l’administration française, forge la personnalité du jeune homme et éveille tôt sa conscience nationaliste.
Le futur colonel passe deux ans à Alger entre 1945 et 1947, lorsque sa famille s’y installe, puis retourne vivre à Tlemcen. En 1950, il suit des cours à la medersa de la ville. Adolescent, il a un penchant pour la littérature et l’art révolutionnaires. Il aime particulièrement les écrits de l’écrivain égyptien Mustapha Lotfi El-Menfaloti d’où son nom de guerre pendant la révolution armée, lorsque, plus tard, il sera investi de responsabilités militaires.
En 1955, il abandonne les bancs de l’école pour rejoindre les rangs de l’ALN. Ses activités débutent au sein de la section de Maghnia, relevant de la zone d’Oran, où il est chargé d’organiser la section 4, en qualité de secrétaire du capitaine Si Djaber, commandant de la section à l’époque.
En janvier 1956, Tlemcen est secoué par des événements historiques, marqués par l’assassinat du chahid docteur Benzrdjeb par les forces coloniales. Les sanglantes manifestations qui s’en suivent favorisent une mobilisation générale. C’est suite à ces manifestations que Abdelhafidh Boussouf confie à Boudghène la charge de l’organisation politique de la section 3 dans la ville de Tlemcen. Il prend le nom de guerre de « Si Brahim » et est à la tête d’une section armée pour la supervision et l’organisation des opérations militaires dans la région.
Militant incorruptible, il se voit chargé d’organiser, avec ses compagnons, les maquis dans la zone de Béchar. Selon les témoignages de ses compagnons, il y causera d’énormes dégâts à l’armée française, notamment lors de la fameuse bataille du djebel Amour du 2 octobre 1956.
Au début de l’année 1957, il est nommé responsable de la zone 8 (Béchar) avec le grade de capitaine. Parfait organisateur, il installe le premier réseau radio, établissant ainsi le contact entre le commandement de la wilaya et les secteurs de sa zone. Sa pugnacité lui vaut d’être nommé colonel sous le nom de guerre « Lotfi », à la tête de la Wilaya V en mai 1958. Il devient ainsi membre du haut commandement de la Révolution algérienne (CNRA) et du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).
Cette période est marquée par l’intensification des opérations française contre les maquis, et surtout par la construction des lignes Challe et Morice aux frontières est et ouest, visant essentiellement à empêcher l’acheminement des armes pour les maquis à travers les frontières tunisiennes et marocaines.
Le colonel Lotfi fera partie de la délégation algérienne, présidée par Ferhat Abbas, qui se rendra en visite en Yougoslavie, avec pour objectif de ramener un appui militaire à la guerre de Révolution.
Il participe également au Conseil National de la Révolution Algérienne à Tripoli qui se tient entre le 16 décembre 1959 et le 18 janvier 1960, où il est décidé de rallier les troupes ALN de l’intérieur. Le haut commandement de la Révolution algérienne exige des commandants de wilaya, se trouvant au Maroc et en Tunisie, à rejoindre leurs PC à l’intérieur du pays.
Lotfi entreprend donc de regagner l’intérieur de la Wilaya V et choisit de revenir avec une troupe réduite afin de ne pas attirer l’attention de l’ennemi qui avait encerclé la Wilaya V. Après réflexion, il opte pour un itinéraire qui contourne les barbelés des lignes Challes et Morice, en passant par Boudenib, un village marocain où se trouvait une petite base arrière de l’ALN. De là, il lui est possible de contourner largement Colomb-Béchar par le sud en s’infiltrant dans la vallée du Ghir. Le périple sera long et difficile, d’autant que les points d’eau y sont rares. Et c’est à dos de méharis qu’il le fera en compagnie de quelques moudjahidine. Evitant les palmeraies de Abadla et de Taghit, le petit groupe remonte ensuite vers le Nord en délaissant la vallée de l’oued Zousfaria, trop fréquentée et, par le djebel Ben Antar et le puits de Mézou. Le colonel Lotfi atteint ainsi les premiers contreforts du Djebel Béchar, mais les services de renseignement français, alertés depuis plusieurs jours de son arrivée l’accueillent avec des tirs d’hélicoptère et d’avions T6, au matin du 27 mars 1960. Après une longue et difficile bataile à terrain découvert, le colonel Lotfi tombe au champ d’honneur, ainsi que le commandant Ferradj et deux moudjahidine, le troisième ayant été fait prisonnier.
Lotfi, le plus jeune colonel de la révolution algérienne et l’un des plus valeureux maquisards, meurt à l’âge de 26 ans, sans connaitre la joie de l’indépendance.
Synthèse Khadija T.
Sources :
- « Dictionnaire encyclopédique de l’Algérie », par Achour Cheurfi. Editions ANEP 2007
- « Mort du colonel Lotfi », par le défunt Ali Djemaï dit Khaled. In https://www.eldjazaircom.dz
- « Le colonel Lotfi, un colonel ‘’pas comme les autres’’ », par Fateh Adli. Publié le 23 février 2013 in https://www.memoria.dz
- https://bel-abbes.info