Le Dey Hussein gouvernait Alger depuis 1818. Les relations entre la Régence et la France semblaient au beau fixe jusqu’à ce que, quelques années plus tard, des créances impayées à travers les intermédiaires juifs Bacri et Busnach, et le comportement du consul de France, Pierre Deval, excédèrent le Dey.
Le 29 octobre 1826, il écrivit au ministre des Affaires étrangères du ministère Villèle pour exprimer ses sentiments : « Je ne peux plus souffrir cet intrigant chez moi », émettant le souhait qu’il soit remplacé par « un autre consul qui fut un brave homme », n’hésitant pas à l’accuser de corruption. Cependant, Hussein Pacha expliquait clairement dans sa lettre que son hostilité était dirigée contre Deval et non contre la France : « Venant un nouveau consul de bon caractère, il lui sera accordé tous les plaisirs possibles, considérant la France comme la nation la plus attachée à nous ainsi qu’elle l’a toujours montré ».
Le Dey reprochait aussi à Deval d’avoir laissé son neveu, Alexandre Deval, vice-consul à Bône en 1925, élever des ouvrages militaires et installer des canons dans les postes de Bône et de la Calle, sous le prétexte de la défense du Bastion France (ancienne concession que la France détenait alors pour la pêche du corail).
Deval ne fut pas rappelé. Mieux, il fut chargé par son gouvernement d’intervenir dans une autre affaire, une démarche en contradiction avec la tradition diplomatique française.
Pierre Deval n’était désormais plus admis au divan, depuis octobre 1826. Le 29 avril 1827 coïncidait avec le dernier jour du ramadan, la veille de l’Aïd el Fitr. Profitant de cette fête religieuse, Duval se rendit à la réception donnée par le Dey au profit des consuls étrangers.
Selon des témoignages, la discussion qui opposa le Dey et le consul, ce jour là, eu lieu en turc, sans interprètes, dans le pavillon qui portera à ce jour le nom de l’incident qui surviendra ce jour là.
La discussion concerna principalement les relations diplomatiques entre les deux Etats et la plainte du Dey de ne pas avoir reçu de réponses à ses lettres relatives aux créances Bacri et Busnach. Il en rendait Deval directement responsable.
Deval répond : « Le Roi et l’Etat de France ne peuvent envoyer de réponses aux lettres que tu leur as adressées » et ajouta des paroles offensantes touchant à la religion musulmane. Le Dey excédé lui porte deux ou trois légers coups de son chasse-mouches et finis par lui ordonner de se retirer.
Deval allât raconter la scène aux ministres du Dey dans l’espoir d’obtenir leur soutien. Vainement.
Dans le rapport rédigé par le consul, l’incident prit des proportions démesurées quant aux « trois coups violents sur le corps, frappés avec le manche ». Il quitta Alger, rompant de fait les relations diplomatiques entre les deux Etats.
Et malgré les précisions du Dey- son geste n’étant pas dirigé contre le gouvernement français mais contre l’individu Deval, un escroc, et un menteur. Une escadre française se présenta devant la ville le 11 juin porteuse d’un ultimatum : le Dey était sommé d’exprimer des excuses par le biais d’une délégation officielle, d’arborer le drapeau français sur la Casbah et les principaux forts, de saluer de cent coups de canons et, évidemment, de renoncer aux créances Bacri Busnach qui avaient été réduites à 7 millions de francs en 1819.
Le Dey Hussein refusa cette humiliation. Le chef de l’escadre décréta alors le blocus d’Alger.
Pour la France d’alors, le coup de l’éventail, sera le bon prétexte- mais certainement pas le vrai- pour se lancer dans la conquête d’Alger trois ans plus tard. Une conquête qui s’étendra dans tout le pays durant 132 ans.
Zineb Merzouk
Sources :
- L’Algérie des Algériens, de la préhistoire à 1954, par Mahfoud Keddache. Edif 2000. Paris, 2003.
- Histoire de l’Algérie contemporaine. La conquête et les débuts de la colonisation (1827-1871), par Charles-André Julien. Casbah éditions. Alger, 2004.
PS : Les conditions imposées par l’ultimatum étaient :
1° « Tous les grands de la Régence, à l’exception du dey, se rendront à bord du vaisseau La Provence pour faire, au nom du chef de la Régence, des excuses au consul de France » ;
2° « À un signal convenu, le palais du Dey et tous les forts arboreront le pavillon français et le salueront de cent un coups de canon »
3° « Les objets de toute nature, propriété française, et embarqués sur les navires ennemis de la Régence, ne pourront être saisis à l’avenir »;
4° « Les bâtiments portant pavillon français ne pourront plus être visités par les corsaires d’Alger » ;
5° « Le dey, par un article spécial, ordonnera l’exécution dans le royaume d’Alger des capitulations entre la France et la Porte ottomane » ;
6° « Les sujets et les navires de la Toscane, de Lucques, de Piombino et du Saint-Siège, seront regardés et traités comme les propres sujets du roi de France ».
2 Comment
Bonjour
Oui, mais le Dey, n’avait pas à toucher ce représentant d’un autre état de cette façon, la diplomatie c’est le respect et le savoir être, même avec ses ennemis, c’était une grande erreur diplomatique.
Cela dit, ce même Dey dont vous faites l’éloge, a su partir avec son armée dés que l’armée Française est rentré à Sidi ferruch, lui laissant ce pays qui n’était pas le sien, avec son peuple qu’il a su berner pendant longtemps.
Un colon est un colon, même s’il partage la même religion que nous.
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