Le jeudi 15 mars 1962, Mouloud Feraoun se trouvait en réunion au centre social Château-Royal à Ben Aknoun avec cinq autres inspecteurs de l’éducation nationale : Marcel BASSET, Robert EYMARD, Ali HAMMOUTENE, Max MARCHAND et Salah OULD AOUDIA.
Vers 10h30, deux voitures avec à bord huit hommes, arrivent sur les lieux. Six d’entre eux descendent, pendant que les deux autres manœuvrent pour remettre les véhicules en position de départ. Parmi les quatre hommes, deux vont neutraliser le personnel du centre et arrachent les fils de téléphone au standard. Les autres iront chercher les six inspecteurs en réunion au fond de la cour. Ils les fusillent contre un mur d’une façon méthodique, remballent leurs armes et quittent les lieux.
Le lendemain, l’écrivain pied noir Jules Roy, écrivait dans L’Express : «Pourquoi Mouloud Feraoun ? Parce que, ayant reçu le don d’écrire, il avait, lui, un raton, l’audace de l’exercer. Parce qu’il osait conter son enfance pauvre et son pays, son attachement à ses amis et à sa patrie, et que cette liberté représentait à elle seule un outrage intolérable et une provocation à l’égard des seigneurs de l’O.A.S. »
Mouloud Feraounn né le 8 mars 1913 à Tizi Hibel, est pour toute une génération de l’époque c’est « Le Fils du pauvre », un roman autobiographique publié en 1939 qui avait reçu le Grand Prix Littéraire de la ville d’Alger en 1950. Il était l’ami d’Albert Camus et d’Emmanuel Roblès. Instituteur, puis directeur d’école, il publia « La Terre et le sang » qui reçut le Prix Populiste, puis « Jours de Kabylie » et « Les chemins qui montent ». Il devient par la suite directeur adjoint des Centre Sociaux Educatifs (CSE). Son « Journal » publié à titre posthume, dévoilera une personnalité humaniste.
Les Centres socio-éducatifs avaient été créés en 1955 par Germaine Tillion, à la demande du gouverneur général, Jacques Soustelle, qui voulait contrecarrer la dynamique du 1er Novembre 1954. De nombreuses personnes de bonne volonté, dont Mouloud Feraoun, se sont mobilisées pour la réussite de cette action, convaincus de l’importance de l’alphabétisation, en arabe et en français, des enfants algériens, dont 90% étaient exclus du système scolaire à l’époque.
Ce crime commandité par l’OAS, sera désigné comme « l’assassinat de Château-Royal ». Le 15 mars 1987, 25 ans après l’attentat, naitra, en France, l’Association des amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons, en souvenir de ces six hommes assassinés dans l’exercice de leur fonction et dont l’objectif est de poursuivre leur œuvre humaine.
Zineb Merzouk
Source :
- Revue Persée, Numéro 26 (p 48-54), année 1992 : article racontant les faits, avec reconstitution et témoignages, écrit par Jean-Philippe Ould Aoudia, le fils de l’une des six victimes, qui a également publié « L’assassinat de Château-Royal » (éd. Tiresias, 1992).