Alors que la France coloniale vit une période très trouble, des suites de la disparition de la monarchie parlementaire en février 1848, l’Algérie –l’Afrique du Nord à l’époque- est quelque peu délaissée.
Le Sud qui était jusque là paisible est sur le point de se soulever après une nouvelle répartition de l’impôt sur les palmiers. Le marabout Bouziane, ancien cheikh de Zaatcha ayant été sous l’autorité des khalifas de l’Emir Abd-el-Kader, réagit et enflamme la population.
« Les habitants arrachèrent l’agitateur des mains des soldats qui voulaient l’arrêter et leur intervention tourna rapidement à l’émeute. Le colonel Carbuccia, commandant la subdivision de Batna, tenta un coup de main contre l’oasis qui aboutit à un couteux échec, le 17 juillet 1849. La nouvelle provoqua le soulèvement non seulement des Zibans, mais de l’Aurès. » (Charles-André Julien)
Bouziane proclame la guerre sainte et toutes les oasis de la région se mettent en état d’insurrection.
Le colonel Carbuccia se déplace avec ses hommes à Zaatcha pour étouffer la révolte, mais «surpris par la topographie du terrain et la résistance qui lui est opposée au milieu d’une végétation dense, et des murets qu’il faut prendre un à un après avoir délogé les tireurs. Le colonel Carbuccia se retire. Les pertes sont lourdes (…) Il rentra à Batna. » (Charles Rocher)
Passé l’été, le général Herbillon, qui commandait la province de Constantine, entreprit, le 7 octobre, le siège de l’oasis avec 4000 hommes, ainsi que des renforts envoyés d’Alger. Mais le terrain nest pas des plus favorables. L’oasis de Zaatcha qui se trouve à 35 kilomètres au Sud-ouest de Biskra, n’a qu’un seul ksar et la végétation danse qui l’entoure «ne laisse même pas découvrir le minaret de sa mosquée. À la lisière du bois, on voit une zaouia dépendante de la ville, et auprès de laquelle un groupe de maisons forme comme un ouvrage avancé de la place. En partant de la zaouia pour pénétrer dans l’oasis, on est arrêté, dès les premiers pas, par une infinité de jardins enclos de murs à niveaux différents, suivant leur genre de culture, la plupart coupés par des canaux d’irrigation et comprenant, outre des palmiers, toutes sortes d’arbres fruitiers qui gênent la vue, et rendent toute reconnaissance impossible. Les rares sentiers qui mènent à la ville sont resserrés entre les murs de ces jardins, et ce n’est qu’après de nombreux détours que l’on arrive à un fossé large de sept mètres, profond, encaissé et entourant la forteresse d’un infranchissable obstacle. Au-delà se présente l’enceinte bastionnée et crénelée à différentes hauteurs pour favoriser la multiplicité des feux. C’est à cette muraille que s’adosse une partie des maisons de la ville, de sorte que les défenseurs, sans sortir de chez eux, pouvaient aisément prendre part à la lutte et rester à l’abri de nos coups (…) Enfin les murs des premiers jardins construits au bord du fossé forment déjà comme une première enceinte, et encore au-delà ; un petit mur à hauteur d’appui règne autour de la moitié de la ville, accessoire de l’obstacle principal, qui est la muraille bastionnée et parfaitement crénelée. Une seule porte donne entrée dans la place, mais elle se trouve du côté de la profondeur de l’oasis, opposée par conséquent au côté de l’attaque le plus rapproché de la lisière du bois ; elle est d’ailleurs défendue par une grande tour crénelée dont les férus dominateurs en couvrent toutes les approches. » (Charles Rocher). Par ailleurs, cette entrée unique « regardait les petits ksours de Lichana et de Farfar dépendant des oasis de Tolga et de Boucha-groun, qui envoyaient continuellement des renforts aux assiégés de Zaatcha. (Perret, Eugène Émile Édouard)
Le camp français s’établit au nord de l’oasis sur les dernières pentes d’un contrefort du Tell. Le Colonel Carbuccia doit d’abord enlever la zaouia et les maisons attenantes au milieu desquelles se trouve une fontaine, indispensable au camp. Pour se faire, le général Herbillon forme une petite colonne d’attaque, sous les ordres du colonel Carbuccia, composée de deux compagnies du 5e bataillon de chasseurs, de quelques compagnies de la légion étrangère, du 3e bataillon d’infanterie légère d’Afrique et d’un détachement du génie. « La résistance ne fut pas longue ; bientôt une partie de nos soldats s’établissaient dans ce premier village, et le colonel Carbuccia plantait lui-même son drapeau sur le minaret de la zaouia. » (Charles Rocher). Mais le pire est à venir. Car le siège durera jusqu’au 26 novembre et les pertes côtés français seront énormes. Mais la prise du ksar se fera. Et là encore, des scènes terribles seront rapportées. La barbarie, une fois de plus, n’était pas du côté que l’on pouvait supposer…
Zineb Merzouk
Sources :
Charles-André Julien « Histoire de l’Algérie contemporaine. La conquête et les débuts de la colonisation (1827-1871). P.383 et 384. Casbah Editiond. Alger, 2005.
Charles Rocher « Le siège de Zaatcha », Revue des Deux Mondes. T.10, 1851
Perret, Eugène Émile Édouard, ancien capitaine de zouaves « Les français en Afrique. Récits Algériens 1848-1886». Volume 2. Paris Bloud et Barhal. 1887