Ali KORA et BENHAMADI sont porteurs d’histoires d’amours impossibles à qui on rendra un jour justice à travers une comédie musicale ou une pièce de théâtre. L’occident rabote ce genre d’histoires à coup de grands spectacles qui perpétue l’engouement d’un vaste public.
Ce texte, écrit par le « venin » des poètes du « melhoun », Mohamed BENSLIMANE, poète fassi est l’une des plus belles chansons du patrimoine « chaâbi ». S’inspirant de l’histoire d’amour tragique de la princesse Attouche et de son cavalier Fadhel, le poète implore sa bien aimée de lui porter un amour aussi grand que celui de la princesse.
Attouche avait reçu son amoureux au sein du palais princier. Fadhel quitta la chambre de la princesse et y oublia le fourreau de son épée. Le prince devina l’intrusion d’un amoureux au sein de son palais. Au cours d’une partie de chasse à laquelle il convia quelques cavaliers, il s’aperçut qu’un membre de sa troupe avait changé de fourreau, c’était Fadhel. Il décida de les mettre à mort tous les deux. Les tombes d’ Attouche et de Fadhel étaient côte à côte. Peu de temps après, un arbuste poussa de chaque tombe et les branches se rapprochèrent pour s’enlacer. Furieux le prince coupa des arbustes. Il dut le faire par dix fois tant les branches revenaient à l’accolade.
De guerre lasse, il déterra les corps et les sépara à une distance respectable. Néanmoins, un cours d’eau surgit de chaque tombe pour croiser l’autre, signant ainsi l’éternité de l’amour, par delà la mort.
A ma connaissance, trois chanteurs seulement ont interprété cette chanson et encore, avec un texte incomplet et souvent incompréhensible. EL ANKA, Hassan KAOUANE, Mazouz BOUADJADJ et plus récemment Abdelhak BOUROUBA dont les paroles sont fidèles et dans leur totalité.
Appréciez la richesse des métaphores de BENSLIMANE dont on attend l’édition de son recueil à la découverte de son génie poétique.
ATTOUCHE
Mohamed BENSLIMANE (19ème siècle)
هبت لرياح و جّرد البرق سيفه ضاوي
نعنيه سقير من لمزان حاف للحروب بجيوش ما يلقاوه شجعان
الّرعد طبول لغاه تنتقر و دقه هاوي
صّبح خّد البيدا من صنعة الغاني منقوش تسخير من الّرحمان
هذا فصل النّوار يا اّلي هو دنياوي
لّقط مشموم الورد و الّزهر لّقط المردقوش الّنسري و الّسوسان
و العاشق و المعشوق كيف جبته متساوي
و القرنفل والشكوكي مع البهر و الخيلي مرشوش و لقاح من الّريحان
اهديه لعّراض الغزال كان انت هاوي
تيه العشيق على المعشوق ما زادوه غير فشوش هذا شرط الغزلان
Les vents ont soufflé tandis que l’éclair a brandi son épée étincelante
Tu le croirais meurtrier sorti des nuages et engageant la bataille avec ses troupes
Que même les plus téméraires ne sauraient affronter
Le tonnerre grondait avec des percussions d’amour
La vallée se réveilla bariolée comme l’a voulue le Miséricordieux
C’est la saison des fleurs ô toi qui aime la vie
Compose ton bouquet de roses et de fleurs
Cueille la marjolaine, l’églantine et le lis
Les pois de senteurs mets les en harmonie
Rajoutes-y de la giroflée, du nard, du narcisse, des œillets humides
Et quelques brins de myrte
Offres le à la plus belle des gazelles
Si tu es romantique
Les amoureux se sont séparés avec les indiscrétions en prime
C’est leur rançon
صولي صولة عّطوش يا السيف العّلاوي
ما صالوك اهل الجحاف يا راية بين جيوش
يا تهليل السلطان
Surpasse la dimension (en amour) de Attouche, toi ô l’épée de Sayed Ali (compagnon et cousin du prophète QSSL dont l’épée avait deux pointes et qu’on appelait également « dhou el fik’ar »)
Ne pourront t’égaler les calomniateurs, ô toi l’étendard au dessus d’une armée, toi la relique du Sultan
Attouche et Fadhel sont les amoureux légendaires d’un conte berbère qui ont payé leur amour de leur vie.
(Les sultans accrochaient sous le bras gauche une sorte de récipient en or ou en argent dans lequel ils mettaient une copie du Saint Coran ou des bijoux et autres pierres précieuses.)
Ce fétiche est souvent comparable aux belles femmes en raison de sa beauté.
أ ياقوتة شلآ يحضي كسراو ى
يا شمعة ملك نايرة في قّبة مفروش توقي يا غصن الخيزران يا نخلة بين اعروش يا قامة غصن البان
و الّسالف ريش الّنعام لونه عبد اقناوي
صيفته من هيبة لكحال واطلق زوج احنوش
كّن اظقيرات ثعبان
يا لحض السابغ الّشفر يا الغزال الّداوي
يا من عندك تحت القواص باش اتفاقم لهيوش
يا بوري منفريمان
يا خّد الورد في رياض سوسان امساوي
يا جّلينار الباهج المفّتح اّلي هو مفروش
و الآى بّنعمان
Ô toi perle que ne saurait posséder CHROSROES (sultan perse au temps du prophète QSSL)
Ô toi la bougie royale illuminant la pièce achalandée sous la coupole
Ô toi la lune parmi les nuages
Ô toi le bouquet des belles, ô toi le brin gorgé d’eau
Surgis ô toi la tige de bambou, le palmier parmi les oasis
Ô toi qui a la taille d’un saule
Ta chevelure pareille aux plumes d’autruche de couleur nègre
Du plus profond du noir apparaît lâchée comme deux reptiles
Chaque natte telle un serpent
Ô toi qui a les cils teintés, toi au cou de la gazelle beuglante
Ö toi qui a sous les arcades des sourcils de quoi semer la zizanie
Entre l’ « abouri » (fusil à pierre marocain) et le « freeman » (fusil à pierre américain à canon scié)
Ö toi aux joues roses parmi le parterre de lys alignés
Ô fleur merveilleuse de grenadier éclose et répandue ou alors telle un coquelicot.
Dr Rachid MESSAOUDI
Illustration : Huile sur toile, « Cavaliers arabes », A. Schreyer, XIXe