Philosophe, écrivain, poète, traducteur, conférencier, le berbère Apulée de Madaure est présenté comme le premier romancier de l’histoire de l’humanité avec son œuvre majeure : Métamorphoses ou L’Âne d’or, une composition en onze livres écrite vers 161 ap. J.-C.
Si la production livresque d’Apulée demeure la première référence littéraire dans l’histoire, elle renseigne aussi sur l’universalité d’un esprit qui, au-delà de Carthage, d’Athènes et d’Afrique du nord, suscite encore l’intérêt des universitaires et des auteurs, y compris durant l’ère contemporaine en Algérie et ailleurs en Europe. Ce natif de Madaure (Mdaourouch dans l’actuelle Souk Ahras, Algérie), issu d’une famille aisée, est considéré comme une personne singulière et attachante. Tel un chercheur durant son époque (IIe siècle), il s’intéresse à la philosophie, à la religion, aux sciences et à la magie.
Pour l’universitaire Pierre Grimal, Apulée (ou Afulay en berbere ?) « se fit initier à tous les cultes, plus ou moins secrets, qui abondaient alors dans l’Orient méditerranéen : mystères d’Eleusis, de Mithra, d’Isis, culte des Cabires à Samothrace, et mille autres encore, d’une moindre célébrité. Il espérait y trouver le secret des choses ». Voyageur aussi, cette personnalité de l’ancienne Numidie ? Oui, il a poursuivi ses études à Carthage, puis à Athènes où l’enseignement philosophique est le mieux indiqué. Il reviendra chez lui en Afrique du nord, mais c’est dans la cité carthaginoise (en Tunisie actuelle) qu’il finira ses jours, en 170.
L’exemple du métissage
Il a légué un patrimoine produit en latin, mais il a également utilisé la langue grecque durant ses conférences. A ce sujet, trois textes sont évoqués. L’un sur la démonologie : De deo Socratis. L’autre sur la doctrine du philosophe Platon : De Platone et eius dogmate libri II. Et le De mundo, une adaptation en latin d’un traité grec anonyme sur le même sujet, s’inspirant de la théorie péripatéticienne de l’univers. Nord africain dans son identité, il a écrit en latin. Pour l’universitaire Mourad Yelles, la diversité d’Apulée, l’esthétique même de sa littérature, dans la création de son roman L’Âne d’or, est un bel exemple de métissage, non pas celui des races humaines mais des langues et des cultures. Nous pourrions effectivement comparer cet enfant de Numidie à ceux qui, durant la colonisation française, ont publié dans la langue de l’occupant. Cette dimension n’a sûrement pas affecté son appartenance à une culture amazighe. « Apulée comprend au moins tamazight », d’après le docteur Emmanuel Plantade. Et ses références en matière d’écriture relèvent forcément de l’amazighité, entre autres.
Son œuvre, en particulier Métamorphoses ou L’Âne d’or, se caractérise par une inter-culturalité inhérente à la vie urbaine en Numidie et en Méditerranée. Elle véhicule, au jour d’aujourd’hui, un cachet influent sur des auteurs en littérature et en dramaturgie théâtrale. Ce livre est traduit en arabe par l’écrivain Abou Laïd Doudou (1934-2004), la biographie de son signataire sera adaptée en pièce théâtrale (écriture de Ahmed Hamdi et mise en scène de Bouzid Chawki), en 2007. C’est dire l’importance des enseignements de la philosophie d’Apulée.
Mohamed Redouane
Bibliographie:
- Apulée de Madaure (lucius apuleius) 125-170 : sa vie et son œuvre dans Bibliotheca Classica Selecta.
- Colloque international Regards croisés sur Apulée, du 30 mai au 1er juin 2015 à Souk Ahras organisé par le Haut commissariat à l’amazighité.
- De l’écrit métis et autres « macaqueries » par Yellès Mourad. In: Littérature, n°117, 2000.
- Etude: Apulée, écrivain amazigh par Hassan Banhakeia dans oasisfle.com
- Illustration 1: https://www.lematindz.net/news/17522-un-colloque-international-dedie-au-genial-apulee-de-madaure.html
- Illustration 2: https://www.setif.info/article6514.html