Si quelques milliers d’individus, essentiellement des ouvriers (environ 15 000), vivent déjà en métropole au début du XXe siècle, l’histoire des Algériens en France débute véritablement en 1914. C’est une mobilisation sans précédent dans l’histoire qui a lieu à ce moment précis, de l’Algérie vers la France, et qui va produire des bouleversements à plus d’un titre.
Près de 175 000 soldats algériens sont mobilisés ainsi que 120 000 ouvriers, venus remplacer dans les usines les Français partis sur le front, lors de la Première Guerre mondiale. C’est alors un univers nouveau auquel les Algériens colonisés accèdent massivement pour la première fois. Une découverte qui va marquer durablement les esprits, celle de la métropole, qui donne accès à un univers dans lequel existe la liberté. Celle-là même qu’on leur refuse chez eux.
Les tirailleurs algériens parmi les plus décorés
Lorsque les Régiments de tirailleurs algériens (RTA) sont envoyés sur le front en septembre 1914, l’impréparation au combat dans un territoire européen qu’ils découvrent à peine va causer de lourdes pertes dans les rangs, notamment dans la Marne (nord-est), dès le début des hostilités.
Les hommes sont alors retirés du front pour recevoir une instruction militaire qui va regonfler le moral des troupes. Leur détermination au combat sera remarquée au cœur des plus terribles batailles, près de la frontière allemande, au Chemin des Dames, dans l’Artois, la Somme et à Verdun, véritable carnage qui fait 300 000 morts et 500 000 blessés. Malgré la violence du conflit, les troupes algériennes vont figurer parmi les plus décorées de toute la guerre. Les soldats algériens ont reçu plus de 20% des plus hautes distinctions alors que leurs effectifs au combat ne représentent, en 1918, que 2% du total des troupes. Au final, 14 régiments ayant combattu obtiennent 55 citations à l’ordre de l’Armée.
On compte aussi de nombreux Algériens faits prisonniers en Allemagne, en majorité dans le camp berlinois de Zossen-Halbmondlager. Malgré la propagande allemande qui présentait l’empire ottoman comme «allié légitime» des populations musulmanes colonisées par la France, les prisonniers algériens refusent de se rallier. Un geste interprété par l’armée française comme un acte de «loyauté envers la patrie ».
Le Jardin colonial, lieu de repos des soldats musulmans blessés
Le Jardin colonial est un lieu de vie pour les soldats musulmans que la guerre abîme, un hôpital qui leur est dédié. Disposant d’une mosquée, des imams s’y rendent régulièrement, notamment Si Kaddour Benghabrit, futur recteur de la Mosquée de Paris. Des diffa, des repas d’hospitalité, sont organisées à l’occasion de l’Aïd El-Kebir, réunissant soldats, imams et Français sensibles à la culture musulmane.
Sur le front, les interdits religieux et les prières sont respectés par les autorités militaires, des mosquées démontables sont même installées. Et les soldats musulmans morts au combat sont enterrés selon les principes islamiques. Une adaptation au culte musulman qui tient, notamment, grâce à l’influence d’Etienne Dinet, peintre orientaliste converti à l’islam, qui esquisse pour l’armée des stèles aux formes orientales, venant honorer les tombes des soldats musulmans.
Rafika Bendermel
Sources :
– La Grande Guerre des soldats et travailleurs coloniaux maghrébins, Yvan Gastaut, Naïma Yahi, et Pascal Blanchard, Revue Migrations et Sociétés, 2014.
– Les immigrés algériens en France : Une histoire politique 1912-1962, Benjamin Stora, Editions Hachette, 2009.
– Exposition “Génération : Un siècle d’histoire culturelle des Maghrébins en France”, association Génériques, Musée Nationale de l’Histoire de l’immigration, 2009/2010.