Le village d’el Koleaa est intéressant sur différents plans. D’abord parce qu’il est l’archétype même du village kabyle abandonné. En effet, presque plus aucune famille n’y vit. Mais en même temps il n’est pas en ruine. Le ministère de la culture a veillé à sa réhabilitation. Mais les propriétaires qui ont migré n’ont pas totalement délaissé leur maison.
Le village est à l’instar d’une carte postale, une photographie, un témoignage architectural des villages kabyles. Mais il n’en demeure pas moins qu’il est un village fantôme, sans vie, sans activité. En contrebas, un oued qui court. Tout le long de l’oued, des jardins. Certains sont abandonnés. D’autres ont l’air de reprendre vie. Ils sont soignés, travaillés. La saison hivernale offre un repos au jardin. Mais en cela, le jardin ne peut resplendir et jouer de ses charmes à cette époque de l’année. Le jardin kabyle d’el Koleea est en terrasse. Balcons sur balcons de verdures que l’homme a dû aplanir et dompter pour se poser et jouir des quelques culture de la terre.
Des agrumes, des grenadiers, des amandiers, des oliviers, des figuiers occupent ces balcons végétaux. Quelques hommes travaillent encore la terre en cette journée humide et fraiche. Des coups de pioches se font entendre jusque loin dans la montagne. De vieilles maisons kabyles sont abandonnées, à quelques kilomètres du site principal d’el Koléaa. « Toutes ces maisons sont les propriétés des Ben Athman. Je suis né dans une de ces maisons », indique un homme essoufflé. Son visage est caché derrière les feuilles d’un arbre. Il a une pelle à la main et s’est arrêté de travailler son compagnon et lui le temps de notre passage. « Nous avons quitté les lieux en 1977.
Plus personne ne vit là mais on revient pour entretenir les jardins. », précise-t-il. Il regrette de ne pouvoir nous offrir des grenades ou des figues. Il se répète plusieurs fois : il regrette notre visite hivernale, en été il aurait pu faire cadeau de fruits. Offrir les produits de la terre à l’étranger de passage est important ; Cela conjure le mauvais sort et ajoute de la baraka. Kabyles ou arabes, les rites et les croyances sont partout les mêmes. A Biskra, quelle stupéfaction de voir tant de palmeraies à vendre. Indiquées sur les murs encerclant les palmiers, j’ai cru tenir là un scoop. Y’aurait ils une nuisance qui pousserait les gens à vendre leur parcelle de palmeraie ? Il n’en était rien. Un natif et ami de Biskra apporte froidement la réponse :la récolte de datte a été excellente, il n’ y a aucune nuisance. Certains inscrivent « à vendre » sur la façade pour faire croire que la récolte a été mauvaise. Et faire éloigner ainsi le mauvais œil. (à suivre…)
Zineb A. Maïche
Photographie : Propriété des Ben Athman. El Koléaa, Beni Ourtilane. Janvier 2014, par Zineb A. Maïche