Maître de la chanson bédouine, Cheikh Hamada a révolutionné ce genre en rapprochant la campagne de la ville. Il était aussi l’un des meilleurs spécialistes du ch’ir el-melhoun.
Cheikh Hamada, de son vrai nom Mohamed Gouaïche, est né vers 1889, dans la daïra d’Ain Tedeles, dans la plaine des Touahrias, à une quinzaine de kilomètres de Mostaganem. Fils aîné d’un petit fellah, lorsque celui-ci décède, Hamada a 17 ans et devient le chef d’une famille de quatre enfants.
Il travaille comme ouvrier agricole et excelle dans l’art de la chasse, d’o son surnom, Hamada, qui est également le diminutif de Mohamed.
Vers 1910, après avoir été soupçonné du délit de braconnage, Hamada quitte son village avec sa famille et s’installe à Mostaganem, au quartier populaire Tijdit, non loin de Kaddous El-Meddah, la place des poètes. Un célèbre café y accueillait les poètes de la région du Dahra et de Mascara, dont le grand Menouer Ould Yekhlef.
A cette époque déjà, Hamada a la tête pleine de mélodies et le cœur chargé du verbe des ténors de l’ancestral ch’ir el-melhoun des cheikhs Ould Laadjal, caïd Bendhiba et Dahmane. Dès 1912, il commence à fréquenter, au quartier du Derb, le siège de l’Association culturelle Es-Syidia et celui du Croissant où il rencontre cheikh Saïd Belkacem. C’est dans ces cercles qu’il s’ouvre aux autres genres musicaux, comme le châabi, l’andalou, le hawzi, s’inspirant déjà de leur rythme et de leur tonalité.
Ses rencontres et cette ouverture lui serviront plus tard à créer son propre style : le baladi, l’intérieur même du bédoui. Il s’agit d’un genre qui se caractérise par une composition particulière de l’orchestre. Et Hamada y ramène le nombre de flûtistes de trois à deux, pour obtenir une plus grande précision dans l’exécution. C’est ainsi qu’il transforme, modernise et révolutionne même un genre qui deviendra emblématique. Par ailleurs, il s’est réapproprié les qasidas du répertoire châabi, en les interprétants dans leur musique originelle, créant un lien entre le bédoui et le châabi. Il entretenait d’ailleurs une grande amitié avec Hadj El Anka avec qui il se retrouvait souvent autours de dîners philosophiques, en compagnie d’autres poètes et musiciens comme Hadj Lazoughli, Hachemi Bensmir et Abdelkader El Khaldi. De nombreuses qaçayds ont été ainsi retravaillées dans ces cercles de poètes disparus.
Il se produit en concert, mais aussi dans les fêtes et les mariages, et en 1926, Hamada enregistre son premier disque chez Pathé-Marconi. Ce sera le début d’une longue et riche discographie estimée à plus de deux cents disques 78, 33 et 45 tours, et un répertoire de près de 500 titres puisés dans les patrimoines algériens et marocain.
Il chantera ainsi, entre autre, Benguenoun,Mestfa Ben Brahim, Abdelkader El-Khaldi, Mohamed Belkhayr, Ben Sahla, Bentriki,Ben M’Saïb et Bensouiket, et les Marocains Abdelaziz El-Maghraoui, Hadj Kaddour El-Almi et Ben Sliman.
Parmi les plus connues de ses chansons, on peut citer «Qamr Ellil », «Hajou Lefkar», «Yal Ouecham», «Ya Ahl Ezzine Elfassi», «Boussalef Meriem», «Ya Hmam», «Ya Roumia» et bien d’autres.
En 1930, lors d’une séance d’enregistrement en studio, à Berlin, il rencontre Mohamed Abdelwahab dont il était un grand admirateur.
Hamada connait sa première consécration en 1038, lorsqu’il est désigné représentant de la chanson méditerranéenne. Intelligent, il comprend rapidement l’impact que peuvent avoir les médias de l’époque, notamment la radio. C’est ainsi qu’il multipliera les enregistrements d’émissions radiophoniques en parallèle aux disques.
Il parcourt tout le Maghreb et parte partout son art tout en développant ses connaissances. Il se révélera d’ailleurs comme l’un des meilleurs spécialistes du ch’ir el-melhoun.
Entre 1945 et 1950, Hamada s’inscrit à l’école du soir et apprend à lire et à écrire avec ses propres enfants qui lui lisaient jusque-là journal.
Durant la Guerre de libération, il sera très éprouvé par la perte de ses deux fils, Ahmed, mort au maquis en 1959 et Abdelkader, militant de la Fédération de France du FLN, dont le corps n’a jamais été retrouvé.
Cheikh Hamada décédera le 9 avril 1968, après son retour des Lieux Saints, à l’âge de 79 ans, en son domicile, situé sur la route de Mazaghran.
Synthèse Babzman
Sources :
- « Dictionnaire encyclopédique de l’Algérie », par Achour Cheurfi. Editions ANEP 2007