Interprète de l’exil, poète maudite et chanteuse rebelle, Hnifa n’a pas eu une vie de rêve. Avec la solitude comme compagne, elle va de tourmente en tourmente, et s’accroche à la chanson qui constitue pour elle l’unique évasion.
De son vrai nom Zoubida Ighil Larba, Hnifa est née le 4 avril 1924, à Ighil M’henni, à Azzefoun (Tizi Ouzou), au sein d’une famille nombreuse. Cette dernière, comme tant d’autres, a fui l’hostilité de la campagne kabyle pour chercher à Alger, des conditions de vie plus clémentes. La seconde guerre mondiale et le débarquement allié dans la capitale précipitent le retour au village d’origine où la jeune fille mène l’existence sans relief d’une montagnarde berbère.
Hnifa se passionne pour la poésie et agrémente chacun de ses instants par des chants. C’est aussi tout naturellement qu’elle exprime publiquement son talent, lors des fêtes de femmes, organisées au village où sa présence est particulièrement appréciée.
Mariée une première fois à l’âge de 15 ans, à un commerçant ami de son père, elle fuit le foyer conjugal de Kanis six mois plus tard et retrouve le domicile des parents alors déchiré. La mort accidentelle de l’un de ses frères, puis la répudiation de sa mère, quelques temps après. C’est, pour la jeune Hnifa, le début de l’errance.
Remariée une seconde fois, elle fugue de nouveau au bout d’une année, avec cette foi-ci une fille dans les bras. La jeune femme est contrainte de faire des petits emplois vivre.
En 1951, sa rencontre avec Lla Yamina change le cours de son destin et constitue le premier jalon de sa carrière artistique. Celle-ci la présente à madame Lafarge qui anime alors une chorale féminine dans laquelle se côtoient des artistes précurseurs dont Chérifa, l’autre grande dame de la chanson kabyle. Hnifa fréquente assidûment la chorale entre 1951 et 1957. Elle s’y affirme et ne tarde pas à faire son apparition à la Radio sous la direction de l’orchestre de Cheikh Noredine, s’y produisant une fois par semaine, accompagnée de la chorale ou en solo. C’est ainsi que Zoubida, la fière villageoise, disparaît à tout jamais et laisse place à Hnifa, l’artiste marginale qui chante son vécu et ses souffrances.
Après un troisième mariage non réussi, en 1957, Hnifa quitte l’Algérie et s’installe dans la capitale française pour au moins deux ans. Durant ce séjour, Hnifa «la Rebelle», Hnifa «la poétesse maudite animera des fêtes dans des cafés maghrébins devant un public exclusivement masculin.
Elle retrouve à cette période Kamel Hamadi, rencontré à Alger quelques années plus tôt. Ils enregistrent ensemble le duo Ydhem, Ydhem et il compose pour elle, douze autres titres taillés à la mesure de sa vie et de ses sentiments. Des œuvres, aujourd’hui, devenues patrimoine de la chanson kabyle.
En 1962, elle revient à Alger où elle continue à interpréter avec brio des chansons dans lesquelles s’investit une femme angoissée, sans protection, sans desseins fixes. En 1975, elle s’exile à Paris, sans savoir qu’elle ne reviendra pas dans son pays de son vivant. Là bas, elle poursuit son métier de chanteuse et joue comme actrice de cinéma, notamment dans Les Chevaux du soleil, avec cheikh Noredine.
Sa dernière apparition en public date du 2 novembre 1978, à la Mutualité de Paris. Hnifa décède le mercredi 23 décembre 1981, à l’âge de 57 ans, dans un modeste hôtel parisien. Son corps est rapatrié dans son pays natal et inhumé au cimetière d’Al Alia, à Alger. Elle laissera derrière elle 64 chansons enregistrées à la RTA, parmi un répertoire qui en comptait quelque 200, ainsi qu’un grand nombre de disques 45 t.
Parmi ses grands succès on peut citer Ahak Sidi AÏch accompagnée de l’orchestre de Missoum, A Mohamed, A Mohamed, Sallat al Rassoul Allah, Azhriou anda Themzi, Ya Sidi Abderrahmane, Machied El Ghna, Dherayiou et Tawalizth.
Synthèse K.T.
Sources :
- « Dictionnaire encyclopédique de l’Algérie », par Achour Cheurfi. Editions ANEP, 2007.
- https://www.music-berbere.com
- https://www.vitaminedz.com