Le 18 avril 1675, à Rennes, la foule met à sac les bureaux du fisc. Elle défile dans les rues au cri de :«Vive le Roi… sans gabelle et sans édits !»
Ainsi commence l’une des plus violentes révoltes antifiscales du XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV. Elle va entraîner dans la sédition une grande partie de la Bretagne et en particulier la paysannerie de Basse Bretagne (le pays bigouden et la région de Quimper, dans le département actuel du Finistère).
Elle reste connue sous le nom de révolte des Bonnets rouges ou encore révolte du papier timbré, d’après l’impôt à l’origine de la révolte.
L’impôt de trop
Trois ans plus tôt, le Roi-Soleil s’est engagé dans la guerre de Hollande. En manque de ressources pour y faire face, il instaure de nouvelles taxes.
Il ordonne ainsi que tous les actes judiciaires et notariaux soient désormais rédigés sur papier timbré aux fleurs de lys, avec une taxe de l’ordre d’un sol (sou) la feuille. Par ailleurs, il prélève une taxe de vingt sous sur chaque livre de tabac et impose le marquage des pièces d’étain à raison d’un sol par pièce.
Ces nouveaux impôts émeuvent en premier lieu les Aquitains et suscitent dès le 26 mars 1675 le soulèvement de la population de Bordeaux. Le Parlement de Bordeaux prononce de son propre chef la suspension des nouvelles taxes.
Les habitants de Rennes puis de Saint-Malo se révoltent à leur tour. Mêmes manifestations à Nantes le 23 avril puis à nouveau à Rennes le 3 mai, où le gouverneur de la ville s’inquiète auprès du secrétaire d’État à la guerre Louvois de l’intensité de l’«émotion populaire».
Dans le même temps, en juin, la révolte éclate dans les campagnes bas-bretonnes, en pays de Carhaix et de Rohan. Faute d’atteindre les agents royaux du fisc, les paysans s’en prennent aux seigneurs. Sous la conduite de Sébastien Le Balp, un notaire de Kergloff (près de Carhaix), les Bonnets rouges répandent bientôt la terreur dans les campagnes. À la fin du mois de juin, de nouveaux châteaux et manoirs sont brûlés et leurs propriétaires tués ou blessés.
Le 3 juillet, Madame de Sévigné écrit à sa fille : «On dit qu’il y a cinq cents ou six cents bonnets bleus en Basse-Bretagne qui auraient bien besoin d’être pendus pour leur apprendre à parler».
Le 3 septembre 1675, les Bonnets rouges s’emparent du château du marquis de Montgaillard, à Thymeur, près de Carhaix. Mais le châtelain trouve moyen de plonger son épée dans le corps du notaire Le Balp. La mort de celui-ci met fin au soulèvement.
Le duc de Chaulnes, qui s’est entre temps réfugié dans la citadelle de Port-Louis, près de Lorient, va mener la répression comme il se doit avec les renforts envoyés par Louvois.
Reprise en main
En Basse-Bretagne, le duc de Chaulnes sévit contre tous les rebelles supposés. Il fait pendre ceux-ci aux arbres qui bordent le chemin, sans autre forme de procès. Il fait araser aussi les clochers des églises coupables d’avoir appelé à la révolte. Certains sont demeurés en l’état jusqu’à nos jours.
Chez la belle madame de Sévigné, qui se rend à son château de Vitré, la compassion n’étouffe pas l’esprit. «Nos pauvres bas-Bretons, à ce que je viens d’apprendre, s’attroupent quarante, cinquante, par les champs, et dès qu’ils voient les soldats, ils se jettent à genoux et disent mea-culpa. C’est le seul mot de français qu’ils sachent…», écrit-elle, entre autres joyeusetés, le 24 septembre 1675 .
Le 6 octobre, le duc de Chaulnes fait son entrée à Rennes à la tête de six mille hommes. Un tiers du quartier de la rue Haute est démoli et le Parlement, qui a soutenu les rebelles, exilé à Vannes pendant quinze ans.
La révolte des Bonnets rouges, circonscrite et brève, mais d’une extrême violence, va laisser des séquelles durables dans la province et en particulier dans la région de Carhaix, laquelle allait se distinguer lors de la Révolution par sa sympathie pour les républicains et son anticléricalisme.
Source: www.herodote.net
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