Raymonde Peschard dite Taoues, ou l’histoire d’une battante
Le 26 novembre 1957, à 4h du matin, un important contingent de l’armée française a été déployé au nord-ouest de Medjana, dans la région de Bordj Bou Arréridj. Les services de renseignements français avaient reçu des informations sur le passage d’un groupe de personnes escortées par des hommes armés, qui ne sauraient être que des membres de l’ALN.
L’opération, menée par le Lieutenant-colonel Fagalbe, commandant le quartier nord du secteur Hodna ouest, s’est soldée par un accrochage vers 10h avec le groupe en question, au lieu-dit Draa Errih, dans le djebel Tafartas, dans l’actuelle wilaya de Bordj Bou Arréridj. Le groupe qui venait de la wilaya III, traversait la région à destination de la Tunisie. Les échanges de tirs qui ont duré une bonne demi-heure ont fait trois morts et 9 prisonniers. Parmi les victimes, on a identifié le corps du Docteur Belhocine, étudiant et Si Arezki Oukmalou, commissaire politique du FLN dans la wilaya III, ainsi que le corps d’une femme en tenue militaire morte les armes à la main. Un fait qui a surpris les militaires français.
Mais c’est l’identification de ce corps qui les surprendra encore, car il s’agissait bel et bien de la militante communiste Raymonde Peschard, recherchée depuis plusieurs mois, après avoir rejoint les rangs du FLN, surtout qu’elle est suspectée d’être la complice de Fernand Iveton, accusé d’avoir planifié l’attentat manqué qui a ciblé l’usine à gaz du Hamma à Alger. Selon la Dépêche de Constantine du 29 novembre 1957, la nouvelle de sa mort a été tenue secrète jusqu’à son identification officielle par les experts grâce à ses empreintes digitales.
Tous les médias coloniaux de l’époque ont consacré de longs articles à ce qui a été considéré comme une grande opération de l’armée française au vu du parcours atypique de Raymonde Peschard. Bien qu’elle soit née dans le quartier de Saint-Eugène à Alger, le 15 septembre 1927, Raymonde Peschard a longtemps vécu à Constantine.
Une ville qui l’a adoptée et où elle avait travaillé comme assistante sociale à la société Electricité et gaz d’Algérie (EGA, actuelle Sonelgaz), dont le siège se trouve toujours dans le quartier du Coudiat. Militante des jeunesses communistes puis du parti communiste algérien dans les années 1940, elle a rejoint les rangs du FLN en 1956, avec Fernand Iveton. Après l’arrestation de ce dernier, elle monte en avril 1957 au maquis dans la wilaya III, englobant la région de la Kabylie où elle sera connue sous le nom de Taoues.
Dans son livre «Avoir 20 ans dans les maquis» (Editions Casbah 2005), Djoudi Attoumi écrit à la page 142 : «Blessée et capturée, elle ne pouvait supporter de voir ses frères, le docteur Belhocine et Oukmalou Arezki, achevés sauvagement. Devant les corps allongés de ses frères de combat, et malgré ses blessures, Raymonde trouvera le courage de déverser sur les soldats un flot d’injures, les traitant de sauvages, de barbares et de nazis (…). Un officier lui logera alors une balle dans la tête…».
En hommage à cette femme courageuse, une rue a été baptisée en son nom dans le quartier du Coudiat à Constantine. Dans cette rue se trouve encore le siège de l’ex-EGA où elle avait travaillé, et qui deviendra celui de la direction régionale de la société de distribution de l’électricité et du gaz (SDE) filiale de Sonelgaz.
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