Déesse d’origine orientale et phénicienne, Tanit est assimilée à nombre de ses paires, de diverses civilisations. Chez les Berbères, elle s’appellerait Tinnith qui serait son nom originel; d’ailleurs, son signe (symbole) se trouve également en Algérie.
Le culte de la déesse Tanit a pris le plus d’ampleur à Carthage, la Cité fondée par des Phéniciens (vers l’an 860 avant J. – C.). Ayant quitté Tyr (sud du Liban), ils ont débarqué dans cette partie nord-africaine de la Tunisie actuelle, ramenant leur savoir, leur maîtrise de la navigation, mais aussi leurs croyances et leurs divinités dont Baal et Astarté. Toujours est-il que c’est Tanit qui est apparue comme une divinité africaine avec des influences phéniciennes. L’une des inscriptions : tnt–strt (Tanit-Astarté), découvertes à Sarepta (village de Sarafand au Liban), le confirme. Il en est de même avec celle-ci : « A la grande Tanit et à notre Seigneur et maître Baal-Hammon ».
Un relief à Ouargla
Quant au signe de Tanit, il est figuré dans des stèles, dans un sanctuaire archéologique sur la colline d’El Hofra à Constantine. Dans le Sud d’Algérie, il orne en relief les sept portes de la ville de Ouargla, le seuil de toutes ses maisons où il est nommé Lam Alif (les deux lettres de l’alphabet en arabe, L & A). Ce symbole est-il une adaptation par les autochtones ? Il semble être le sceau de l’ancienneté de la grande oasis. L’auteur Jean Delheure note que ce dessin renvoie à une « analogie avec le digramme joint de l’arabe, mais renversé ». Le père missionnaire Denys Pillet, lui, l’interprète comme la reconnaissance à Dieu. D’autant que le mot LA (en arabe) se trouve dans le témoignage (chahada) : Il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu. Il est également observé que Lam Alif est accompagné de la date de construction et dans son rond, un ustensile y est incrusté (bol, soucoupe ou assiette) par les habitants comme pour signifier l’établissement d’un nouveau ménage.
Rituel du mariage
Mère protectrice, symbole de la maternité et de la fécondité, Tanit est symbolisée par un triangle, surmonté d’un trait horizontal dont les extrémités sont relevées, et sur lequel repose un cercle. Cette déesse serait également une ogresse, assoiffée du sang des enfants qui lui sont sacrifiés. D’après l’historienne Monique Zetlaoui, les pouvoirs attribués et le culte qui est rendu à Tanit, surnommée la Dame de Carthage, « sont encore sujets à discussion ». En revanche, « historiens et chercheurs s’accordent pour voir en elle la déesse protectrice et tutélaire de la capitale punique » et sur « la signification et l’orthographe de son nom, son origine, sa personnalité ». Son culte ne se limite pas à Carthage, il se retrouve dans tous les comptoirs puniques, en particulier à Chypre, Malte et à Ibiza en Espagne où il y a une abondance des « signes de Tanit ». C’est dire son influence dans tout le Bassin méditerranéen, au moins. Si elle est assimilée à Astarté chez les Phéniciens, elle est Ishtar chez les Babyloniens, Innana chez les Sumériens, Vénus chez les Romains, Aphrodite chez les Grecs, Isis chez les Egyptiens, Anaïtis chez les Libyens, Dercéto chez les Syriens, et Mylitta chez les Chaldéens d’Assyrie. Ogresse ou pas, elle est, au jour d’aujourd’hui, « très présente dans l’inconscient collectif », selon Monique Zetlaoui. Preuve en est que l’évocation de Tanit fait même partie du rituel du mariage en Tunisie, connu sous le nom de Jelwa.
Mohamed Redouane
Sources
- Sites Libanvision ; religions-histoire.
- La légende de Carthage de Azedine Beshaouch (Ed. Gallimard, 1993).
- Repères pour l’histoire de Ouargla 1872–1992 de Denis Pillet.
- Vivre et mourir à Ouargla de Jean Delheure (Sela, 1988).
- Image: musée archéologique de Catalogne, Barcelone.