Ecrit et chanté par Houari Hanani d’Oran, le texte S’hab el baroud n’est nullement un éloge aux cavaliers qui pratiquent le rituel de la fantasia, encore moins une chanson festive de raïmen.
Créé dans le contexte, et en marge de la célébration du centenaire de la colonisation française, en 1931, le poème n’est pas une simple dénonciation de l’ordre établi ou une simple prise de position. Son auteur interpelle la conscience populaire, appelant clairement à la prise des armes : « Les partisans de la poudre / Les partisans de la poudre et de la carabine / Ils portent la poudre / Et ont allumé la mèche… ».
Houari Hanani chante en arabe populaire, ce qui est facilement accessible au commun de ses pairs, il déclame son amour pour sa patrie, sa bien aimée, il attend d’elle la guérison du mal qu’il subit, celui de la colonisation. Il souhaite : « Plus personne ne colonise / La terre et le peuple / Après cent et un ans… ». Autant que d’autres durant toute présence coloniale en Algérie, le chant S’hab el baroud décline aussi la parole de l’opprimé. Il met en évidence l’âme d’un peuple colonisé. Son signataire devient de fait le porte-parole de ce peuple et de sa résistance. Il se permet même une mise en garde à l’encontre de celle qu’il aime, tant il est convaincu que seule l’action armée expulsera l’envahisseur : « Prend garde si tu ne viens pas / Toi qui as une armée / L’incapable est comme le peureux / Elle paraît bien disposée… ». Les larmes du poète populaire se transforment en outils de résistance : des carabines, des épées, la poudre comme unique réponse effective à l’occupation. Pour l’universitaire Hadj Meliani d’Oran, « dans la société colonisée, la chanson rencontre aussi la politique ». Dans S’hab el baroud, Hanani chante « les vertus et le courage, la fierté et la bravoure lors des combats contre l’armée coloniale ». Quand le poète ressent que la mère aimée et aimante subit sa perte, il se retourne vers elle. Il doit à tout prix la récupérer, sachant qu’elle est sa seule référence : « Ton nom est Liberté / Et tu m’es très chère / Prunelle de mes yeux / Et le cœur est brisé… ».
Auteur aussi du texte Haj Guioum (Guillaume II, empereur d’Allemagne), Houari Hanani, l’enfant du quartier d’El Hamri, n’a pas échappé aux geôles coloniales. Il est cependant reconnu comme un pionnier de la chanson oranaise moderne. Malheureusement, S’hab el baroud sera repris par des raïmen dans une version dénaturée, faisant de ce poème une chanson d’amour et de divertissement. D’après le parolier Mekki Nouna, également président de l’association de la culture traditionnelle oranaise, « Hanani a su, par sa plume, fustiger les forces coloniales ». Véritable chant révolutionnaire, S’hab el baroud mérite incontestablement d’être classé dans le patrimoine national, afin d’être apprécié à sa juste valeur.
Mohamed Redouane
Bibliographie:
- Production Averroes, film de Amine Beloud : S’hab el baroud, une œuvre de Houari Hanani, chant interprété par Hamza Abbar dans Youtube
- Article Un 5 juillet, un centenaire, et un appel au soulèvement : Il était une fois Hanani Houari le poète résistant par Abdelkader Arrouche dans oranais.com
- Image : Cavalier arabe algerien en équilibre, Photo du XXe siècle, Ministère Agriculture – Alger 1988 XXe siècle.
2 commentaires
vous oubliez aussi la troupe musicale nationaliste de ville nouvelle Oran, s’hab el baroud wa el karabila des années 30-40, du chanteur Dader le père de Ahmed wahby.
J’adore l’Algérie, son peuple , son combat contre la colonisation! Vive l’Algérie!