Au-delà des noces, de nombreux gestes rituels viennent se greffer à la cérémonie du mariage, marquant l’introduction d’une nouvelle arrivée dans l’espace familial. Ces rituels se jouent principalement sur le seuil de la demeure qui accueille la jeune mariée pour sa première entrée.
Ces pratiques, liées à des superstitions ancestrales, sont des signes d’agrégation, de soumission, mais aussi des vœux de fécondité et de solidité du couple.
Le plus commun des rites encore observé en Algérie consiste pour la mariée à sortir en passant sous le bras de son père. Un geste qui signifierait qu’il consent et qu’il bénit cette union.
Bien avant l’apparition des cortèges de voitures pour ramener la nouvelle mariée, celle-ci était transportée à dos de bête. Mulet, cheval, chameau… selon les régions et selon les moyens aussi. La procession est parfois codifiée, de sorte que des chants particuliers accompagnent la mariée, ou au contraire, le chemin doit se faire dans un silence §§§
L’époux n’est pas toujours autorisé à être de la partie. Généralement, on charge un ami ou un membre de sa famille, ou plusieurs de ramener l’épouse. Et, à Ouergla par exemple, l’usage voulait que la mariée ne touche pas le sol de ses pieds. Et devait donc être portée de la maison de son père vers l’animal, puis de celui-ci vers sa chambre nuptiale.
Lorsque la mariée arrive à bon port, elle est accueillie par sa belle-mère qui lui tend un verre de lait et des dattes, ou un morceau de sucre qu’elle doit garder en bouche jusqu’à son entrée. Ces gestes sont un gage de bonne entente entre les deux femmes.
Dans certaines régions, la belle mère défait sa ceinture, se met avec le jeune couple et s’entoure de la ceinture et les poussant vers l’intérieure de la demeure, en signe de protection et de bénédiction.
A Ouergla, la jeune femme est déposée dans sa chambre nuptiale, puisqu’elle ne doit pas fouler le sol. Au seuil, elle touche de la main droite le linteau de la porte extérieure et celui de sa chambre, un geste orienté vers les esprits bienfaisants du foyer.
Ailleurs encore, à son arrivée, on demande à la mariée d’écraser un œuf de son pied droit, ou d’appliquer sa main trempée dans l’huile ou le beurre sur le seuil de la porte. Il s’agit là d’un bon augure de fécondité.
A Constantine, le doyen de la famille, vêtue d’un burnous, accueille la mariée et l’entoure d’un pan de son habit pour lui montrer qu’elle est désormais sous sa protection. Puis on guide la jeune femme et on l’installe. Sa belle-mère lui place aussitôt sur les genoux un plateau où sont posés une galette de pain maison (khobz eddar), ronde et joliment décorée, un bouquet de persil, une grosse poignée de dattes fraîche ou du sucre, ainsi qu’une clé mâle (aux bords non découpés). Le pain contenant de la levure est signe de fixation dans le foyer, le persil relève de la fécondité, alors que les dattes et le sucre renvoient à la bonne entente et la clé à la confiance.
Par ailleurs, la belle-mère asperge d’eau de fleur d’oranger (avec un m’rache) le pied droit de sa belle-fille au dessus d’une bassine avant de l’essuyer. Ce geste renvoie d’une part à l’acceptation de cette union par la belle-mère et, d’autre part à sa volonté de voir sa belle-fille sous sa domination.
A Tlemcen, lorsque la jeune femme arrive, entièrement voilée de son haïek, on l’installe au centre des invités, on maintient son voile au dessus de sa tête (tenu par des jeunes filles en général) et par-dessous, une femme lui change de chaussures, finit de la maquiller, notamment en mettant du rouge en rond sur les joues. On remplie ce rond de petits points blancs (à l’aide d’une crème) et on fait de même sur les lèvres, pour lui souhaiter une abondante progéniture. Elle restera la tête baissée et les yeux fermés sous son voile en attendant l’arrivée de son époux en signe de soumission.
Ailleurs, lorsqu’on installe la mariée, on la fait se relever et s’assoir sept fois, pour qu’elle reste le plus longtemps possible chez elle.
A une autre époque, le mariage était célébré durant sept jours et sept nuits. A ce terme, on retrouve l’épisode de la m’hezma. A l’Est, un cousin du marié, un premier-né nommé Mohamed met la ceinture à la mariée. Désormais, son statut d’épouse est officiel. A Tlemcen, ce jour-là, la jeune femme habillée du caftan, se voit rajouter le hzam et la fouta.
Jusqu’à aujourd’hui, une mariée n’accomplit aucune tâche ménagère avant le septième jour. Chez certains, le jour du sbou ou sabaâ, sa belle-mère lui donne à pétrir une pâte. Désormais, elle peut entamer sa nouvelle vie de femme mariée.
Depuis quelques décennies, les cérémonies de mariage sont, dans la majorité des cas, organisées dans les salles des fêtes. Principalement dans les grandes villes. Et même si on continue à accomplir certains rituels, notamment ceux du seuil- celui de la salle prend le dessus- il est évident que de nombreux gestes tendent à disparaitre à tout jamais des traditions et donc des mémoires.
Ces rituels qui semblent totalement désuets au demeurant, sont cependant une part de nos traditions ancestrales et révèlent la candeur et la simplicité de nos aïeux.
Zineb Merzouk