Pourquoi Ibn Khaldoun n’a pas visité les Djeddars ? Par Farid Ghili

Pourtant ces monuments funéraires se situent à quelques kms seulement des grottes de Taoughzout, où il a passé quelques années à rédiger son ouvrage monumental: « El Mouqadima ».

C’est en citant l’auteur arabe, Ibn er-Rakik, un chroniqueur du Xe siècle, qu’ Ibn Khaldoun dans son « Histoire des Berbères », mentionne trois de ces monuments (13 au total ), près de Frenda(Tiaret). Pour quelqu’un qui s’est attaché à vérifier ses sources, et reproché aux historiens arabes de se suffire de rapporter, c’est plutôt moyen comme agissement.

Pour tenter de comprendre ce qui nous autorise à jeter cette (petite) pierre à un homme catégorisé, historien , géographe, anthropologue et sociologue entre autres, il est utile de souligner qu’Ibn Khaldoun était aussi, un diplomate, un homme politique et de cours. Sa vie papillonnante, à l’image de son époque, agitée et frénétique, le mène de voyages en intrigues. Cette itinérance le conduit au hasard des incessantes révolutions de palais et des guerres civiles inter dynasties du Maghreb, entre sérails des sultans et oubliettes des palais. Ibn Khaldûn s’installe notamment, à Tunis, Bejaia, Fès, Grenade et Tlemcen.

C’est en fuyant Tlemcen, qu’ Ibn Khaldoun, après (encore) avoir offensé voire trompé, Abou Hammou Moussa II, en désobéissant aux ordres du souverain Zianide, de recruter des mercenaires des tribus Douaouda et Riah fixées à Biskra, qu’il trouva opportunément refuge, à la Qalaa des Beni Salama, sous la protection des Ouled Arif (une Qalaa située à quelques dizaines de mètres seulement des fameuses grottes de Taoughzout).

Ibn Khaldoun rompu aux manœuvres politiques, savait que son sursis était dû uniquement, à l’égide protectrice de Wazammar, grand chef de la tribu Arabe, allié circonstanciel de Abou Hammou Moussa II. Néanmoins, son statut de « protégé » ne le mettait pas à l’abri des représailles d’un souverain tlemcenien, décidé à le punir, dés qu’il sortirait des terres de Wazzammar, en l’occurrence Taoughzout.

C’est sans doute cette menace permanente de Abou Hammou Moussa II, et conséquemment la privation de déplacement, qui semble être un motif valable, d’empêchement pour notre fugitif, de découvrir en personne, les monuments funéraires (Djeddars ) et corollairement, ces mystérieux royaumes berbères méconnus, notamment du prince Masuna, faute d’écrits.

Farid Ghili

Image à la Une : Photographie de Yann Arthus Bertrand

Articles similaires

Les Djwadjla et le commerce du pain, à l’époque Ottomane

Quelle histoire tragique se cache derrière le palais Dar Aziza ?

Oum Hani, de princesse à guerrière