Abbès Laghrour est né le 26 juin 1926 à Thamayoureth, au douar de N’sigha près de Khenchela. Issu d’une famille très pauvre, son père était propriétaire éleveur-agriculteur. Abbès fréquente l’école coranique et va à l’école française où il obtient son certificat d’études primaires.
Il organise la manifestation du 8 Mai 1945 à Khenchela où le drapeau Algérien est hissé pour la première fois par Athmani Tjani qui deviendra l’un de ses principaux adjoints.
Dès 1946, il adhère au PPA-MTLD. Il active auprès du militant Brahim Hannachi, responsable régional pour les Aurès. En parallèle, Abbas Laghrour entre dans la vie active. Comme huissier d’abord, avant d’être cuisinier chez le gouverneur de la ville de Khenchla. Mais au bout de quelques temps, les autorités locales découvrent ses activités au sein du PPA ce qui lui vaut d’être licencié. Cette injustice, loin de le décourager, va renforcer ses convictions nationalistes.
Pour dissimuler son activité politique, Laghrour ouvre une boutique de fruits et légumes au marché public de la ville. L’échoppe devient très vite un lieu de rencontre pour les militants qui y tiennent leurs réunions clandestines. Parmi eux, Chihani Bachir, responsable du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD) au niveau de Batna. Laghrour est rapidement nommé responsable de la kasma (cellule) du parti à Khenchela. Il fait parti des organisateurs de la marche de protestation de 1951, à laquelle participent de nombreux jeunes de la ville. L’objectif de la manifestation est de dénoncer la situation dramatique vécue par peuple algérien. Parmi les revendications les plus importantes exprimées par les manifestants figure la lutte contre le chômage et la fourniture de pain. Ces revendications seront, par la suite, soumises aux autorités françaises. Ces dernières procèderont à plusieurs arrestations, dont Abbès Laghrour qui passera 3 jours en prison. Suite aux sévices qu’il subi, il contractera une maladie pulmonaire qu’il est contraint d’aller soigner à Batna, pris en charge par le parti. Après sa guérison, il retourne à Khenchela poursuivre clandestinement son activité politique
En compagnie de Mustapha Benboulaïd, Adjoul Adjoul et Grine Belkacem, Abbès Laghrour participe aux préparatifs du déclenchement de la Révolution dans la région des Aurès. Il dirige les groupes chargés de lancer les attaques au cours de la nuit du 1er novembre 1954, notamment celle de Khenchela.
En bon meneur d’hommes, il est nommé à la tête de la zone I, pour succéder à Ben Boulaïd après sa mort. Il mènera plusieurs combats face à l’armée française, avec courage et abnégation. On le retrouve dans les batailles d’El Djorf, Asfour, Laâmra, l’embuscade de Tafassour, où il s’affirme comme un génie de la guerre subversive. Le « Giap algérien » (d’après Henri Alleg) est celui qui a infligé le plus de dégâts à l’armée française entre novembre 1954 et juillet 1957. De Bigeard à Château-Jobert en passant par Vanuxem et Clostermann, tous les militaires français reconnaitront unanimement la bravoure du « seigneur des Némemecha ».
Mais sa mort demeure entourée de mystère. Les biographies de Abbès Laghrour s’arrêtent subitement sur ses faits d’arme sans citer les détails de sa fin. Rares sont les sources qui évoquent son arrestation et son exécution par le CCE (Comité de coordination et d’exécution).
Salah Laghrour, frère de Abbès, dans son ouvrage « Abbès Laghrour du militantisme au combat », explique que le responsable de la zone I s’était rendu en Tunisie pour rencontrer les responsable du FLN et connaitre les résolutions du congrès de la Soummam. Lors d’une réunion avec les différents chefs de la wilaya I, une fusillade éclate, Abbès Laghrour et ses compagnons sont arrêtés par les autorités tunisiennes, puis remis au CCE (Comité de coordination et d’exécution) qui les condamne à mort. Les raisons de cette condamnation sont mystérieuses, puisqu’on évoque son opposition au congrès de la Soumam, entre autres. Salah Laghrour pense que le CCE était infiltré par des agents des services français, probablement pour se débarrasser d’un adversaire jugé trop fort. Peut être que les luttes pour le pouvoir avaient déjà commencé, tout simplement. Cette partie de l’histoire, comme beaucoup d’autres, n’a pas encore livrée tous ses secrets.
Quoi qu’il en soit, Abbès Laghrour est exécuté le 25 juillet 1957. Sa dépouille, ainsi que celle de Abane et une dizaine d’autres combattants de l’ALN, sera rapatriée sous l’ère de Chadli, en 1985. Il repose aujourd’hui au carré des martyrs du cimetière d’El Alia.
Synthèse K.T.
Sources :
- « Abbès Laghrour : Un héros peu connu », par Salah Laghrour. Contribution dans Le Courrier d’Algérie, le 8 juin 2010
- Salah Laghrour : « Abbès Laghrour du militantisme au combat », Chihab éditions, Alger 2014