« Un conte merveilleux, Dieu le rende plaisant.
Qu’il le rende semblable à un galon de soie »
Il était une fois, une femme mariée à un homme cruel. Dès qu’un bébé voyait le jour, il l’égorgeait au grand désespoir de sa femme. Un jour, il partit pour un long voyage. Pendant son absence, son épouse mit au monde un garçon et l’éleva deux années durant, avec soin et amour. Quand elle apprit le retour de son mari, elle le confia à sa voisine en lui faisant promettre de garder le secret. Cette dernière, ne pouvant avoir d’enfants, accepta avec joie.
L’enfant grandissait et avait coutume de jouer devant chez lui. Dès qu’il voyait le voisin (qui se trouvait être son père) apparaître, il lui disait : » Que le salut soit sur toi, Ô mon père ». Intrigué, l’homme regardait, puis passait son chemin; et il en fut ainsi tous les jours que Dieu faisait. A la fin, excédé par cet état de fait, l’homme en fit part à sa femme, et la chargea de dire à la voisine, que si le garçon persistait à lui souhaiter la bienvenue et à l’appeler père, il le tuerait.
Malgré la mise en garde de sa mère adoptive, l’enfant récidiva. L’homme entra dans une violente colère. Craignant alors que son mari ne mette la menace à exécution. La vraie mère prit son fils sur son dos et abandonna son domicile. Puis elle marcha longtemps…
La nuit surpris les marcheurs, alors qu’ils se trouvaient au bord de la mer. La femme, vit au loin une belle et grande maison, elle s’en approcha et y pénétra… C’était là un vrai château ! Elle y trouva un vieil ogre, qui fort heureusement se trouvait agonisant, après avoir dévoré tous les habitants… Elle attendit qu’il rende l’âme, puis le traîna au bord de l’eau et le poussa dans les flots. Elle prit alors possession des lieux, et vécu heureuse avec son garçon.
les années passèrent, le garçon s’était métamorphosé en beau jeune homme. Sans cesse, il demandait des nouvelles de son père; et sa mère lui répondait évasivement, car elle craignit qu’il apprenne la vérité. Néanmoins, il insista tant et si bien, que sa mère finit par satisfaire sa curiosité. Elle sortit de la maison et déclara : »Vois-tu ces champs qui s’étendent à perte de vue, ces gens qui y travaillent, ces bêtes qui y paissent? Et bien, toute cette contrée appartient à ton père : bêtes et gens! »
Émerveillé par cette nouvelle, le jeune homme interpella les paysans occupés à ramasser le blé : « Holà, braves gens qui travaillez chez mon père! » Les paysans levèrent la tête, mais ne répondirent point. Le soir, quand ils virent leur maître, il lui apprirent qu’un jeune homme les avait appelé. Le maître se dit qu’il s’agissait certainement de son fils disparu avec sa mère quelques années plus tôt. Il dit aux paysans :
« Demain, s’il renouvelle son appel, répondez-lui. » Et le lendemain, lorsque le jeune homme les appela, ils levèrent la tête et répondirent en cœur : « Nous t’écoutons »
– « Dites ceci à mon père : ma mère a abandonné avec moi le domicile conjugal. Dieu a veillé sur nous, et elle m’a construit un château au bord de l’eau ».
Le soir donc, les paysans transmirent le message à leur maître, lequel ne doutait plus de identité du jeune homme. Comment faire pour se débarrasser de ce garçon, dont il n’avait jamais voulu?!
-« Demain, quand mon fils vous appellera, vous lui répondrez ceci : puisque ta mère a abandonné le domicile conjugal, et qu’elle t’a construit un château au bord de l’eau, puisque Dieu a veillé sur vous il te faudra pour le château, des portes en bois d’ébène que tu iras chercher dans la montagne lointaine. Fais-le et prouve-moi que tu es un homme ! ».
Le lendemain, quand l’homme apprit que son père le soumettait à une dure épreuve, il eut beaucoup de chagrin; il se confia à sa mère qui lui dit :
-« Mon cher fils, ton père est un monstre, il veut se débarrasser de toi. Tu sais bien que le bois d’ébène est difficile à acquérir, la montagne recèle de beaucoup de danger.
Qu’à cela ne tienne. Par Dieu, je prouverai à mon père que je suis un homme, et je m’en vais! »
Il sella son cheval, et prit le départ pour la montagne… A suivre
Mira B.G
- Un conte adapté du Kabyle, par Ali Benmesbah, pour le recueil des « Contes algériens », de Christine Achour, et Zineb Ali-Benali