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LE 8 MARS ET LES MARTIENNES, par Chawki Amari

Journée internationale de la femme, le 8 mars version  2019 a surtout été celle des Algériennes, très présentes dans les manifestations, sport généralement réservé aux mâles, surtout les vendredis, jour généralement réservé aux hommes, sauf dans les hammams.

   Il fut un temps où l’on avait coutume de dire que la semaine algérienne comporte 6 jours et un trou, celui-ci étant le vendredi, où tout le monde tombe et s’ennuie, tout est fermé et il n’y a rien à faire. Ce qui est incontestablement la première victoire du Hirak contre le temps et les trous, le vendredi, il y a quelque chose à faire. Mais pourquoi le vendredi ? A l’indépendance, le 5 juillet 1962, un jeudi, le week-end reste calé sur l’universel, samedi-dimanche. 14 ans de réflexion plus tard, le week-end devient jeudi-vendredi sous la direction du célèbre conducator à moustache, Houari Boumediene, dont ce n’est pas le vrai nom, en 1976, l’année-même où il inscrit « Islam religion de l’Etat » dans la Constitution. 33 ans après, le 16 août 2009, un samedi, sous la conduite du Roi des réalisations, Abdelaziz Bouteflika, enfant spirituel du premier, le week-end devient vendredi-samedi. Seul pays au monde à avoir changé 3 fois de week-end, ces transmutations ont largement perturbé la population, qui ne sait plus quel jour il faut faire quoi. C’est vendredi que tout se passe, jour de prière collective, de prêches hebdomadaires dans les mosquées plus ou moins sponsorisés par le régime, jour de marché, de repos, de jogging ou de télévision, jour de hammam pour les femmes où ces espaces leur sont généralement réservés pour se laver des pêchés des hommes. Plus largement, le vendredi est le jour de la crucifixion de Jésus-Aïssa, le jour saint de l’Islam, el djoumou3a où tout le monde se réunit pour prier ou manifester, journée que les théologiens font correspondre au jour où l’homme et la femme (Adam et Ève) ont été créés, soit le sixième à partir du dimanche, al a7ad, le un ». Ce qui a posé un problème éthique entre Chrétiens et Musulmans : selon les premiers, Dieu a créé la Terre en six jour et le septième, il s’est reposé, un samedi, les seconds arguant que si un Dieu doit se reposer, c’est qu’il n’est pas un Dieu, quelque soit l’heure, avançant par ailleurs que la fin du monde aura lieu un vendredi après la prière d’el asr, soit par correspondance avec aujourd’hui, à la fin du Hirak d’un millionième vendredi, en tous les cas autour de 17h, heure à laquelle les policiers rentrent chez eux. Mais descendus du Paradis, à cause d’Eve selon les Chrétiens, par la faute de l’homme selon les Musulmans qui affirment qu’Adam aurait atterri en Inde, sa femme à Djeddah, dont le nom signifie « la grand-mère », pour se re-rencontrer, sur le mont Arafat. C’était il y a très longtemps. Plus proches de nous, en Algérie,  l’homme et la femme se sont approchés le 1er novembre 1954, un lundi, et se sont rencontrés le 8 mars 2019 à la rue Didouche, le 3ème vendredi après celui du 22 février. Ce n’était pas la fin du monde mais bien un début de quelque chose.

ULACH ZHAR ULACH

   Le 5 juillet 1962, jour de l’indépendance, est donc tombé un jeudi et le 5 octobre 1988 un mercredi, mais le 22 février 2019 est un vendredi. L’Histoire est souvent un concours de circonstances, comme la violente tempête d’Alger qui a fait fuir en 1541, un mercredi, la flotte de Charles Quint, le Roi espagnol bien décidé à prendre ce qui allait devenir El Mahroussa, la bien-gardée. Le régime d’Alger n’aura pas cette chance 478 ans plus tard, en 2019, temps de plomb congelé pour El Mahroussa où les manifestations sont interdites et le pouvoir sûr de lui, maître du temps et de l’espace. Il fait beau et hasard du calendrier adopté en 1582 par le pape Grégoire, d’où son nom de calendrier grégorien,  le 5 juillet et le 1er novembre 2019 sont tombés un vendredi en cette année 2019. Et surtout, le 8 mars, journée internationale de la femme, est aussi arrivé un vendredi. Pas de jours fériés donc, chômés et payés, puisque ces fêtes tombent pendant le week-end, mais une toute autre activité. Après les foules du 22 février et du 1er mars, des milliers de femmes descendent le 8 mars dans les rues. Pancartes, mots d’ordre non voilés, courage et détermination. Jour de pleine lune en ce début du printemps, jeunes, vieilles, voilées ou pas, grandes ou petites, mariées ou célibataires, scandent des slogans hostiles du régime pour une nouvelle Algérie libre et ouverte. La moitié de la population vient de rencontrer l’autre moitié dans une grande réconciliation pacifique sans incidents majeurs à part quelques rapides attouchements vite dénoncés par tout le monde, y compris les hommes. La politique n’est plus un sport masculin et le vendredi devient un jour de fête et plus seulement celui du prêche hebdomadaire, du mâle dominant qui cherche en claquettes un café ouvert ou celui des femmes au foyer qui en ont marre des émissions culinaires à la télévision. Un jour mixte, beau et moderne, lisse et doux, avec quelques rencontres qui ont abouti et fini par ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Des enfants très politisés bien sûr, filles ou garçons. 

MRA HACHAK

   La femme est une étrange créature, descendue du Paradis sur Terre selon les grandes religions monothéistes, donc logiquement d’origine extraterrestre. Martienne peut-être, en tous cas visible les 8 mars de l’année solaire, journée internationale de la femme, soit un jour sur 365,25, ce qui fait exactement 0,00273%. C’est peu et bien moins que les faibles 18% de femmes dans la population active d’Algérie, les 150.000 femmes d’affaires et entrepreneures pour 41,32 millions d’habitant(e)s, dont un peu plus d’hommes que de femmes, 104 garçons pour 100 filles à la naissance. La vie est injuste très tôt et les chiffres, il y en a plein, comme ces 7000 cas de violences faites aux femmes chaque année, peut-être à cause de la supériorité numérique à la naissance, ou ces 30% de femmes algériennes obèses, cette dernière statistique n’ayant à priori rien à voir avec la précédente. Plus sérieusement, le droit politique, c’est-à-dire le droit de vote, est obtenu par toutes les femmes algériennes dès l’indépendance en 1962 pour 1919 en Belgique, limité d’abord aux veuves et héroïnes de guerre, 1920 aux USA mais uniquement pour les femmes blanches, 1930 en Grèce mais seulement pour les élections municipales, 1932 au Brésil, 1934 en Turquie, 1944 en Bulgarie, 1946 au Japon, 1958 en Algérie française et 1962 à Monaco. En 1971 pour la  Suisse et 1974 au Portugal, 1975 en Espagne et 2011 en Arabie Saoudite. Ce qui ne signifie pas vraiment grand chose puisque l’évolution n’est pas linéaire mais suit des phases d’ouverture et fermeture, le recul de la femme algérienne au niveau social depuis les années 80 ayant été accompagné en parallèle par l’inverse, une plus grande représentation dans les institutions officielles, les entreprises et les prisons, et quotas obligent, il y a 5 femmes ministres aujourd’hui dans le nouveau gouvernement issu du Hirak et dirigé par un homme. Dont Kaoutar Krikou, que des médias continuent à appeler Kirikou, jeune ministre âgée de 38 ans et née un mardi, avocate qui a hérité du lourd poste officiel de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme algérienne. La femme algérienne est donc une condition. De quoi ? De réussite pour tout le monde.

LES PAPICHES ET LES TATAS

   Dihya la Kahina, Fatma N’Soummer, Louisette Ighilahriz ou Djamila Bouhired, elles sont nombreuses à avoir jalonné l’Histoire de leur courage, et aujourd’hui encore, de nouveaux noms féminins apparaissent, liés au Hirak, personnages marquants revendiquant l’héroïque héritage des Anciennes. Le 8 mars de l’année dernière, on a ainsi pu voir main dans la main, figures historiques et étudiantes revendiquant la même chose, du mieux, de l’air. Qu’on les appelle papiches, jeunes et coquettes, ou Tatas, femmes plus mûres et élégantes, deux termes pas forcément péjoratif, c’est ce mélange des genres qui a donné le célèbre 8 mars 2019 et généré avec le Hirak d’une manière générale, quelques victoires entres autres dividendes politiques ; La Coupe d’Afrique, pour les hommes, et les récents Césars du film Papicha, pour les femmes, œuvre sortie en 2019 et produit par l’Etat algérien mais toujours interdite en Algérie. Pourquoi ? Qui dit quoi ? Rien de précis, il s’agit de femmes, jeunes, en rébellion, un film sur les femmes réalisé par une femme, Mounia Meddour en l’occurrence, avec l’image et le son faits par des hommes. Pourquoi l’interdire ? C’est peut-être les réflexes et restes de l’ancien régime, celui qui a été démonté les vendredis de 2019. Femmes et hommes se sont-ils réellement réconciliés ce fameux vendredi 8 mars ? Est-ce une vitrine, un artifice et une superficialité non déterminante ? Ou un réel désir de vivre en paix, à égalité, match nul et balle au centre, qu’on sent chaque vendredi, peut-être un peu moins la semaine dans les furieux klaxons des embouteillages qui sont plus hargneux contre les femmes au volant. Mais les jours signifient forcément quelque chose : Le général Gaïd Salah est né un samedi dans les Aurès, Bouteflika est né un mardi au Maroc, son frère un mercredi dans le même pays. Le Général Toufik est né un dimanche à la Casbah, Zeroual un jeudi, Boudiaf un lundi, Chadli un lundi, Boumediene un mardi et Ben Bella un lundi. Le nouveau Président Tebboune est né un samedi et aucune femme n’étant directement au sommet du pouvoir depuis longtemps, on ne calculera pas le jour de la semaine de la date de sa naissance. Mais c’était la question du jour, pourquoi personne n’est né(e) le vendredi ?

Chawki Amari

Lien : Pour connaitre quel jour de la semaine tombe une date quelconque ou particulière, il y a un calculateur sur Internet :  https://www.ephemeride.com/calendrier/jour_semaine/80/quel-jour-de-la-semaine-tombe-une-date.html;jsessionid=11C302408913740CE24E2E5F07EA0B17?day=1&month=10&year=1954

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