Artiste contestataire, toujours proche des causes nobles, Matoub Lounès, l’artiste d’expression kabyle a été assassiné , sur la route menant de Tizi Ouzou à At Douala. Les conditions de ce meurtre, ont donné lieu à de multiples versions, sur cet acte criminel, qui n’a jamais été élucidé.
Matoub Lounès nait un 24 janvier 1956 au village Taourirt Moussa, en Kabylie. A neuf ans, il confectionne sa première guitare avec un bidon d’huile de moteur. Très influencé par Dahmane El Harrachi, à l’adolescence, il compose déjà ses premières chansons.
Entre 1963 et 1964, lors de la confrontation armée entre les kabyles et les forces de gouvernementales, il prend conscience de son identité berbère et de sa culture. Et lorsqu’en, en 1968, l’Etat entame la politique d’arabisation dans le système scolaire, Matoub se révolte en refusant d’aller à l’école, qu’il quitte d’ailleurs définitivement pour devenir autodidacte.
Il s’installe à Alger et fait une formation en mécanique à l’Institut de Bordj El Bahri.
En 1975, il reçoit son ordre d’appel pour le service militaire qu’il passe à Oran. Durant ces deux années, il est confronté au racisme et sa révolte grandit encore plus.
Une fois son service accomplit, il émigre en France pour trouver un travail. Il y anime des soirées dans des cafés parisiens particulièrement fréquentés par des kabyles et est remarqué par le chanteur Idir. Ce dernier le prend sous son aile et l’aide à enregistrer un premier album, « Ay Izem » (Ô lion). Le succès est au rendez-vous.
Et en 1980, pour la toute première fois, Matoub se produit dans une grande salle parisienne, l’Olympia, alors qu’en Algérie, le Printemps est berbère… Pour manifester son soutien aux jeunes kabyles sortis dans la rue, il monte sur scène vêtu d’une tenue militaire.
A partir de là, le ton est dit. Matoub Lounès devient un artiste contestataire. Il crie haut et fort ses positions et ses convictions. Contre le pouvoir en place, contre l’arabisation, contre la marginalisation de la langue tamazight, contre l’islamisme. Il devient également le porte-parole des plus faibles, dont les femmes algériennes. Il milite clairement pour la reconnaissance du tamazight en tant que langue nationale et officielle de l’Algérie.
Durant les années 90, alors que l’Algérie est à feu et à sang, il condamne ouvertement les terroristes islamistes et l’assassinat d’intellectuels.
Le 25 septembre 1994, il est enlevé par des terroristes du GIA (Groupe Islamique Armé). Tute la Kabylie se mobilise pour sa libération qui interviendra au bout de 15 jours. Cette même année, il publie Rebèle, un livre autobiographique pour lequel il reçoit le Prix de la mémoire, en France.
L’année suivante, en 1995, il reçoit le Prix de la Liberté d’expression au Canada.
« Si je peux choisir, je choisirai de mourir pour mes idées, en effet, mieux vaut mourir pour la liberté, la démocratie, et l’Algérie libre », dit-il alors qu’il sait qu’il est condamné à mourir, qu’il est en sursis. Il en est convaincu.
Quelques mois avant son assassinat, Matoub Lounès sort « Tabratt i lukem » (lettre ouverte au pouvoir). Dans un style chaâbi, il dénonce « la lâcheté et la stupidité du pouvoir algérien ». L’album contient aussi un Kassaman revisité par l’artiste, provoquant des réactions mitigées.
Le 25 juin 1998, alors qu’il est sur la route menant à At Douala, en Kabylie, et à quelques kilomètres de son village natal, Matoub Lounès est victime d’un attentat. Son décès a bouleversé la Kabylie, et même au-delà. Son enterrement draine une foule immense et toute la région est en émeute durant plusieurs semaines.
A ce jour, la vérité sur ce crime n’est pas encore connue.
En 20 ans, de 1978 à 1998, Matoub produira 28 albums, véritables poèmes révolutionnaires. Matoub a lutté jusqu’à la fin de sa vie, les mots et la musique à la bouche. L’une de ses plus belles citations : « Tant que dans mes orbites, mes yeux verront le jour, je serai à jamais aux côtés des victimes. Ni les dangers ni la mort ne m’en éloigneront. Je mènerai la lutte, à l’est comme à l’ouest, peu importe la langue de celui qui m’appelle. »
Zineb Merzouk
Sources :
https://fondationmatoub.unblog.fr/biographie/
https://www.amazighworld.org/studies/index_show.php?id=1710