Au Maroc, l’extase auditive ou le « Samâa » est une variante de la musique andalouse ou le mariage raffiné des répertoires hispano-arabes. Il englobe trois genres :
« Al Madih », des poèmes panégyriques qui constituent le fond commun à toute veillée religieuse même en dehors de la « Zaouia ». Ce sont des chants de louanges de Dieu et du Prophète ;
« Al Bourda » et « La Hamzia » que toute personne élevée dans la tradition musulmane peut entonner dans le rythme musical propre à sa région.
« Al Inchad » ou le chant individuel avec ou sans fond musical est donné par les plus belles voix de la confrérie, celles qui possèdent la plus large capacité vocale.
Nous avons été témoin de l’émotion vive de certains de nos invités occidentaux qui, bien que ne comprenant pas un mot d’arabe, ont néanmoins pleuré voire sangloté à l’écoute des chants mystiques.
« As Samâa » ou le raffinement d’un savant répertoire codifié. C’est une musique qu’on cultive avec élégance même chez les enfants au sein de certaines confréries comme Tijania, Boutchichia, Madkourya et j’en oublie. C’est une musique sacrée très raffinée qui allie les techniques du concert et du concerto. C’est suivant la région où se trouve la « Zaouia » qu’un ou l’autre des instruments est mis en exergue, cependant, les instruments à cordes ont une place de choix.
Il serait superflu d‘évoquer le rôle thérapeutique de la musique. Cette musique mystique procure détente et relaxation du corps et de l’esprit qui permettront à l’ego de lâcher prise afin d’intégrer le spirituel. Jalal eddine ar Roûmi, le créateur du « Samâa » – musique et danse cosmiques jouées jusqu’à nos jours par les confréries des derviches tourneurs –, l’avait qualifié de « prière ». À un des compagnons qui l’avait pressé d’interrompre « As Samâa » pour répondre à la prière d’« El Fajr » il avait répondu » : « C’est aussi une prière, toutes deux s’adressent à Dieu. Il veut l’une extérieure pour son service, et il veut l’autre intérieure pour son Amour et sa Connaissance ». Ibn Al Arabi, le grand maître soufi la qualifiait de « Mounajat » – appel intime à Dieu. Beaucoup d’occidentaux et des plus illustres se sont convertis à l’Islam en découvrant le monde féerique du soufisme et ce fut le cas de Eva de Vitray-Meyerovitch. Cette catholique, issue de l’aristocratie française et mariée à un juif, avait découvert l’Islam par le biais du soufisme auquel elle avait donné plusieurs définitions et avait conclu avec celle-ci : « Peut-être, pouvons nous, simplement définir le soufisme comme l’intériorisation vécue de l’Islam ».
Leïla Zouggari, – L’Amour Dieu ou le Soufisme – extrait : La musique et le chant comme viatique – éd , Lierre & Coudrier 1997
- Photographie : Démonstration de danse des derviches tourneurs au centre culturel de Sivas, en Turquie, https://www.geo.fr/