La ville de Sidi Bel-Abbès, née tardivement, vers les années 1835, a emprunté son nom à une légende. Un marabout marquera à jamais la région avec sa baraka.
Sidi-Bel-Abbès est un chârîf, c’est-à-dire un descendant du Prophète. Son grand-père Sidi-El- Bouzidi quitte La Mecque et vient s’installer à Aflou dans le Sud algérien. Il y épouse plusieurs femmes et vit jusqu’à l’page de 114 ans. A sa mort, il laisse 14 enfants. Parmi eux, Sidi-El- Bouzidi, qui porte son prénom. C’est un ulema (savant) qui enseigne dans la medersa de Tlemcen. Le fils de ce dernier, Sidi-Bel-Abbès naît marqué par le sceau du sacrifice et de la peine. En effet, vers l’âge de 25 ans, le jeune homme fait un drôle de rêve : une voix lui dicte : «Prends ton bâton et va porter la bonne parole aux tribus errantes de la plaine et de la montagne.» Les tribus en question sont celles de la pleine de la Mékerra : Amarnas et Ouled-Brahim, tribus arabes arrivées au Maghreb vers 1052 avec les Beni Hillal mais faisant partie de la confédération des Ma’qil.
Investit de cette mission divine, Sidi Bel-Abbès devient un personnage incontournable, un presque prophète. Tous les habitants de la région font appel à sa sagesse avant d’entreprendre une action, et partout où le marabout foule le sol, la prospérité et la paix règnent désormais en maîtres. Jusqu’au jour où le démon s’emmêle.
Un personnage, faux prophète et faux marabout, sort du néant et sème le trouble parmi les tribus à qui il ordonne de chasser Sidi Bel-Abbès qui est selon lui une malédiction divine. Pourchassé, ce dernier se réfugie dans la forêt de Messer au sud de la ville actuelle.
Du jour au lendemain, les pires calamités s’abattent sur la région. Epidémies et famines se succèdent au sein des tribus jusqu’à ce qu’un vieux réagissent et conseille vivement de retrouver Sidi Bel-Abbès pour se faire pardonner. Les Amarnas et les Ouled Brahim se disputent alors la mission de regagner sa sympathie et de lui construire une zaouïa digne de lui. Ce sont les second qui obtiennent la victoire d’accomplir cette mission, mais le saint homme refuse de les suivre malgré les moult suppliques. Dans un accès de désespoir, les envoyés des Ouled Brahim tentent de l’enlever mais Sidi Bel-Abbès leur échappe. Il se transforme en colombe et s’envole jusqu’à la colline nommée Si Amar qui domine le marais de la Mekerra. Il reste un moment perché sur un arbre avant d’en redescendre et de reprendre sa forme humaine. Il s’adresse à Bensalah, un berger de la tribu des Amarna, témoin de sa métamorphose et lui dit : « Malheur à toi si tu dévoiles ce que tu as vu ». Mais le berger ne saura pas garder ce précieux secret et le confiera à Sidi Djelloul Ould Malek, un compagnon du marabout, qui parviendra à le retrouver et à le convaincre de pardonner à ses persécuteurs.
Le saint homme revient parmi les siens et après une longue vie dédiée à adorer Dieu, vers l’année 1780, il sent sa fin proche et demande à contempler les marais garnis de roseaux. A cet endroit précisément, il a une vision céleste qui éclaire son visage. Il meurt juste après et est enterré dans une Qobba construite à l’endroit même où s’était posée la colombe des années auparavant. De cette Qobba naît la ville de Sidi Bel-Abbès.
Vers 1835, les premiers colons s’installent dans la région. Les français tenteront vainement de lui imposer un nom, celui de Napoléon Ville. Mais les tribus s’accrocheront toujours à leur marabout et à son nom donné à leur ville. Peut être par peur de le trahir et de revivre d’autres catastrophes comme de son vivant. Ou peut être simplement par reconnaissance et par respect pour sa mémoire.
Synthèse K.T.
Sources :
- « Sidi Bel-Abbès. Racontez-moi mon Petit-Paris », par A. M. Paru in Le Soir d’Algérie du 02/03/2009
- « Sidi-Bel-Abbès : Naissance d’une ville », par Georges Bensadou. In l’Algérianiste n° 75 de septembre 1996