Ces Kouloughlis qui ont servi la Régence d’Alger

Nul doute que l’existence du Kouloughli en Afrique du nord, en Tunisie et en Libye, principalement en Algérie, est intimement liée à l’histoire de l’autorité de l’empire ottoman. Son appellation – kuloğlu en langue turque – semble être péjorative : kul signifiant esclave ou serviteur, oğlu fils de. Elle renvoie à l’origine même de son père, le janissaire.  

  

Les Kouloughlis  constituent progressivement une population sur laquelle s’appuie le gouvernorat d’Alger. Ils ne sont ni une tribu, ni une ethnie, mais un groupe social. Groupe d’enfants issus du mariage mixte entre des janissaires, un corps de l’armée ottomane, et des femmes autochtones de localités algériennes. A Alger, le corsaire Kheïreddin (successeur de son frère Aroudj dans le combat contre l’expansion espagnole) se décide pour l’intégration du Maghreb au dit Empire, en 1518. Le sultan Selim 1er le nomme alors Beylerbey, le gouverneur général. Pour la nouvelle province ottomane du Maghreb, dont la capitale sera Alger, il lui envoie deux mille janissaires accompagnés de quatre mille volontaires. Deux ans plus tard, la ville défendue par le Turc Kheïreddin est administrée sous le statut de Régence. Déjà, les janissaires représentent une forte communauté de soldats d’élite. A l’origine, ils sont recrutés de force parmi les enfants de familles chrétiennes, dans les Balkans et dans le Sud de la Méditerranée, durant le XIVe siècle. Ils seront élevés à la culture turque et à la foi musulmane. Puis, ils seront affectés à l’armée, à un corps militaire créé en 1334.    

 

Janissaires 

Ils débarquent à Alger, non sans devoir obéir aux ordres du groupe des corsaires. Dans ce contexte, ils sont soumis, entre autres, à une politique restrictive du mariage. Ils ne peuvent pas rompre leur célibat, avant d’avoir quitté le service actif. Leur mariage avec des femmes locales peut engendrer des liens entre les membres de l’élite ottomane et la population algérienne. Cet aspect relationnel est appréhendé par l’administration du gouvernorat d’Alger comme une perte de l’identité turque. Sa volonté est de réduire ce risque, faisant la distinction entre les kuloğlu, fils des membres de la milice et des femmes dites indigènes, et les fils de ces mêmes membres, nés d’une union avec des femmes étrangères qui sont, eux, considérés comme de « véritables Turcs ».  

 

Une position de métis 

D’après l’auteur Pierre Boyer, « l’apparition, dans l’Histoire de la Régence, des Kouloughli en tant que groupe autonome est assez tardive. La première mention officielle qui en est faite date de 1596 », mais il fait aussi remarquer : « Encore n’est-elle pas très nette ». Il évoque ainsi la composante même du régime des Beylerbey qui est hétéroclite, elle a diverses origines : turque, kouloughli, renégat, arabe, soit des étrangers au Maghreb. Il note cependant : « Celui qui règne le plus longtemps n’est autre que le plus célèbre des Kouloughli, Hassan Pacha, fils de l’illustre Kheïreddin, fondateur de la Régence ». C’est dire qu’après la prise de la forteresse espagnole – le Penon –, en 1529 à Alger, l’arrivée des premiers janissaires et les premiers gouvernorats sous tutelle ottomane, deux générations, au moins, de Kouloughlis ont grandi. Perçus comme des métis, leur intégration au sein de l’élite turque, civile ou militaire n’est pas aisée. 

Leur évolution sera, inévitablement, marquée par moult conflits avec le pouvoir en place des Turcs, et ce, jusqu’à 1830, date marquant le début de l’occupation française.  Une nouvelle page d’histoire est alors ouverte pour ces Kouloughlis, notamment dans leurs rapports avec la résistance algérienne et en même temps la colonisation française. 

 

Mohamed Redouane 

 

Bibliographie: 

  1. La Régence d’Alger et le monde turc dans algerie-ancienne.  
  2. Le problème Kouloughli dans la régence d’Alger de Pierre Boyer. In: Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, n°8, 1970.   
  3. Les tribus privilégiées en Algérie dans la première moitié du XIXe siècle par Marcel Emerit.
  4. In: Annales. Economies, Sociétés, Civilisations. 21ᵉ année, N. 1, 1966.
  5. Illustration 1 représentant des kouloughlis d’Alger et d’Oran
  6. Illustration 2 représentant des Janissaires: https://uncyclopedia.wikia.com/wiki/File:Janissaries.jpg

  

 

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1 Comment

Wiss 7 juin 2020 - 14 h 31 min

Qui peut faire la différence entre l’origine du Turc et un OTTOMAN ? il y à une confusion chez les habitants de l’Afrique du Nord à faire la différence par ignorance

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