Extrait Revue 6 – Les Algériens dans la Seconde Guerre mondiale en France (1940-45)

Le second conflit mondial s’ouvre sur plusieurs épisodes dramatiques pour les Algériens vivant en France. Ouvertement racistes, les autorités allemandes s’attaquent aux Africains, qu’ils soient soldats ou travailleurs. On note plusieurs massacres commis par les troupes allemandes contre des soldats coloniaux, et ce dès les premiers jours de la défaite française, en juin 1940.

A Lyon, par exemple, des rafles visant les Algériens ont lieu, et ce quelques jours seulement après l’entrée des troupes ennemies dans le pays. Bien avant les communistes, les juifs, les tsiganes ou encore les homosexuels qui ont été particulièrement persécutés par le régime nazi, les ouvriers algériens, arrêtés par dizaines, figurent parmi les premiers prisonniers des camps.

«Ce furent des moments pénibles pour les Algériens de Lyon dont la peau basanée ne convenait guère aux nazis. Au dixième jour de l’occupation, diverses protestations faisaient état de rafles, on ne sait pas par qui et sur quel ordre elles furent perpétrées», décrit Philippe Videlier, historien lyonnais, dans un livre intitulé L’Algérie à Lyon, une mémoire centenaire, paru en 2003. De ces Algériens internés, on ignore quel fut leur sort. Les archives n’en disent rien, à l’instar des crimes racistes commis par les soldats allemands dès les premiers jours de la défaite française.

Les Algériens et Vichy, la résistance contre le fascisme

Le gouvernement de Vichy impose un régime discriminatoire en direction des juifs, en métropole, mais aussi dans les colonies, retirant la citoyenneté aux juifs d’Algérie. Le décret Crémieux de 1870, qui octroyait la nationalité française aux juifs d’Algérie, est abrogé le 7 octobre 1940.

En métropole, le nouveau régime tente de rallier la communauté algérienne à sa cause. Messali Hadj est contacté par les autorités mais refuse toute collaboration et est condamné, le 28 mars 1941, à une peine de travaux forcés. Il est ensuite placé en liberté surveillée à partir de 1944.

Le Parti du peuple algérien (PPA) est également interdit, dès lors les militants poursuivent leurs activités dans la clandestinité :«A l’automne 1942, le refus de Vichy et de fascisme a permis au PPA de capter les frustrations de la jeunesse et des populations exaspérées par la misère et l’arbitraire. Les conditions ont été créées pour un rejet du régime colonial, d’autant plus odieux que la France avait été vaincue, occupée, pillée et humiliée par l’Allemagne.[1]»

Une partie des Algériens s’engagent de manière individuelle ou collective au sein des réseaux de résistance au fascisme qui se forment en France, des parcours pourtant oubliés de la mémoire collective. C’est le cas de Salah Bouchafa, ouvrier algérien né à Constantine en 1903, un militant communiste qui vit à Paris lorsque la guerre éclate. Membre fondateur de l’ENA, il dirige dans les années 1930 un journal, le Réveil colonial, publié en arabe, et préside, en 1937, la Ligue de défense des musulmans nord-africains. Refusant la défaite, il entre en résistance au début de l’année 1941. Il est arrêté en 1943, déporté et meurt au camp de Dachau en avril 1945.

Plus connu, le parcours de résistant de Mohamed Lakhdar Toumi est impressionnant. Né à Tiaret en 1914, il entre aux Jeunesses communistes en Algérie et poursuit son engagement militant à Paris où il émigre en 1936. Sous l’occupation, il entre dans l’organisation spéciale du PCF clandestin, pratique le sabotage et vit dans la clandestinité. Il est arrêté par la Gestapo en 1943 et est torturé puis envoyé au camp de concentration, notamment à Dachau, en 1944, dont il sera l’un des rares rescapés du camp. Habité par les principes de liberté, il rentre en Algérie à la fin de la guerre pour mener la lutte pour l’indépendance.

Ces dernières années, on comprend davantage le rôle joué par certaines mosquées en France dans la protection des juifs, notamment d’enfants, en fournissant de faux certificats de conversion à l’islam afin de leur éviter la déportation dans les camps. C’est le cas des mosquées de Paris et de Lyon.

Rappelons qu’à l’instar des Français, des Algériens ont aussi collaboré avec le régime nazi. Des Algériens sont aussi enfermés dans des camps de concentration et de travail, en France et en Allemagne, environ 60 000 prisonniers au plus fort de la guerre.

8 mai 1945 : libération pour les Français, répression pour les Algériens

A nouveau, la France va massivement faire appel à l’armée d’Afrique, qui compte plus de 320 000 soldats maghrébins, pour se libérer. En échange d’une promesse de plus d’égalité, les tirailleurs et saphis algériens sont amenés sur les champs de bataille les plus meurtriers. En Tunisie, en Italie, en France où les soldats algériens vont libérer de nombreuses villes, jusqu’en Allemagne où ils vont se battre jusqu’à la libération, leur courage et leur endurance vont à nouveau se distinguer au combat.

Néanmoins, l’armistice, signée le 8 mai face à l’Allemagne battue et occupée, laisse un goût amer pour les troupes algériennes qui rentrent au pays. L’annonce de la sanglante répression dans le Constantinois, à Sétif, Guelma et Kherrata suscite la schizophrénie chez ceux qui ont farouchement lutté au nom des idéaux de justice et de liberté. Un traumatisme qui a aussi pour effet une prise de conscience pour les Algériens.

Rouvrant brutalement la page du nationalisme algérien, en sommeil durant la Seconde Guerre mondiale, les militants indépendantistes comprennent désormais que la liberté est au bout du fusil.

Rafika Bendermel

[1]Simon J., Algérie: le passé, l’Algérie française, la Révolution, 1954-1958, France, L’Harmattan, 2007, p.146.

Image à la Une : A French Algerian soldier guards captured German troops at Ste Marthe, southern France, August 1944 – https://www.bbc.com/afrique/region-53279664

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