Incursion dans une demi-seconde de vie et 30 mm de pellicule.
Et puis je vais chercher des gens, comme moi, complètement inconnus par eux, qui ont tenté de lire et de saisir le message des six acteurs du déclenchement du 1erNovembre 1954.
De la nécessité de rester digne
Hellal Zoubir est artiste. Il est né à Sidi Bel Abbès et a étudié à l’Ecole nationale des beaux-arts d’Alger. Il appartient à cette génération qui a vécu la colonisation. Même s’il était encore jeune. Son frère est monté au maquis. Et n’en est pas revenu. Hellal Zoubira vécu à la Casbah, Sidi Bel Abbès, à Oran. Tantôt chez eux. Tantôt chez la famille. Départ obligé pour protéger la famille de l’OAS. Accueil difficile quand il faut nourrir plusieurs bouches.
La photo des six évoque beaucoup de choses pour lui. Une époque qu’il a traversée. Un rappel de leur propre histoire de famille. Une ambiance. «Mais le costume c’était la tenue de rigueur à l’époque», répond-il.Mohamed Boudiaf, Didouche Mourad, Ben Boulaid, Rabah Bitat, Krim Belkacem et Larbi Ben M’hidi portent tous le costume. Seul Larbi Ben M’hidi ne porte pas la cravate et sa chemise est ouverte au premier bouton. «C’était la misère mais il fallait rester digne. Il fallait se montrer digne devant les Français. Les chaussures étaient toujours bien cirées. Si vous saviez les efforts qu’ont faits nos mères pour nous envoyer à l’école. Nos vêtements étaient impeccables, nos ongles impeccables. Les cheveux de nos sœurs toujours bien tressés.»Il ne fallait pas montrer notre misère… En fait, nous étions pauvres, nous les Algériens. Pas misérables. Et c’est pour ça qu’on mettait le costume», poursuit Hellal Zoubir. Il sourit en disant cela. Il parle de l’abondance que nous, nouvelle génération, connaissons en Algérie. De l’Algérie. «Il ne faut pas croire que c’était facile pour eux (les six). Il ne devait pas y avoir beaucoup de familles qui leur offraient le gîte. Probablement qu’il devait leur arriver de dormir au hammam. Rester propre et rasé, ça devait être un exercice compliqué», songe l’artiste. C’est vrai que Krim Belkacem a une barbe de quelques jours. Il est le seul à avoir la barbe naissante. Tous ont l’air d’être rasés de près. Tous ont ce regard solennel.
Quand a été prise cette photo ? Ou a-t-elle été prise ? Par qui ? Pourquoi ont-ils décidé d’allerse faire prendre en photo ?
Rencontre des six acteurs
Les faits…Ils sont cinq hommes à avoir activé au sein de l’Organisation Spéciale (OS). Organisation qui résulte des malentendus au sein même du parti de Messali Hadj. Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M’hidi, Rabah Bitat, Didouche Mourad, Mostefa Ben Boulaid font partis de l’OS. Ils ne croient plus en l’action politique. Permettre aux algériens de «recouvrer» des droits ne peut plus passer par la voie du dialogue. «L’une des caractéristiques du changement perçu en cette année 1945 fut sans doute l’affirmation d’une identité collective qui remit en question la légitimité coloniale», écrit Ouanassa Siari Tengour dans L’Histoire de l’Algérie à la période coloniale. Elle poursuit : «La participation des Algériens aux manifestations de mai, avec l’organisation de cortège à part, traduisit bien cette volonté de s’approprier l’espace public, d’en faire le lieu de l’expression politique défiant toutes les interdictions.»
La roue est en marche depuis longtemps lorsque les acteurs de la Révolution décident de déclencher l’offensive. Ajouté à un contexte international en faveur de l’émancipation des peuples, la société algérienne s’insère dans une démarche politique. En effet, dès les années 30, des partis politiques se forment. Messali El Hadj, Ferhat Abbas respectivement pour le MTLD et l’UDMA. Le Parti communiste algérien est également bien inséré auprès de la population quand certains ne se sentent pas davantage en harmonie avec l’Association des oulémas musulmans d’Algérie. La société se politise donc mais les structure de partis ne sont pas toujours en harmonie avec les revendications citoyenne. Revendications de plus en plus insistantes et en décalage avec les chefs de partis. Neuf hommes suivent de très près le mouvement messaliste.
Larbi ben M’hidi, KrimBelkacem (en kabylie), Mohamed Boudiaf, Mostefa Ben Boulaid, Didouche Mourad, Rabah Bitat, Mohamed Khider, Ahmed Ben Bella et Hocine Ait Ahmed. Les divisions au sein du MTLD créent des fossés. Des vides. Et comme la nature a horreur du vide, des ententes vont se liguer à la recherche d’une troisième voie. C’est Mohamed Boudiaf qui sera à l’initiative de la création du CRUA en juin 1954. Ce Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action n’aura pas la vie longue. Quelques mois à peine. Une autre voie va se dessiner…
«Le FLN fut créé le 23 octobre 1954 au cours de la réunion du “Comité des six” à la Pointe Pescade, dans la banlieue d’Alger. Il était composé des membres du CRUA les plus favorables à l’insurrection immédiate (Ben Boulaid, Ben M’hidi et Boudiaf) auxquels s’ajoutait la délégation extérieure du MTLD (Aït Ahmed, Ben Bella et Khider)», écrit Malika Rahal dans L’Histoire de l’Algérie à la période coloniale. Elle poursuit : «Leur façon de penser, forgée au sein de l’Organisation Spéciale, était marquée par la conviction que la lutte armée permettrait seule d’aboutir à l’indépendance.»Et cela inclut également Didouche Mourad et Rabah Bitat.
Un document récemment récupéré et exploité par le quotidien El Watan, les minutes du procès de l’Organisation Spéciale dont l’audience s’est déroulée à Annaba du 11 au 30 juin 1951, fait état des alliances secrètes qui existaient en 1951. Ces minutes indiquent que «Bakkouche Abdelbaki, Ben Mohamed, Ben mostefa Ben Ali, Guerras Abderrahmane, dit Mokhtar, Zighout Youcef, Ben Saïd, Didouche Mourad, dit Abdelkader, Boudiaf Mohamed, dit Tayeb, Ben M’hidi Larbi, dit Lakhdar, Habachi Abdeslam, dit Kebache, Boudjaja Ali Ben Belgacem, Graïcha Cherif Ben Leulmi, Rikouah Brahim Ben Mekki, Chougui Youcef Ben Brahim, Gueribi Larbi Ben Ahmed, Gueribi Ali, Hamoudi Larbi, Bitat Rabah Ben Mostefa dit Si Salah, et Bentebal Slimane ont été “tous déclarés coupables d’atteinte à la sûreté de l’Etat”».
Ils seront condamnés à deux années de prison ferme qu’ils auront à exécuter à la prison de Barberousse (Serkadji). Ont-ils purgé leur peine ? S’étaient-ils enfuis ? Ce que les minutes du procès dit l’«affaire Benzaim» met en relief, c’est l’organisation spéciale et les stratégies déployées par ces hommes pour libérer le pays. Et les alliances qui avaient déjà cours… Découvrez la suite de ce dossier, sur le numéro 3 du bimestriel Babzman (novembre/décembre 2016)
Zineb A. Maïche
- Photographie :
Debout, de gauche à droite : Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Didouche Mourad, et Mohammed Boudiaf.
Assis : Krim Belkacem, et Larbi Ben M’Hidi à droite.
2 Comment
Bonjour je voulais apporter un témoignage sur Larbi Ben M’hidi le qu’elle était élève dans la madrasa
À mon père laquelle se trouvait dans la basse casbah (au niveau de la rue ben-achere) au-dessus de là l’ex-fontaine mitoyenne au (hammam) cette madrasa servait d’école dans la journée mais par contre le soir entre 19 et 21h00 notre père vous demander de partir et recevez (shab el djebha)
Et parmi eux il y avait feux Larbi Ben M’hidi
vive l’Algérie algérienne .