La première fois que le diwan a été appelé à monter sur une scène artistique moderne, ce qui s’est probablement produit dans les années 1960 puisque quelques troupes avaient pris part au premier festival culturel Panafricain d’Alger en 1969, les praticiens qui découvraient ce monde qui leur était probablement inconnu ont certainement longuement réfléchi à une conception du spectacle adaptée à la scène en faisant un tri de ce qui pouvait être présenté au public de ce qui ne pouvait pas l’être.
Déjà en ce temps le rituel du sacrifice du veau ou du bouc qui ouvre la wâada était d’emblé éliminé de la scène même si certains évoquent des souvenirs d’une parade avec veau lors du premier festival panafricain tout les rites autour du sacrifice sont restés strictement du domaine de la wâada tout comme la transe qui nécessite bien plus de temps et aussi l’exécution de bradjs au complets et au rythme de l’auditoire ce qui est impossible sur scène.
Depuis cette époque les diwan n’ont eu de cesse de vouloir s’adapter et adapter leur art aux attente du public mais surtout à s’atteler à ne surtout jamais choquer personne et garder ce qui tient du rituel à l’intérieur de Dar el Mhella surtout après le retour progressif de cette musique après les années de terrorismes qui ont beaucoup entaché la réputation des arts et des rituels populaires.
D’ailleurs ce même débat a récemment été relancé par une troupe émanant d’une confrérie à Bechar les Ouled Damou qui s’étaient un peu éloigné du rituel et qui avait en 2014 présenté sur scène la Mhella familiale (un coffre contenant tous les instruments et accessoires du diwan rituel) ce qui n’a pas été apprécié par la majorité des praticiens.
Mais ce débat n’est pas animé par l’intention de garder le secret sur des pratiques occultes mais juste par un respect religieux de ce rituel qui reste cependant ouvert à tous.
Au-delà de ce débat cette adaptation à la scène a également atteint l’aspect musical à savoir les instruments : le choix des textes et des bradjs ou même une arabisation de ces derniers comme cela s’est très vite rependu chez nos voisins marocains en près d’une vingtaine d’année.
Certains instruments comme le kerktou, petite timbale jouée à l’aide de longues baguettes un peu flexibles, se fait de plus en plus rares chez les diwan vu que ce dernier n’a été vu qu’à de rares occasions sur scène et joué par des praticiens des plus conservateurs à l’image de Dar Bahri Ouesfane ou d’une expérience musicale féminine menée par Hasna El Becharia qui ont été les seuls à l’utiliser lors du festival de musique diwan à Bechar.
Plusieurs mâalmin ont également fait le choix de bannir certains morceaux de leurs répertoires et cela même à l’intérieur de l’espace sacré du rituel vu que certains ont peur de choquer un auditoire profane, que d’autres se sont fait réprimander et se retrouvent un peu mal vus dans une société où ils ont perdu leur fonction ou plus simplement certains ne peuvent assumer les conséquences d’une transe difficile à contrôler.
Cela étant dis le constat dressé de la scène n’est nullement applicable à l’espace sacré puisque les diwans et les wâadates se tiennent toujours dans l’espace qui est le leurs avec le rituel thérapeutique et en présence de tous les praticiens dans des zaouïas comme celle de Saida, Ain Sefra, Relizane ou Mostaganem.
Mohamed Rafik