Si Mohand Ou Mhand est né aux environ de 1840, dans le village Icharouen appartenant a l’Arch n’Ath Irathen. Il convient d’indiquer que l’état civil en Kabylie n’avait pas d’existence officielle avant 1891. Il est donc impossible de déterminer la date exacte de la naissance du poète. Issu d’une famille lettrée, Si Mohand fut placé dans une Zaouïa dés son jeune âge. Après 1857, les habitants d’Icharouen furent chassés de leur lieu de vie, et le village rasé. Dès lors, les parents du poète s’installèrent à Agouni Djilbane, non loin de Fort National.
La famille tomba en décadence après l’insurrection de 1871. Mohand Ameziane, le père du poète, partisan des insurgés, fut exécuté à Fort National . Leurs biens furent confisqués au profit de « l’état français ». Les membres de la famille se dispersèrent; c’est ainsi que commença la vie aventureuse de Si Mohand. Se déplaçant de village en village, et de ville en ville, menant une vie d’un véritable poète errant, allant la où son étoile le conduisait. Il parcourut ainsi toute la région Kabyle, et visita la Tunisie ou s’était installé son frère, et un bon nombre d’algériens. Il buvait et fumait et ne vivait que pour la poésie. Le nombre de vers de Si Mohand Ou M’hand; fruit de sa vie vagabonde serait incalculable. Il n’existe aucun écrit, aucune note laissés par Si Mohand ou par l’un de ses fidèles, son œuvre était orale.
Certains poèmes, qu’on donne pour authentiques ne sont peu être pas de lui ; mais combien d’autres véritables, sont par contre oubliés ! Le premier auteur à avoir évoqué, et ressuscité Si Mohand Ou M’hand est l’homme de lettres Boulifa, au début du siècle dernier, dans son livre « Recueil de poésie kabyle ». Il écrivait à son propos, que « toutes les poésies de Si Mohand nous ont été communiquées par certains élèves du cours normal et par des jeunes du village d’Adeni, qui, grâce à leur bonne mémoire, nous ont permis de donner ici quelques poésies du maître…». Une centaine d’isfra uniquement, parmi les trois cents collationnées et transcrites par Boulifa serait de Si Mohand. Les autres seraient l’œuvre de disciples et d’imitateurs anonymes.
Mr M.J.SIMON, inspecteur des écoles de Kabylie, dans les débuts des années cinquante; explora la région des Ath Irathen ex fort national et mit à contribution les instituteurs kabyles de sa circonscription pour découvrir les témoins qui avaient connu le poète. Il confia avant d’embarquer pour la France, toute la documentation aux instituteurs et essentiellement à Mouloud Feraoun, d’où la parution du livre « Les Poèmes de Si Mohand » de Feraoun. D’autres auteurs tels que (entre autres) feu Mammeri et Younes Adli, ont également écrit au sujet du légendaire poète.
Si Mohand mourut en 1906, à l’hôpital des sœurs blanches de Michelet, actuel Ain El Hammam. Il est enterré au lieu dit Askif N’tmana, en laissant derrière lui, une immense oeuvre pour la postérité.
Mustapha Hadni
Hadni.mustapha@hotmail.fr
Quelques poèmes de Si Mohand Ou Mhand en kabyle traduit en français.
Ledjan
Ddimghis isaggmed
Ma ithbeth ellahh lerzzaqis.
Vnighas çour ihedjved
Thabourth theghalqed
Ddasas ddeggs ourittis
Thoura ineflas esed
Ddasiakh ddeggs iouthed
Irouh ourivan lathris.
Le jardin – Traduction en français.
J’avais un jardin incomparable
Aux pousses drues et vigoureuses :
Que Dieu protège ses richesses !
Un mur le fermait et l’abritait,
Une porte en condamnait l’entrée
Dont le jardin ne dormait pas.
Maintenant qu’un torrent y fut dirigé
L’éboulement à tout emporté ;
Il n’en reste aucune trace.
Themout tazizth
Tmouth tazizth our nmezir
El mouts athetsekhethir
Rebbi ithedou ddegg enouqma
A iakkal ourtsets gheillir
Mlaioun nettir
Thafoumthas a el moulouka
Dda zaouali our tehqir
Ddiellis nel khir
Merhoumath si djahnama.
La perte d’un être cher – Traduction en français.
Elle est morte loin de moi :
La mort choisit ses victimes
Et Dieu pousse à la révolte.
O terre, ne profane pas
Sa beauté incomparable,
O anges, pardonnez lui.
Fille de sangs généraux,
Elle n’a pas dédaigné le pauvre :
Qu’elle soit préservée de l’enfer !
Asefru
Thikelta adheghigh
Oua lahh addilhou
Addinaddi ddeg louddiath
Oui thislan ar dda thiarhou
Our as iverou
Oui ilan ddalfahem izrath:
An helel Rebbi athet ihhedou
Ghoures ai neddaou
Add vaddent addrim nekfath
Le poème – La traduction en français:
Ceci est un poème
Plaise à dieu qu’il soit beau
Et se répande partout.
Qui l’entendra l’écrira,
Ne le lâchera plus
Et le sage m’approuvera ;
Que Dieu leur inspire la pitié ;
Lui seul peut nous en préserver :
Qu’elles nous oublient , nous n’avons plus rien !
Illustrations :
- Photo présumé de Si Moh Ou Mhand
- Tombe de Si Si Moh Ou Mhand, à Asqif n Tmana
- Photographie du film SI MOHAND U M’HAND, L’INSOUMIS, 2008