Par : Mehmet Tütüncü*, chercheur universitaire turc au sein du SOTA (Stichting Onderzoek Turkse en Arabische wereld), fondation pour la recherche sur les mondes arabe et turc.
Les armoiries et l’étendard du pacha Kheïreddine Barberousse :
Il est très probable que les symboles se trouvant à côté de la tablette datant de l’année 1242 de l’hégire (l’année 1826 du calendrier grégorien), soient ceux du pacha Kheïreddine Barberousse, même si la tablette est inscrite au nom de Husseïn Dey, dernier pacha d’Alger. Ces symboles, qui se composent d’une étoile à six branches, d’un croissant et d’une main (la « Pençe-i âl-i abâ » ou « main de Fatma », en turc) montrent des similitudes troublantes avec le « Barbaros Sancağı » (l’étendard de Barberousse, en turc) exposé au musée de la marine, à Beşiktaş, à Istanbul.
On rapporte que cet étendard a été conçu soit pendant les années de service du pacha Kheïreddine Barberousse en tant que Kaptan-ı Derya (Grand Amiral de la flotte ottomane), de 1534 à 1546, soit environ cinquante ans après sa mort.
L’étendard qu’on attribue au pacha Kheïreddine Barberousse est l’une des pièces les plus importantes du musée de la marine, à Beşiktaş.
L’étendard est en soie verte et est richement composé. Sur celui-ci on voit des versets du Coran dans l’encadré d’en haut, le nom du noble Prophète, et les noms des quatre premiers califes de l’Islam écrits à l’intérieur d’un croissant. Au milieu de l’étendard se trouve le sabre du calife Ali, appelé Zülfikar (ذو الفقار Dhoul Fiqar en arabe, c’est l’épée à deux pointes), à gauche de celui-ci figure ce qu’on appelle Pençe-i Âl-i Abâ (plus connu sous le nom « la main de Fatma »*), et en bas de l’étendard on voit le seau du prophète Soliman orné de motifs. On a utilisé de la soie blanche comme couleur de cette figure et des écrits sur la bannière. L’étendard est bordée de houppes vertes. L’encadré comporte une partie du verset 13 de la sourate As-Saff (Les Rangs) : « Nasroun minallahi wa fethoun qarib wa bechir-il-mou’minine » (« un secours [venant] d’Allah et une victoire prochaine. Et annonce la bonne nouvelle aux croyants ») ainsi que « Ya Mohammed » (Ô Mahomet). Juste en dessous du verset figure l’épée Zülfikar. A droite, au dessus de l’épée se trouve le nom d’Abou Bakr, en bas le nom d’Othmân ; à gauche au dessus de l’épée se trouve le nom d’Omar et en bas sur le même côté le nom d’Ali. Les noms des quatre califes sont entourés par un croissant.
A gauche de la poignée de Zülfikar figure la main de Fatma, et en bas le sceau du prophète Saloman (« Souleymane » en arabe). Le sceau du prophète Souleymane (Aleyhi Salam*) qui se compose de deux triangles entrelacés a été largement répandu et utilisé par les musulmans. A Istanbul, on voit ce sceau de Souleymane (Mühr-i Süleyman, en turc) dessiné sur le toit, les murs, et les vitres des fenêtres de plusieurs mosquées qui ont été bâties il y a des centaines d’années de cela. Ce sceau a été très utilisé comme broderie par les artisans décorateurs musulmans sur du métal, du bois, en architecture, en tissage et dans beaucoup d’autres domaines. Dans les Tekke (bâtiments où se réunissent les derviches d’un ordre soufi) et lieux semblables, on retrouve le sceau de Souleymane dessiné sur la coupole, le plafond, ou bien sur le seuil des portes. Le pacha Barberousse Kheïreddine a fait broder le motif du sceau de Souleymane sur son drapeau pour « pouvoir contrôler les vents de la mer ». Et c’est ainsi qu’est née cette tradition.
Le prophète Souleymane, loué par le Saint Coran et dont Dieu a dit qu’il a créé une magnifique civilisation, a été un prophète « roi ». Comme indiqué dans le Coran, le « vent » soufflait dans la direction que Souleymane souhaitait par un simple ordre de ce dernier. Et donc, comme il arrive à tout marin, le pacha Kheïreddine Barberousse s’est retrouvé directement confronté aux vents de la mer pendant la bataille de Prévéza, la plus grande bataille navale de son temps. Le pacha Kheïreddine Barberousse a sollicité l’aide de Dieu face aux vents contraires. C’est ainsi que le pacha Kheïreddine Barberousse rapporte dans ses mémoires : « au début de la bataille, le vent du sud soufflait fortement. J’ai éparpillé sur la surface de la mer des feuilles sur lesquelles étaient écrits des versets du Saint Coran et j’ai prié Dieu Tout-Puissant, moi son humble et faible serviteur, de m’accorder la pitié et la bienveillance qu’il ne m’avait pas accordées jusqu’à ce jour-là. Ma prière a été exaucée. Les vents se sont d’abord calmés, puis ont changé de direction. » (p.204)
Cette étoile à six branches, largement et fréquemment utilisée dans l’histoire de la Turquie et de l’Islam a commencé, au fil du temps, à être employée par les juifs et les francs-maçons sous le nom du « Seal of David » (Le sceau de David). Pendant les périodes suivantes, les juifs ont adopté ce seau comme un symbole sacré, et l’ont brodé sur les étendards, les fanions et les amulettes et ont en fait un talisman (pour se protéger) contre la sorcellerie. Et quand ce symbole est devenu de plus en plus fréquemment employé par les juifs, son usage à ce moment-là a diminué chez les musulmans pour être complètement abandonné de nos jours.
Dans un document daté du 22 septembre 1916, qui se trouve dans les archives historiques de la marine, à l’Istanbul Deniz Müzesi (Musée de la marine de la ville d’Istanbul), l’étendard qui repose sur le tombeau, au mausolée du pacha Kheïreddine Barberousse, est présenté comme suit : « ceci est l’unique étendard qui nous est parvenu entre les mains parmi les étendards qui ont été hissés sur les galères, durant les heures glorieuses de la marine ottomane. »
Les ressemblances entre cet étendard et les signes qui figurent à l’entrée du bâtiment de l’Amirauté à Alger est un héritage encore vivace du pacha Kheïreddine Barberousse. Si on faisait une recherche encore plus approfondie au bâtiment de l’Amirauté à Alger, la recherche sur les monuments et vestiges laissés par le pacha Kheïreddine Barberousse et les Turcs (en Algérie) dévoilerait des détails plus surprenants encore et donnerait des résultats fructueux.
Malheureusement, il ne nous a pas été possible de continuer notre chemin à l’intérieur du bâtiment de l’Amirauté mais nous continuons nos tentatives de recherches au sujet de cette importante région historique (l’Algérie) dans l’histoire de notre marine.
Traduit du turc par : Mohamed Walid Grine, écrivain et traducteur algérien
- Cette traduction est celle du chapitre «Hayrettin Paşa’nın arması ve sancağı », pp.23-24-25-26-27, extraite de l’article “Cezayir’de Barbaros’un bilinmeyen kitabesi”, Mehmet Tütüncü, Yedikıta Dergisi (Magazine Yedikıta), sayı (numéro) 47, Temmuz (juillet) 2012.
- N.B : toutes les notes ou explications de mots entre parenthèses-à part celles où il y a un astérisque- sont les notes du traducteur.
- Mehmet Tütüncü : chercheur universitaire turc. Né en 1958. Il a publié plusieurs travaux sur l’histoire de l’Algérie Ottomane. Son dernier ouvrage est un livre intitulé « Cezayir’de Osmanlı izleri (1518-1830) » (Les vestiges Ottomans en Algérie), Çamlıca Basım Yayın, Sota Yayınları, 1. Baskı : İstanbul, 2013.
Sources :
- Yedikıta Dergisi, Mehmet Tütüncü, Cezayir’de Barbaros’un bilinmeyen kitabesi, sayı 47, Temmuz 2012.
- Aydınlık Gazetesi, Türkiye’nin unuttuğu topraklar, Cezayir, Kudüs ve Mekke’de Türk İzleri, 7 Aralık 2014 (7 décembre 2014), Pazar (lundi).
- https://www.denizmuzeleri.tsk.tr/idmk/sayfalar2.asp?KID=517&SID=266
- https://www.hayalleme.com/barbaros-hayrettin-pasa-turbesi-yenileniyor/
- https://www.turkcebilgi.com/kaptan-%C4%B1_derya
- https://www.devletialiyyei.com/onemli-kisiler/barbaros-hayreddin-pasa-848.html
- https://www.delinetciler.org/attachments/24179d1319111867-prevezedenizsavasi.jpg
1 Comment
En réponse à Mehenni Tahar. Vous faites un grave erreur d’appréciation.
1) La Sublime Porte n’a pas évacué ses ressortissants turcs. Preuve s’il en est, les familles d’ascendance ottomane sont toujours en Algérie.
2) Pour ne citer qu’un exemple de résistance, Constantine a tenu 6 années au siège de l’armée française. Cette ville a été défendue maison par maison.