On a depuis la nuit des temps, associé l’honneur de l’homme à la vertu de la femme. La fragilité de cette vertu au regard des tabous, fait qu’on imagine des situations extraordinaires où le surnaturel prend le pas sur le naturel. Comment agir pour sauvegarder l’honneur ? Comme dit la sagesse populaire «rihet el keten tekber oua tben» (l’odeur du tissu brûlé s’amplifie et finit par être identifiée).
Selma et Ali était frère et sœur. Orphelins, ils avaient vécu l’un pour l’autre, sans l’aide de personne. Selma protégea son jeune frère qui s’attacha à elle comme il l’aurait fait pour sa mère disparue en le mettant au monde.
Un jour, Selma sentant sa mort prochaine, fit venir son frère à son chevet.
Selma était allongée sur son lit, son frère éploré, lui tenait la main.
–«Mon frère Ali, lui dit-elle, voici venir ma dernière heure. Je te laisse seul. Sois courageux. Prends femme, je te le conseille. La solitude est insupportable à la longue et t’expose à toute les tentations qui pourraient ruiner ta vie.»
-«Tu va vivre, je le demande au Tout puissant… Juste un tout petit peu encore, répondit Ali, désespérément.»
–«Je sais que la bonté de Dieu est illimitée, mais je sais aussi, je sens surtout que c’est bien la fin. Et là est Sa Volonté en ce qui me concerne.»
En disant cela, Selma fit un dernier effort pour apaiser la douleur de son frère. Elle prit le visage du jeune homme entre ses mains et le regarda fixement. Elle avait quelque chose d’important à lui demander.
–«Je te demande, ô mon frère, de ne jamais ouvrir la porte qui se trouve sous l’escalier. Ne me demande pas pourquoi, je ne puis te le dire ; mais promets-moi de ne pas l’ouvrir ni de laisser quelqu’un l’ouvrir.»
–«Je te le promets, ô Selma ma belle et gentille sœur.»
Sur cette promesse, Selma rendit l’âme, laissant Ali seul au monde.
Selma était connue pour sa beauté et surtout pour sa bonté et sa grande piété. Ali fut inconsolable. Il vécut longtemps seul et triste. Mais les notables et les sages de la ville vinrent le voir et lui conseillèrent de se marier.
–«Tu ne peux rester sel éternellement, lui dirent-ils. Selma est morte, que Dieu ait son âme… C’était une brave femme. Ton deuil ne la ramènera pas à la vie. Nous t’aurions aidé si cela était le cas. Malheureusement ce n’est pas possible.»
–«Je le sais mais c’est plus fort que moi.» Leur répondait-il, lorsqu’ils devenaient insistants
Mais les conseils venaient de toutes parts et se faisaient plus pressants.
-«Tu dois trouver en toi, la force pour affronter la vie autrement.»
-«La solitude est mauvaise conseillère pour un homme de ton âge et de ton rang.»
-«Nous ne pouvons tolérer cela.»
-«Nous devons te soutenir, par égard à tes parents disparus.»
-«La communauté a besoin d’être enrichie d’enfants qui te ressemblent.»
On le pressa tant et si bien qu’il finit par leur dire :
–«Oui ! Faites ce qui doit être fait !»
-«C’est bien, dit le sage de la djemââ. Tu es un brave garçon ! Nous veillerons à ton bonheur.»
… A SUIVRE
Source: D’aprés le livre «Contes du terroir Algérien» Volume 1, Editions DALIMEN
Illustration:https://fr.wikisource.org/wiki/Histoires_ou_Contes_du_temps_pass%C3%A9_(1697)/La_Belle_au_bois_dormant