Babzman
Image default
Accueil » Cheikha Tetma, une diva tlémcénienne
Histoire de l'art

Cheikha Tetma, une diva tlémcénienne

tetmaCheikha Tetma  ou la diva de Tlemcen enchanta des années durant El Ourit avec son hawfi et sa voix ensorcelante s’éteignit un 22 avril 1962 à l’âge de 71 ans.

 

De son vrai nom Fatema Tabet, elle est née en 1891, dans le quartier de Béni Djemla dans la vieille médina de Tlemcen. Fille de Ghaouti et de Sari-Gharnaout Aouïcha, elle fréquente l’école coranique et étudie chez l’illustre Cheikh El Iraqi El Hadj Mohammed dit «Bou’roug.

Petite fille, elle entame discrètement son rite initiatique devant le salon de coiffure de Moulay Ahmed Medeghri dit «Serfaqo»- un barbier musicien et poète- à Derb Sidi El Yeddoun, à la faveur des répétitions qui se faisaient dehors, à l’ombre des pots de basilic.

Encouragée par sa mère, elle-même mélomane, la jeune Tetma est prise en charge par les frères Dib, Mohamed et Ghaouti, grands maîtres de la musique andalouse de l’époque à Tlemcen. Cependant, elle ne peut s’afficher avec leur orchestre exclusivement composé d’hommes.

Mais en 1916, alors qu’elle a 25 ans, Tetma se produit pour la première fois en public, lors d’une fête foraine, organisée à la place de la Mairie de Tlemcen, avec l’orchestre de Braham ed Derrai. Ce sera le début d’une longue et belle carrière.

Maniant le luth, la kouitra et le violon, Cheikha Tetma enchante le site des cascades d’El Ourit de sa sublime voix qui se prête à merveille au hawfi, un genre musical propre aux femmes et qui est une sorte de berceuse ou de romance, que chantaient les tlemcénienne en se poussant sur la balançoire ou en cajolant leur bébé pour l’endormir, ou encore pour meubler les soirées familiales.

« j’ai découvert des rochers entre lesquels coulait une eau abondante.

je me suis rendu aux cascades pour les visiter

J’ai remarqué quatre jeunes femmes qui lavaient du linge

 »la première ô lune, la deuxième du cristal,

« la troisième ô mon frère a enflammé mon cœur,

 »Et la quatrième, ô mon frère, une brûlure sans feu  ».

 

Alors que sa sœur Khadoudja anime les séances de «el-djem» (cérémonies mystiques) dans la zaouïa de Dar Moulay Tayeb, à la rue Khaldoun, Cheikha Tetma ensorcelle son auditoire de sa sublime voix, accompagnée de son fidèle orchestre dont fait partie Djilali Zerrouk, le virtuose du piano. On dit d’ailleurs que cet instrument aurait été introduit pour la première fois dans un orchestre andalou par la diva tlemcénienne, ainsi que le fameux percussionniste (drabki) Mohammed Kaïd-Slimane dit Belkhalti.

Les deux sœurs sont souvent comparées à deux étoiles qui ont brillé dans le ciel de Tlemcen, l’une dans le chant sacré, el medh, et l’autre dans la musique profane.

Pour Tetma, le passage du hawfi au hawzi se fait naturellement. C’est ainsi qu’elle interprète également les œuvres des maîtres El Mandassi, Bentriki, Ben M’Saïb et les frères Bensahla.

En 1918, elle enregistre ses premiers disques aux éditions «Pathé», dont « Al khbar dja min al gharb» de cheikh el Djilali et «Hanina», une chant populaire oriental «importé» de Syrie par Ghaouti Dib en 1911 et qui sera repris par Cheikh Larbi Ben Sari. Et l’année 1919 marquera pour la diva tlemcénnienne le début de son exil à Fès au Maroc qui va durer jusqu’en 1925. En effet, les notables conservateurs de la ville mènent une cabale contre elle et réussissent à obtenir contre elle le « verdict » d’« interdiction de séjour».

Mais Tetma qui a, jusque là bravé le conformisme en étant ce qu’elle est, reviendra décidée, plus que jamais, à poursuivre sa carrière dans son pays.

Son retour à Tlemcen est marqué par sa collaboration avec Abdelkrim Dali. Ensemble, ils interprètent la magistrale chanson andalouse « Aziz el wissal », en 1938. Les années suivantes, elle est souvent sollicitée à Alger pour animer des fêtes familiales, Meriem Fekkaï gérant sa programmation.

Tetma finira par s’établir à Alger pour quelques années, après avoir été sollicitée par Boudali Safir pour faire partie d’un orchestre féminin aux côtés de Fadhela Dziria, Reinette Daoud, Meriem Fekaï, Alice Fitoussi…

En 1954, elle enregistre son dernier disque aux éditions Odéon : «Chehal ‘eucht labed tendem », une chanson à caractère mystique puisée dans le diwan de cheikh Sidi Lakhdar Ben Khlouf, dont elle composera la mélodie.

Ce titre signe d’ailleurs la fin de sa riche carrière d’artiste, au moment ou la Guerre de libération éclate en Algérie. Elle décédera le 22 avril 1962 et repose au cimetière Sidi Snouci de Aïn Wazouta.

Synthèse K.T.

Sources :

  1. Allal Bekhaï, « Cheikha Tetma, la diva rebelle du hawzi », in Le Quotidien d’Oran du 9 mars 2011
  2. Achour Cheurfi, « Dictionnaire des musiciens et interprètes algériens », Ed. ANEP, Alger 1997
  3. https://www.hibamusic.com
  4. https://musique.arabe.over-blog.com

Articles similaires

Laissez un commentaire