Né le 14 mars 1930 à Mostaganem, il est l’aîné de ses parents, tous deux aveugles et d’une extrême pauvreté. A 14 ans, il est contraint de quitter les bancs de l’école pour travailler et aider sa famille. C’est son instituteur qui lui trouve son premier travail, à l’imprimerie de Aîn Sefra. Il dessiner et fait des croquis pour les imprimés à réaliser. Et le soir, il fait de la reliure et lit les livres qui lui sont confiés : Omar Khayyam, Mohamed Abdou, Taha Hussein, André Gide, André Breton, Jean Cocteau…
Le jeune homme est si habile et attentif dans son travail, qu’il devient très vite typographe. Un métier dont il gardera, sa vie durant, le goût de la minutie, du contact tactile et de l’effort répété.
En 1947, il fait la connaissance de d’Abdellah Benanteur. C’est à cette période que Khadda commence à prendre des cours de dessin par correspondance et à réaliser ses premières aquarelles, puis des pastelles et des peintures.
Avec Benanteur, il visite les galeries d’Oran, puis, en passant à Alger, il découvre le Musée des Beaux-arts. Il prend le temps d’admirer les toiles de Delacroix, Fromentin, Dinet, les sculptures de Rodin… Sa culture artistique commence ainsi à s’enrichir en même temps qu’un sentiment national. Il adhère quelques temps à la Jeunesse de l’UDMA de Ferhat Abbas et tisse des amitiés. Notamment avec Mohammed Tengour, militant au PPA de Messali Hadj, Mustapha Kaïd, communiste. Khadda prend des cours d’arabe, fréquente les ciné-clubs où il approfondit ses connaissances du surréalisme à travers les films de Cocteau et Bruñel. A cette période, il écrit ses premiers poèmes et fait ses premières sculptures en pierre, en plâtre et en terre.
En 1953, Khadda et Benanteur débarquent dans la capitale française. Ils visitent les musées et les galeries et tissent d’autres liens. Khadda y travaille comme typographe et maquettiste et, le soir, dessine à l’Académie de la Grande Chaumière. La calligraphie arabe le passionne, l’olivier est d’ailleurs un motif récurrent dans son œuvre.
En France, Khadda rencontre Kateb Yacine, Malek Haddad, Mohammed Dib, participe à des expositions collectives et milite au sein du parti communiste pour l’indépendance de l’Algérie.
En 1961, il réalise sa première exposition personnelle.
Un an après l’indépendance, l’artiste rentre à Alger et participe à l’exposition des « Peintres algériens» organisée pour la célébration du 1er novembre. Le catalogue de l’événement est préfacé par Jean Sénac.
Militant au sein du PAGS, Khadda allie activités artistiques et positions culturelles, humaines et sociales.
En 1964, il est membre fondateur de l’«Union Nationale des Arts Plastiques » dont il est le secrétaire de 1972 à 1975, année où il décide de la quitter, lorsque que le parti unique décide d’en prendre le contrôle.
A l’UNAC, Khadda défend la peinture non figurative, violemment dénoncée à cette époque, et illustre plusieurs recueils de poèmes, notamment ceux de Jean Sénac et Rachid Boudjedra. Il crée aussi des décors et costumes pour les Théâtres d’Alger et d’Oran.
En 1971, il publie «Éléments pour un art nouveau », Alger, SNED, une introduction à l’histoire de l’art en Algérie depuis les fresques du Tassili, l’art berbère de Kabylie et l’art arabe, jusqu’aux premiers peintres algériens et le « nouveau souffle » de la génération suivante.
L’Algérie des années 1970 est celle de la foi en un ordre nouveau. Et Khadda est de ceux qui pensent que l’art doit être à la portée de tous. Il participe ainsi à des fresques collectives pour des villages de la Révolution agraire, des expositions dans des usines et dans des lycées…
En 1978, il est sous directeur au Ministère de l’Information et de la Culture, responsable des arts plastiques, durant une année.
En 1981, il réalise le Monument aux martyrs à M’Sila et deux ans plus tard, réalise une exposition rétrospective au Musée national des Beaux-arts. Il continue à publier des recueils de poésie, à illustrer des livres et à participer à des expositions. L’artiste, très engagé, œuvre aussi pour la constitution de sections algériennes de la Ligue des droits de l’homme et d’Amnesty International.
En 1983, Bachir Hadj Ali écrit à propos de lui : « Khadda est au centre névralgique d’un combat pour l’art vivant, ancré profondément dans nos pratiques quotidiennes et surgi de notre environnement. (…) Khadda exhume avec tendresse nos richesses. Il capte les sources qui distillent les tensions fortes ou les accords tempérés. Il polit, il cisèle amoureusement l’espace pour de jeunes ballerines. Il décèle le moment qui réveille les pierres et leurs chants multipliés, l’art des grottes, la danse du figuier et de l’olivier sur les rythmes de Hadawas ( …) sans cesse, sur les chemins escarpés de l’art, son souffle au parfum des sommets et des algues nous entraîne sur les traces fondamentales (…) ce n’est pas la vision de l’œil qui est copiée, c’est le plané des rêves multiples qui s’imposent. »
En 1990, il est membre du Conseil National de la Culture. Cette même année marque ses dernières expositions : aquarelles, gouaches et gravures à la galerie Squifa à El Achour (Alger), peintures à la galerie Isma (Alger). Mohammed Khadda meurt le 4 mai 1991, à Alger, des suites d’une longue maladie. Il laissera derrière lui une œuvre immense, revendiquée comme étant ancestrale, parce que s’inspirant de ce « signe » qu’on retrouve sur les poteries berbères, dans l’écriture kouffi ou sur les parois du Tassili. Khadda reste ainsi un artiste majeur dans l’histoire de l’art algérien, son œuvre est d’ailleurs classée Patrimoine National.
Synthèse Khadija T.
Sources :
- Mansour Abrous, Les artistes algériens, Dictionnaire biographique, 1917-1999, Alger, Casbah éditions, 2002.
- « Dictionnaire encyclopédique de l’Algérie », par Achour Cheurfi. Editions ANEP 2007