Considéré comme l’enfant terrible ou l’enfant prodige de la presse indépendante, née après octobre 1988, Dilem est un caricaturiste téméraire au trait corrosif.
Ali Dilem est né le 29 juin 1967 à Belfort, à El Harrach, un quartier populaire de la capitale. Il est le troisième d’une fratrie de 6 enfants. Son père, un militant durant la guerre de libération, est chauffeur dans une compagnie nationale.
A deux mois, il frôle la mort mais n’en garde pas de séquelles. Ce sera un enfant solide qui grandira dans la rue, au milieu de ses copains de quartier où règne une ambiance particulière, faite de jeux, de chamailleries, de bêtises…
Enfant, Ali Dilem dessine tout le temps, partout et avec n’importe quoi. C’est aussi un bon élève. Il entame sa scolarité à l’école Hassan Badi, puis au Technicum, avant d’accéder au lycée, en série science bilingue. Les mathématiques et l’histoire-géo le passionnent particulièrement.
Adolescent, il est épris de Lady Diana, la princesse de Galle. Il passe de longs moments à dessiner son portrait sur un cahier d’écolier. Il pourra même l’apercevoir de près, un jour, à Londres. Il vient de décrocher son bac et décide d’aller passer quelques temps à Londres. Il aperçoit la princesse, la filme même et lui lance un « Happy birthday, my lady » et Diana lui répond par un « Thank you ». Pour Dilem c’est un grand jour. La rencontre, puis le mythe qui s’effondre avec cette rencontre.
En octobre 1988, Dilem est parmi les jeunes révoltés qui descendent dans la rue. Il ne prendra pas de Stan Smith, mais affiche déjà une personnalité d’émeutier qui resurgira quelques années plus tard dans ses caricatures.
D’ailleurs, à cette époque, Dilem dessine beaucoup de portraits. De ses proches, des stars, des icones, mais aussi des politiques. Pourtant, il ne sait pas qu’il en fera son métier.
Après son bac, il s’inscrit à l’université de Bab-Ezzouar. Mais après une année d’études, il fait un transfert et s’inscrit en archéologie au Caroubier. Là encore, il ne se voit pas. En 1988, il passe avec succès le concours d’entrée à l’Ecole des Beaux-arts et s’inscrit en section arts plastiques. Denis Martinez figure parmi ses professeurs.
Aux Beaux-arts, Dilem apprend aussi la mobilisation politique, notamment à travers le RAIS (Rassemblement des artistes, intellectuels et scientifiques) qui ne durera pas longtemps.
A cette époque, l’Algérie bouillonne au sens littéral du terme. D’un côté, il y a l’euphorie de la démocratie naissante et, de l’autre, l’islamisme qui entame la société.
Dans la foulée de l’ouverture médiatique, Alger républicain réapparaît en 1989. Martinez présente Dilem à Said Mekbel et c’est le début d’une nouvelle aventure, celle de la caricature. Dilem a à peine 22 ans. Il finit par quitter les Beaux-arts pour se consacrer entièrement au dessin de presse.
En 1991, lors de la création du quotidien Le Matin, Dilem prend un coin en 24, à côté du billet « Mesmar Djeha » de Said Mekbel. Le duo fait la paire !
Croquant les tenants du pouvoir et les islamistes, Dilem provocateur, devient rapidement un monstre sacré. Il traversera les temps forts et les temps durs de l’Algérie : après l’ouverture, la liberté d’expression, les assassinats d’intellectuels.
Dilem ne célébrera probablement pas son vingt cinquième anniversaires, le jour de l’assassinat de Boudiaf, à Annaba. Triste jour pour tout le pays. Début du cauchemar pour tous les algériens.
Les assassinats se succèdent, notamment Ahmed et Rabah Asselah, Alloula, Djaout et Said Mekbel dont il est proche. De grands noms sont passés au couteau ou à la balle. Aux liquidations d’intellectuels se succèdent les bombes dans les lieux publics. Dilem continue à croquer cette sombre période. Ses dessins vacillent entre l’émotion et la dérision.
Menacé, il fait de fréquents voyages en France, mais ne s’installe jamais définitivement. Il fait quelques piges ici et là bas, avant de rejoindre le quotidien Liberté en 1996 où il continue à ce jour de croquer les politiques et la vie algérienne.
Durant toutes ces années, Dilem collectionnera les prix internationaux en même temps que les procès en Algérie. Corrosif, il cumule les peines de prison pour « offense au chef de l’état », «outrage à institution », « diffamation »…
Il a publié «Algérie Mon Humour », « Taïwan two tri Viva l’Algiri » et « Boutef président ». Il a aujourd’hui 48 ans et il n’a pas pris une ride… du moins ses caricatures !
Synthèse Z.M.
Source :
Mustapha Benfodil : « Dilem Président, biographie d’un émeutier », INAS Editions, 2008. Disponible uniquement en téléchargement sur internet.