Rarement, militant de la lutte de Libération ne fut aussi reconnu pour son abnégation, son dévouement à la cause nationale que ne le fut Mohamed Belouizdad. Dès sa prime jeunesse, il prit conscience de la nécessité d’agir. Il fallait créer une organisation, entreprendre une lutte organisée pour changer le destin, se donner une raison de lutter. Ce fut la création du Comité de la jeunesse de Belcourt (CJB), né sur un terrain fertilisé par la politique coloniale de la France.
Les premiers membres fondateurs de ce comité, en sont les jeunes Mohamed Belouizdad, Ahmed Mahsas, M’hamed Yousfi, Hammouda Larab, M’hamed Bacha Tazir. Il fut décidé, sur proposition de Mohamed Belouizdad, que l’organisation soit intégrée comme mouvement de jeunesse au Parti du Peuple Algérien (PPA). Pour Mohamed Belouizdad c’était le seul parti vraiment nationaliste et révolutionnaire, même si ce parti était, à ce moment en perte de vitesse, du fait d’une terrible répression. Le CJB avec l’organisation des autres jeunes de la capitale et des principales villes du pays, allait insuffler un sang nouveau au PPA. Mohamed Belouizdad a été désigné à la tête du comité, il va déployer et faire preuve d’un grand talent d’organisateur.
Il était le seul à ne susciter aucune contestation de la part des militants. Il avait une vision prospective extraordinaire et une grande lucidité. Les premiers contacts avec la hiérarchie du parti se firent par l’intermédiaire de Si Ahmed Bouda, qui venait d’être libéré du camp d’internement de Djenane Bourezgue. La commémoration de la création du PPA, le 11 mars 1937, donna lieu à des conférences sur l’histoire du parti. Le conférencier le plus transcendant était souvent Mohamed Belouizdad. Sa façon de s’exprimer permettait de tirer un énorme profit de ses connaissances pour mieux défendre les thèses du PPA. Ce fut lors du fameux congrès clandestin du PPA de 1947, au cours duquel fut décidée, d’une part, la création de l’Organisation Spéciale (l’OS) qui devait préparer et entraîner les meilleurs militants en vue du déclenchement de l’action directe généralisée et, d’autre part, le maintien de l’organisation clandestine politique.
L’architecte de l’OS
Mohamed Belouizdad était le chef de l’Organisation. Le militant Abdesselam Habbachi le comparait à Ernesto Che Guevara pour son abnégation à toute épreuve. « De mon point de vue, l’extrême radicalité avec laquelle la région orientale du pays entra dans la guerre de Libération tient beaucoup au travail en profondeur que cet homme a mené sans relâche.
Ce n’est pas un hasard si les « Cinq historiques » à savoir, Mohamed Boudiaf, Mourad Didouche, Larbi Ben M’hidi, Mostefa Ben Boulaïd et Rabah Bitat ont servi sous ses ordres quand il réorganisait le parti à Constantine après les événements de 1945, ni que la plupart des autres cadres de la Révolution aient été ses seconds dans les rouages de l’Organisation Spéciale (OS) dès sa création en 1947».
Infatigable, Mohamed Belouizdad sillonnait toute la région orientale du pays. Au regard des moyens de communication d’autrefois, Mohamed déployait une activité formidable, au détriment d’une santé de plus en plus fragile. Il avait ainsi animé plusieurs meetings et réunions à Biskra, Annaba, Skikda, Souk Ahras, Djelfa, Mila, Jijel, Sétif, El Khroub, Guelma, Batna, Khenchela, en subissant les pires conditions de la vie clandestine, constamment traqué par la police coloniale. Sous sa direction, les cellules se reconstituaient lentement mais sûrement, tout en se familiarisant avec les mécanismes de l’action souterraine.
Un rôle déterminant
Ses disciples et compagnons de lutte de Constantine ont gagné à sa proximité une indéniable envergure. Son action à Constantine, et plus globalement dans l’Est algérien, a été déterminante dans l’émergence de cette Organisation à l’échelle nationale, pour consacrer la lutte armée comme option définitive. C’est à Constantine, en agissant dans la plus rigoureuse clandestinité, que Mohamed Belouizdad a définitivement opté pour l’idée d’une organisation paramilitaire. Au congrès du parti, Mohamed savait qu’il était le dépositaire des exigences de la base et de la population. Il a réussi, avec d’autres militants comme Hocine Aït Ahmed, à faire admettre la nécessité de créer l’aile paramilitaire, une Organisation Spéciale.
Quand il mit en place les structures de l’Organisation Spéciale, ses principes cardinaux étaient la confiance et le secret. D’emblée, il fut seul à prendre la décision d’appliquer une étanchéité totale entre l’OS, clandestine, et l’organisation légale mère, le PPA/MTLD. Belouizdad forme le premier état-major de l’OS. A Alger, Sid Ali Abdelhamid d’abord, Djilali Reguimi et tant d’autres ensuite, aideront Mohamed Belouizdad à mettre en place et consolider cette nouvelle Organisation. Dans le Constantinois, Mohamed Belouizdad peut compter sur un vivier révolutionnaire dont il fut le principal artisan. Avec Mohamed Assami, brillant leader du sud Constantinois, et beaucoup d’autres plus ou moins connus, il initie, en 1948, une opération téméraire de collecte d’armes de guerre. Il est ainsi à l’origine de l’acquisition du premier contingent d’armes destinées aux maquis algériens.
Abdesselam Habbachi raconte : « Quand la maladie a envahi tout son corps, il était déjà rongé par un mal incurable, contraint à l’immobilité, Mohamed Belouizdad délègue à son état-major le soin de consolider l’édifice de l’OS. Evacué en France après plusieurs tentatives locales infructueuses de guérir son mal, Mohamed Belouizdad s’éteint dans un sanatorium proche de Paris, le 14 janvier 1952. »
- « Le 14 janvier 1952 décédait Mohamed Belouizdad : Un fervent patriote », par M. Bouraib. Article paru dans le quotidien El Moudjahid le 16 janvier 2014.
- Pour en savoir plus, sur le valeureux Mohamed Belouizdad, lire le chapitre « Mohamed Belouizdad, le « Che » algérien, dans «Du mouvement national à l’indépendance: itinéraire d’un militant », de Abdesselam Habbachi (Casbah Editions. Alger, 2008), paru dans El Watan le 14 et 15 janvier 2014, également visible sur https://terredislam.canalblog.com/archives/2014/01/16/28960335.html