Cela s’est passé un 12 février 1951, naissance du peintre et poète Hamid Tibouchi

Poète et plasticien, Hamid Tibouchi peint comme il écrit et écrit comme il peint. En nomade. Le signe très présent dans ses œuvres et un peu un juste retour vers son enfance, ses origines, la matière brute et primitive.

 

Né à Tibane près de Béjaïa en Kabylie, le 12 février 1951, Hamid Tibouchi commence à peindre vers l’âge de dix ans et à écrire à l’âge de quinze ans. Il suit sa scolarité dans sa région natale, puis à l’École normale supérieure de Kouba. C’est à cette période qu’il rencontre Tahar Djaout qui deviendra son grand ami.

Entre 1974 et 1975, il est assistant de français en Angleterre. Ensuite, il enseigne l’anglais à Alger quelques temps.

Hamid Tibouchi s’engage dans l’écriture poétique et publie ses premiers poèmes dès 1971, en Algérie, en Tunisie et en France. Ses textes sont peu de temps après traduits en espagnole et en italien. Tahar Djaout voit en lui un grand sensible : « C’est l’un des poètes les plus exigeants et les plus aventureux de sa génération. Son lyrisme charrie beaucoup de pessimisme et de désillusion. Une entaille sans remède a été ouverte dans la vie du poète et c’est de cette déchirure, de cette faille que tout (de)coule ».

Parallèlement à l’écriture, Hamid Tibouchi dessine beaucoup. Et dès la fin des années 1970, le poète devient aussi peintre. Là encore, Tahar Djaout explique qu’il ne s’agit pas de « bifurcation ou changement d’itinéraire. Il convie la peinture et l’écriture — ces deux sœurs immémoriales — à la même interrogation et aux mêmes ébats effrénés d’avant la normalisation et l’affectation des fonctions — la figuration pour l’une, la signification pour l’autre. Il les prend en quelque sorte à ce stade ‘’non figuratif et non sémantique, qui était simplement rythmé’’, dont parle Roland Barthes ».

Le principal concerné affirme : « ‘’Je ne fais aucune différence entre la peinture et la poésie’’ : je fais mienne cette affirmation de Miró. Peinture/Poésie, mon travail est presque dès les débuts naturellement hybride. »

En effet, Hamid Tibouchi mène depuis le début l’écriture et la peinture de front. Pour lui, elles sont une seule et même expression qu’il manie en allant de l’une à l’autre ou les deux à la fois.

Il réalise quelques expositions entre 1980 et 1981, en Algérie et en Tunisie, avant de s’établir en France. En 1983, il est diplômé en Arts plastiques de l’Université Paris VIII et se consacre désormais entièrement à la peinture et à l’écriture. Il expose dans quelques grandes capitales et participe à des manifestations collectives, notamment celles consacrées à l’art contemporain algérien, en Europe et dans le monde arabe.

Abondante, sa production est protéiforme : poèmes, peintures, dessins, gravures, photos, livres d’artiste, livres-objets, décors de théâtre, vitraux, illustrations de livres et revues…

Parlant du sens de sa peinture, il écrit : « Je peins mais n’ai rien à dire de précis. Si je ne cesse de peindre, c’est sans doute pour justement tenter de saisir ce pour quoi je peins. À moins que ce ne soit pour essayer d’éviter que ne se comble le fossé qui me sépare de la mort. Oui, je crois que je peins pour rester en vie, un peu comme la sentinelle dans la nuit fait les cent pas pour rester éveillée. » Ou encore : « Je ne conçois de peinture et d’écriture que dans le nomadisme. Par nomadisme, j’entends un déplacement perpétuel, non pas nécessairement dans l’espace, mais surtout dans la tête. »

Ses œuvres sont d’ailleurs intrinsèquement liées aux arts primitifs, qu’ils soient africains ou mésopotamien, d’Océanie… Comme s’il fait le tour du monde en composant ses peintures. Peintures très liées au signe aussi. Tahar Djaout le résume ainsi : « peintures, monotypes et dessins, nous parlent par signes plus que par images- signes d’une écriture détournée qui quitte la feuille pour habiter les talismans, se couler dans les flexures d’une géologie mouvementée, suivre le cours des rides et des fleuves immémoriaux… »

Ces signes, on peut les retrouver à travers une sorte de calligraphie qui n’en n’est pas une. Parce qu’il ne s’agit de mots dans une langue ou un style d’écriture connu. Il s’agit en fait de ses propres « écritures » que Tahar Tibouchi préfère nommer « désécritures ». « Elles sont absolument aléatoires et illisibles », avoue-t-il.

À ce jour, l’artiste compte une soixantaine d’expositions personnelles et pas loin de trois cents participations à des expositions collectives. Il a illustré de nombreux livres (Rabah Belamri, Arezki Metref) et revues (Esprit, Europe, Alif, Traces, Algérie Littérature/Action, Le Journal des Poètes, Horizons Maghrébins, Liaisons…). Il a également réalisé les décors de « Les Fils de l’Amertume » de Slimane Benaïssa, en 1996, pour le Festival d’Avignon et de « 1962 » de Mohamed Kacimi, en 1998, pour le Festival des Francophonies de Limoges.

Zineb Merzouk

Sources :

« Dictionnaire encyclopédique de l’Algérie », par Achour Cheurfi. Editions ANEP 2007

Tahar Djaout, Les mots migrateurs, une anthologie poétique algérienne, Alger, Office des Publications universitaires, 1984/ « Hamid Tibouchi. Signes d’une écriture détournée », Actualité de l’émigration, n°81, 18 mars 1987 ; Algérie-Actualité, n°1343,11-17 juillet 1991 (In « Tahar Djaout, Une mémoire mise en signes, Écrits sur l’art », textes réunis par Michel-Georges Bernard, Préface de Hamid Nacer-Khodja, El Kalima Éditions, Alger, 2013 )

  1. https://www.artistescontemporains.org
  2. https://www.printempsdespoetes.com
  3. https://www.revuephoenix.com
  4. https://www2.cndp.fr/magarts/heterogeneite/temoignage2.htm

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