Ce 10 octobre 1980, en pleine prière du vendredi, à 13 h 30 précises, la ville d’El-Asnam, à mi-distance entre Oran et Alger, tremble, se tord, comme prise de convulsions. D’une force inouïe, 7,2 sur l’échelle de Richter, le séisme et une violente réplique trois heures plus tard font 2 633 morts, des milliers de blessés, de disparus et de sans-abri sur une population de 120 000 habitants.
La ville offre une vision apocalyptique : un tiers des bâtiments ne sont plus que gravats. Les destructions sont telles qu’El-Asnam – ou plutôt ce qui en reste- se retrouve quasi déconnecté du reste du pays : liaisons téléphoniques, électricité et gaz sont coupés pendant dix jours. La ligne ferroviaire entre Alger et El-Asnam est hors d’usage. Des failles fracturent les routes. Depuis l’épicentre, à Beni Rached, un village à 15 km au nord-est d’El-Asnam, la terre a tremblé dans un rayon de plus de 300 km, jusqu’à Alger, Oran, Tiaret. Et les répliques se sont succédé, entretenant la peur qu’une secousse plus forte encore ne vienne engloutir la ville et ses habitants. Paniqués, les survivants prennent la fuite.
Le bâti ancien, peu élevé – un à deux étages -, a le mieux résisté. Des immeubles récents, vieux d’à peine deux ou trois ans, ne subsistent que des pans de murs troués. Mairie, écoles, mosquées, hôtels, pylônes électriques tout est à terre. L’hôpital lui-même est en ruine, et c’est vers Alger et Oran, à équidistance d’El-Asnam (210 et 220 km), que sont évacués les blessés. L’armée est en première ligne. Des bénévoles qui affluent de toutes parts viennent prêter main-forte. Des équipes de secours sont dépêchées par les gouvernements étrangers. La solidarité et la dignité dont font preuve les Algériens forcent le respect de tous les médias internationaux venus couvrir l’événement.
Il ne s’agit pas là d’une première. En septembre 1954, un séisme d’une magnitude de 6,7 sur l’échelle de Richter avait déjà secoué El-Asnam, qui portait alors le nom d’Orléansville, faisant 1 340 morts. La terre avait également tremblé auparavant, en 1922 et en 1934. Et le risque qu’une telle catastrophe se reproduise est élevé : toute la zone côtière du nord de l’Algérie est située sur une faille due au chevauchement des plaques tectoniques eurasienne et africaine, cette dernière bougeant vers le nord-ouest de près de 6 millimètres par an.
En arabe, el-asnam signifie « les statues » ou « les idoles », en référence à des statues romaines découvertes dans la région. Au lendemain du drame de 1980, la ville est rebaptisée Chlef, du nom du fleuve qui la traverse, pour conjurer le mauvais sort d’une appellation jugée païenne. Dans la foulée, les autorités instaurent une réglementation destinée à réduire le risque sismique. Mais, vingt-huit ans plus tard, des milliers de sinistrés sont encore logés dans les quelque 13 000 chalets préfabriqués censés leur servir d’hébergement provisoire. À bout de patience, leurs occupants se sont soulevés en mai 2008, exigeant que le programme de réhabilitation doté par l’État soit enfin appliqué.
Source :