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Brahem Critli Bey a été Bey de Constantine

Il a été Bey de Constantine durant deux années, entre 1822 et 1824. Il aimait la justice, mais il lui arrivait parfois d’agir sous l’impulsion de la colère et de Commettre, de ce fait, des injustices.

Kaïd des Heracta, il se trouvait en tournée en Petite Kabylie quand il reçut, en juin 1822, les lettres patentes par lesquelles il était élevé au poste de bey. Il se rendit directement à Alger par Bejaïa pour remercier en personne le pacha et recevoir de ses mains le kaftan d’investiture.

Sur son retour, ayant rencontré, non loin de Bouira, un détachement qui allait relever la garnison de Qacentina, il l’incorpora à son escorte pour se constituer une petite troupe imposante avec laquelle il poursuivit son voyage en passant par Sour El Ghozlan et Bou Saâda.

Arrivé à Kser Teïr, on lui dénonça la présence des fils de Ben Zekri qui s’étaient réfugiés en ces lieux après l’arrestation du bey Ahmed El Mamlouk et de certains de ses amis dont le père Ben Zekri. Le Bey les fit arrêter et conduire à Qacentina et poursuivit sa marche, par petites étapes, recevant, en tous les centres traversés, l’hommage et le serment de fidélité de la part des cheikhs et kaïds.

L’arrivée de Brahem Critli dans la capitale fut accueillie par les acclamations d’une foule immense entourant une importante délégation de notabilités et d’officiers de la milice. Ils venaient saluer non seulement le nouveau bey comme l’exigeait le protocole en de telles circonstances, mais aussi, un enfant qui vit le jour à Qacentina, qui y grandit, et fit sa carrière militaire. De ce fait, quoique d’origine turque, il se constitua sans complexe de nombreux amis parmi toutes les couches sociales. Les hautes fonctions qu’il assuma en différentes circonstances ne l’empêchèrent pas de conserver ou de fortifier toutes ces relations parmi les oulémas, muftis, cadis, autochtones, vieux Turcs et Kulughlis.

Ses administrés l’avaient toujours loué pour sa générosité, son caractère doux et compatissant pour les gens de bien, son amour de la justice qui le faisait agir impitoyablement contre les fauteurs de troubles, contre la tyrannie et l’arbitraire quels que fussent les auteurs.

Après consultation, il constitua son makhzen : El Hadj Ahmed Ben Mohamed Chérif, puis, en 1819, El Hadj Hussein, Khalifa ; Ben Zian, agha deïra ; Ben El Eulmi, agha deïra ; Mohamed Zouaoui Ben Djelloul, bach kateb ; Brahem Ben Kara Ali (beau frère du bey), kaïd dar ; Ahmed Ben El Hamlaoui, kaïd zemala ; Hadj Smaïl, bach chaouch ; Hammou Ben Maâti, bach serradj.

L’installation de son administration achevée, le nouveau Bey de Constantine partit à la tête d’une expédition punitive dirigée contre les Nememcha qui refusaient de payer l’impôt. Victorieux en plusieurs accrochages, il ramena quarante mille têtes de bétail qui furent vendues aux membres du maghzen et aux goumiers de service. Il se retourna ensuite contre les Amamra et les Beni Oudjana des Aurès pour les mêmes motifs, et leur fit subir des dégâts aussi importants.

Dès son retour, au mois de juillet 1822, Brahem Bey désigna son fils Smaïl, kaïd ouissi des Heracta, poste qu’il occupait précédemment, mais comme il était trop jeune pour assumer cette responsabilité, il lui adjoignit Ahmed El Mili, fils de Mohamed El Mili Bey, éminent savant, d’une piété et d’une probité rares.

A la fin du même mois, les Ouled Sidi Ali, se refusant à Payer l’impôt et à ne reconnaître en aucune sorte l’autorité de leur nouveau kaïd Ahmed, Ben El Hamlaoui, le bey y dépêcha son Khalifa El Hadj Hussein et le kaïd dar Kara Ali à la tête d’une forte colonne de spahis et goumiers.

Arrivés de nuit sur les lieux, et, pour surprendre l’ennemi, chacun partit de son côté, en rase campagne, à la tête de quelques hommes, pour faire main basse sur les troupeaux. Mais les Ouled Sidi Ali les avaient repérés dès leur arrivée, et dans la nuit, ils avaient évacué la plaine pour se réfugier dans la montagne. Les troupes turques ne trouvant que vide et silence, se hasardèrent dans la montagne à leur recherche. A peine s’y étaient ils engagées, que tout à coup, surgirent au dessus de leurs têtes des centaines de combattants qui les accueillirent à coups de fusils, semant, dans leurs rangs, la mort et la terreur. Hadj Husseïn, blessé et désarçonné par sa jument, fut achevé à coups de boussaâdi. Hadj Smaïl bach chaouch périt haché en petits morceaux. Kara Ali et Ahmed El Hamlaoui réussirent à se dégager de la mêlée et à rejoindre le reste de la colonne demeuré au pied de la montagne.

Quand les quelques rescapés regagnèrent les rangs, ils s’éloignèrent en hâte des lieux pour rejoindre le gros des troupes.

Le lendemain, à la suite de négociations, on s’entendit pour les uns à restituer les corps des victimes tombées sur le terrain, et, pour les autres leur départ immédiat de la région.

De retour à Qacentina, après que le corps de Hadj Husseïn eut été déposé à Djamaâ El Bey, Brahem Bey s’en prit à son beau frère qu’il accusa d’incapable et de couard pour s’être laissé prendre dans un guet apens et d’avoir fui la bataille. Il le rendit responsable de la mort de Hadj Hussein, de Hadj Smaïl bach chaouch et de tant d’autres. Kara Ali fut destitué et remplacé par Brahem Khodja, parent du bey, en qualité de kaïd dar ; Bakir Khodja devint Khalifa ; Bouzian El Eulmi, destitué à son tour, fut remplacé par Ahmed Ben El Hamlaoui, kaïd deïra.

A la déception de cet échec, vinrent s’ajouter, quelques jours après, les remontrances du dey qui lui reprochait le choix d’hommes incapables, responsables de la perte de tant de vies humaines. Le bey en fut douloureusement touché, au point de garder le lit pendant plusieurs jours. Le temps finit par dissiper cette amertume pour faire place à la routine des soucis quotidiens, et, quand son jeune frère Mostefa vint de l’Ile de Crête, pour la première fois en Algérie, Brahem Bey s’apprêta à le recevoir avec joie et avec tous les honneurs qui lui sont dus. Il alla au devant de lui jusqu’à la limite de son beylik, aux Portes de Fer, afin de protéger son passage contre les Beni Abbas en état d’insurrection. Il le fit acheminer vers Qacentina, pendant qu’il couvrait ses arrières du gros de ses troupes.

Dès son retour, il organisa de nombreuses festivités pour célébrer cet heureux événement. On profita de l’euphorie générale et des bonnes dispositions du frère pour prier ce dernier d’être le porte parole des notables désirant obtenir du bey l’amnistie pour certaines personnalités condamnées à la prison ou à l’exil. Ce fut ainsi que Kara Ali fut réhabilité et admis à la Cour, que les fils Ben Zekri furent autorisés à rentrer à Qacentina.

Le séjour de Mostefa Critli ne dura qu’un mois. Après son départ, on revint aux réalités du gouvernement et du pays. L’insurrection des Beni Abbas à peine éteinte, reprit subitement avec plus d’intensité. Elle couvrit en peu de temps toute la vallée de l’Oued Sahel et s’étendit jusqu’à Bejaia. Des rumeurs diverses sur l’action des insurgés se répandaient comme une traînée de poudre dans toute la Kabylie. A Alger on apprit qu’un kaïd a été tué à bout portant dans un marché, que le cadi hanafi de Bejaia a été enlevé, que toutes les routes entre Alger et l’Est étaient coupées.

Ces nouvelles alarmantes, plus ou moins dénaturées et grossies, incitèrent le dey Hussein à faire arrêter tous les Kabyles résidant à Alger, y compris ceux employés aux consulats étrangers. Il en résulta des protestations et des complications diplomatiques qui amenèrent une rupture entre Londres et Alger, et quelques jours après, la présence de la flotte anglaise en rade d’Alger.

Alger se trouvait donc devant une double menace : les Anglais par mer, et les insurgés aux arrières. Les troupes régulières immobilisées autour de la ville, Yahia Agha sollicita de diverses personnalités maraboutiques leur intervention auprès des insurgés pour trouver un terme à leur mécontentement.

Les négociations étaient en cours quand cent soixante nouvelles recrues de janissaires venues d’Istanbul à destination d’Alger durent, en raison de la présence ennemie en rade d’Alger, prendre terre à Bejaia, mais les routes habituelles pour s’y rendre étant coupées par les insurgés, Yahia Agha demanda à Mohamed Ben Kanoun de les faire convoyer par les gens des tribus amies. La même complication se produisit aux Portes de Fer où les Beni Abbas s’opposaient à tout transit sans le règlement des droits de péage sur leurs territoires, dans ce cas cinq cents moutons ou une valeur équivalente. Ce fut, une fois de plus, Ben Kanoun qui régla le différend.

Dès que la flotte anglaise quitta la rade d’Alger le 29 juillet 1824 (Il y eut un arrangement le 26 juillet entre les deux puissances), Yahia Agha marcha sur les Beni Abbas à la tête de 1000 soldats et 800 cavaliers. Il campa à Tamda d’où il adressa un ultimatum à chaque village et tribu insurgés les intimant de déposer les armes et de venir faire acte d’allégeance. Nombreux furent les villages qui ne se soumirent qu’après avoir été écrasés dans le feu et le sang. Ce qui ne les empêcha pas, le danger éloigné, de reprendre l’étendard de la révolte et de s’attaquer aux arrières de l’ennemi.

Cet état insurrectionnel persista jusqu’en fin 1824, au moment Où Yahia Agha fit intervenir un certain nombre de marabouts dont Si El Mouhoub, auprès des révoltés qui acceptèrent de cesser les combats à la condition que tous les détenus à Alger fussent libérés, et, qu’on allégeât pour eux la contribution de guerre. Yahia Agha accepta la seconde condition et promit d’intercéder auprès du dey pour obtenir des facilités pour la première. Ce qui fut fait.

Préoccupé par ces événements, Brahem Bey Critli accusa un retard considérable dans la collecte des impôts. Le « denouche» d’automne, quoique envoyé à temps, n’obtint pas le succès attendu. Bakir Khodja qui se chargea de cette mission le sentit bien à l’accueil froid qu’il reçut à Alger. Il en fit part à sort maître dès son retour. Le bey le fit destituer de ses fonctions espérant ainsi apaiser les membres du diwan, et donner satisfaction à son propre entourage mécontent des faveurs dont Bakir Khodja tirait bénéfice. Brahem Khodja Ben Kara Ali, cousin du bey, lui succéda. Bakir Khodja devint kaïd dar.

Le bey lui même ne tarda pas à avoir des échos sur l’idée qu’on se faisait de lui au diwan, et à en connaître ses principaux rivaux. Le plus virulent était, lui dit on, El Hadj Ahmed, petit fils de Ahmed El Kolli Bey qui briguait ce poste. Ses principaux sujets de dénigrement étaient la défaite de ses hommes aux Ouled Sidi Ali, de l’insurrection des Beni Abbas et de la région de Bejaia à laquelle il ne put mettre fin sans l’intervention de Yahia Agha. Il comprit avec amertume que l’éclat de son étoile se ternissait dans les ténèbres et que son heure fatale était proche. Ses pressentiments se concrétisèrent au mois de décembre 1824 quand deux chaouchs porteurs des ordres du dey s’en saisirent un vendredi à sa sortie de la mosquée et le conduisirent en prison.

Trois jours après, il fut acheminé sur Alger puis sur Médéa où on l’assigna à résidence. Il fut remplacé, écrit L. Péchot, par un vieux Turc ignorant et sans aucune valeur, nommé Mohamed Menamenni Ben Khan qui résidait depuis longtemps à Qacentina.

Sources :

« Dictionnaire encyclopédique de l’Algérie », par Achour Cheurfi. Editions ANEP, 2007

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